Chapitre 8

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Le couple se remit en route doucement, puis après quelques pas, au petit trot. Ils avalèrent les lignes droites et les virages, évitèrent les flaques vertes et leur alentours boueux, où parfois une trace longiligne indiquait qu’un autre avait eu le malchance de glisser.

Tandis qu’il entamait la petite côte qui précédait l’arrivée au village, Ana aperçut enfin quelqu'un. Il ralentit, prudent. Lorsqu'il parvint à identifier la silhouette comme celle d'un enfant, il perdit toute méfiance. Il se remit à courir, la bride à la main, avant d’être arrêté net par Neige, qui n’avait pas l’intention d’accélérer. Ana regarda sa mule d’un air consterné, mais celle-ci l’ignora royalement. La forme fluette était encore à portée de voix.

— Eh ! Toi !

L’enfant se retourna, visiblement surpris, puis reprit sa route l’air de rien.

Ana tira sur la bride de sa mule, qui s’immobilisa complètement.

— Bravo ! lui adressa-t-il, quel courage !

Ana abandonna la bête, et se mit à cavaler seul.

— Petit ! Attends-moi !

Comme Ana gagnait du terrain sur l’enfant, celui-ci accéléra le pas.

— D’accord, d’accord ! Cria Ana en freinant, j’ai compris, tu ne veux pas que je m’approche. Entre Neige qui ne veux pas avancer, et toi qui refuses de t’arrêter... Dis-moi seulement si tu as besoin d’aide !

L’enfant poursuivit sa course sans se retourner. Ana le regarda disparaître en haut de la côte, puis se tourna vers sa mule, dont l’expression butée n’avait pas changé. Il la saisit par la bride, puis fit claquer sa langue quelques fois. Quelques instants plus tard, ils se remettaient en route.

Une fois parvenus en haut de la côte, ils virent se dessiner les premières maisons du village, entre lesquelles circulaient quelques silhouettes sombres. La bruine se changea en pluie, et Ana se félicita d’être presque arrivé.

Il n’y avait plus trace de l’enfant sur le chemin. Peut-être était-ce tout simplement un des gamins du hameau ? Ana se serait trompé, voilà tout.

Comme il atteignait les abords du village, Ana reconnut un mouvement furtif, là, dans les fourrés.

— Petit ? C’est toi ? osa-t-il.

Il vit apparaître deux yeux méfiants à travers la végétation dense.

— N’aies pas peur, je ne te veux aucun mal. J’ai entendu des cris, alors je suis venu.

— C’est exactement ce qu’a dit l’autre, répondit le buisson.

— L’autre ?

Silence. Le buisson réfléchit, puis comme son interlocuteur n’abandonnait pas, expliqua :

— Il a enlevé ma sœur. Je… je ne sais pas où ils sont. Je l’ai suivi mais il courrait trop vite…

Ana eut du mal à contenir sa colère. Il en avait plus qu’assez d’entendre ce genre d’histoire ! Maudit Vèliens et leur trafic d’esclave ! Avant leur arrivée, on ne se vendait pas les uns les autres. Aujourd’hui, c’était au premier qui capturait l’autre.

— Comment était-il habillé ? Finit-il par demander.

Les deux yeux passèrent dans la lumière, une petite fille apparut. Ana n’en avait encore jamais vu qui portait les cheveux courts.

— Comme toi, répondit-elle. Mais son cheval était plus grand.

Un autre Venatii, se dit-il, probablement un commerçant que ces deux enfants avaient eu la malchance de rencontrer.

— Dis-moi petit — pardon, petite — toi et ta sœur, êtes vous des esclaves ?

La fillette ne sut pas quoi répondre, et Ana se demanda si elle avait compris la question. Son accent n’était pas d’ici, peut-être était-elle bel et bien une servante en fuite.

— Ça ne fait rien, fit-il après un bref silence. Tu sais, je pense qu’on devrait tous être libres. Veux-tu que je t’aide à retrouver ta sœur ?

— Comment ? Bondit la fillette.

Ana eut alors le loisir de l’observer sous ses cheveux mouillés. Elle devait avoir une dizaine d’années, les membres fins et la peau plus tannée que celle des enfants d’ici. Ses yeux avaient une majesté qui fascina Ana, sans doute à cause de leur prunelle noire et lisse, immobile sous deux sourcils sombres. Les ailes de son nez s’estompaient en douceur dans ses pommettes saillantes.

Ses traits étaient si expressifs qu’Ana se surpris soudain à les mimer malgré lui. Il secoua la tête, comme pour se débarrasser de cette figure d’emprunt, puis prit un air sérieux.

— On peut commencer par demander au village s’ils ont vu l’homme dont tu parles.

La fillette acquiesça, après avoir longtemps considéré les maisons au loin.


Elle l’observait depuis l’autre côté de sa mule. Après une dizaines de secondes où il fit mine de ne rien remarquer, il s’entendit demander :

— C’est quoi ton nom ?

— Ana. Et toi ?

— Ana ? C’est presque comme ma tante. Elle s’appelle Aba.

La fillette baissa les yeux, un instant, alors Ana tenta de la distraire.

— Ma mule se nome Neige. Comme la neige.

La fillette eut à nouveau l’air de ne pas comprendre.

— Je m’appelle Evren, fit-elle enfin, mais tu peux m’appeler Evi.

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