Vendredi 29 mars /2

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Julie

Mon Dieu, pourvu qu’il n’ait rien de grave. Je ne comprends pas pourquoi l’infirmière a refusé de me dire ce qui s’est passé. Je me revoie encore au milieu de la cuisine, le fouet à la main, cassant le dernier œuf avant de l’incorporer à la masse. J’avais coincé le combiné entre mon épaule et mon oreille et écouté d’abord distraitement la secrétaire m’annoncer que l’infirmière voulait me parler. J’avais lâché le fouet, éclaboussant au passage mon tablier mais aussi la manche de mon pull, éteint le four précipitamment avant d’enfiler une paire de ballerines et de courir à l’extérieur de la maison. Evidemment j’avais oublié mon sac et dû faire marche-arrière. Fermer la maison, sortir la voiture du garage et prendre la direction de l’école.

Je me gare du mieux que je peux, sans même contrôler si je suis bien à l’intérieur de la case, ni même si j’ai le droit de stationner ici. Les portes de l’école sont devant moi, je ne peux pas être plus près. Je bondis hors de ma voiture et cours vers l’entrée de l’établissement et traverse la cour. Au coin du bâtiment, je bouscule un homme qui tient la main d’un jeune garçon tout en parlant au directeur.

— Madame Chablot ? s’étonne le principal.

— Monsieur Schmutz… excusez-moi ! Théo s’est blessé en gym, dis-je sans ralentir mes pas.

— Voulez-vous que je vous accompagne ? propose-t-il.

— Non… c’est gentil, je connais le chemin.

Je n’ai pas plus regardé l’homme que je venais de bousculer que le directeur. Je me suis à peine excusée. Seul l’état de mon fils m’importe. Je l’imagine le visage en sang ou un bras cassé, mais heureusement, ça n’a pas l’air trop grave. Sa cheville est gonflée, sans doute foulée, mais pas cassée. J’ai eu tellement peur que le soulagement me fait sourire et mon p’tit bonhomme grogne, croyant que je ne prends pas son bobo au sérieux.

Après que l’infirmière me fait quelques recommandations, j’embrasse les cheveux de mon bébé et l’emmène à la maison pour le soigner. Il ne terminera pas la journée à l’école et aura même les deux semaines de vacances pour se rétablir avant de retrouver ses copains.

— Tiens-toi à mon cou, Théo… tu seras moins lourd, dis-je en posant mes bras sous ses fesses.

Piouf, c’est qu’il n’est plus si léger, mon gaillard.

— On va à l’hôpital, maman ? sanglote-t-il.

— Non. On va à la maison mettre des glaçons. Pour l’ambulance, les pompiers et l’hôpital on verra demain, plaisanté-je.

— Mais demain c’est samedi !

— Les médecins ne sont jamais en congé, Théo. Ne t’inquiète pas pour ça.

— Je pourrai regarder la télévision ? chouine-t-il alors que Monsieur Schmutz se retourne en entendant mes pas.

— Alors bonhomme ? Tu as fait une mauvaise chute ? demande-t-il en s’approchant.

— Oui, pleurniche mon fils.

Je remarque au même instant l’homme qui se tient légèrement en retrait. Son regard est insistant et son visage ne m’est pas inconnu. Poliment, je le salue d’un petit signe de la tête sans cesser mes pas, cherchant mentalement qui ce monsieur me rappelle. Je me retourne pour trouver un indice et il en profite pour me dire bonjour, un sourire au coin des lèvres.

Il faut que j’arrive à la hauteur de ma voiture pour réaliser que c’est le Monsieur de l’accident avant Noël. Monsieur Roucal de Nyon. Le pare-chocs avait été remplacé et il ne reste aucune trace, même si ça m’ennuie d’avoir une voiture neuve accidentée, mais ce n’était vraiment rien de grave.

Pourquoi était-il dans la cour de l’école ? Pourquoi souriait-il ce matin ? M’aurait-il reconnue ? Se moquerait-il de moi ? Encore une fois ? Non. Nous n’avions partagé que quelques minutes et encore, il était tellement furieux et pressé qu’il devait simplement se souvenir d’une petite blonde maladroite. Et l’état de mon pull couvert de pâte à crêpes rendait cette impression encore plus vraie. Tim a raison de penser de moi que j’ai deux mains gauches.

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