Dimanche 26 mai/ 4

5 minutes de lecture

Charlotte

L’ambiance est très agréable et tous nous ont accueillis chaleureusement. Les enfants sont nombreux et s’amusent loin de nous sans trop se chamailler. Quant aux adultes, ils ne restent pas assis immobiles durant des heures. Tout le monde se mélange et j’aime faire connaissance, me retourner et voir un nouveau visage. Même si je sens des regards gourmands ou des sourires invitants et que forcément ma libido grimpe en flèche, j’ai beaucoup de plaisir et je comprends mieux l’enthousiasme de Manu. Le seul que j’ai réussi à éviter c’est son collègue, Tim. Je vais déjà passer toute une journée en sa compagnie dans une semaine, c’est suffisant.

Cette distance me permet de l’observer. Il semble très apprécié. Il plaisante facilement, rigole de tout, charrie les enfants. Je me suis peut-être fait une mauvaise première impression. Je devrais plus me fier au jugement de Manu. Je me promets de lui laisser une chance.

En fin d’après-midi, je craque pour une tranche de cake au chocolat et m’exclame dès la première bouchée avalée qu’il est délicieux. Je ne parviens pas à trouver l’ingrédient qui lui donne cette petite touche d’acidité très agréable et demande qui a fait cette merveille.

— C’est Julie ! dit en chœur toute la tablée, comme si c’était une évidence qu’elle faisait tout.

— Julie ? Mais où est votre épouse Tim ? s’étonne l’un des patrons.

Eux, je les reconnais bien maintenant. Ils sont trois associés et portent une tenue classique, sans cravate alors que les autres collaborateurs sont en short et t-shirt.

— Elle se balade. Vous désirez reprendre une tranche ? propose Tim.

— Vous connaissez mes faiblesses. Ma femme tente de reproduire à l’identique cette gourmandise sans y parvenir. Pourrait-elle lui donner la recette ?

— Je vous laisserai la convaincre. Même moi, je ne la connais pas.

— Comme si je t’interdisais d’entrer dans la cuisine, le surprend Julie en réapparaissant.

— Ma petite Julie… ouvrez une pâtisserie, je serai votre plus fidèle client.

— Je préfère le faire pour le plaisir de temps en temps, Jean-Philippe. Et promis, j’enverrai la recette à votre femme.

— Vous êtes un ange, dit-il en lui faisant un clin d’œil.

Nous avons au moins un point commun… Les douceurs. Peut-être que finalement nous nous entendrons bien. Tim a vraiment laissé une drôle d’impression à Manu sur sa femme, vu sa manière de la décrire. Par contre, si elle ne semble pas gênée aux divers compliments des uns et des autres, elle ne remarque pas non plus, les sourires et les clins d’œil. Est-ce qu’elle se rend compte que c’est du flirt ?

Julie

Le soleil se fait plus timide et l’après-midi touche à sa fin. Les gens rangent leurs affaires. Je les imite, rassemblant les restes dans une assiette et je m’approche des ados toujours friands d’une miette de cake pour finir la journée. Même si j’ai réussi à éviter de me retrouver près d’Emmanuel, j’ai souvent senti son regard sur moi et encore en ce moment, il me semble qu’il n’a d’yeux que pour moi. Je me concentre sur mes gestes, sans relever le visage dans sa direction lorsqu’une main se pose près de la mienne sur la table. Je frissonne. C’est lui. Je sais. Je retire mes doigts, me retourne alors qu’il murmure :

— Un regard… Juste un regard !

J’avale ma salive difficilement, ma gorge s’étant asséchée brusquement. Mon corps se crispe, mon cœur s’emballe, mes joues rosissent et mon esprit carbure à toute vitesse. Pourtant il le faut, je dois lui montrer qu’il ne m’impressionne pas.

Avant que je trouve la force de le faire, j’entends la voix de Charlotte et cela me donne l’énergie pour lui faire face.

— Alors qu’est-ce qu’on vous amène dimanche prochain ? demande-t-elle.

— Vos maillots de bain, répond Tim dans mon dos. Ils annoncent une semaine splendide. J’espère que cela durera jusqu’à la fin du week-end.

La présence de mon mari me rassure. Je souris plus sereine et soutiens sans peine le regard d’Emmanuel. Je remarque un petit rictus malicieux au coin des lèvres. Se réjouit-il de nous revoir ou… que nous soyons tous en tenue de plage ?

— Je m’occupe du dessert ? propose Charlotte.

— Si vous voulez, dis-je à mi-voix.

— On a dit qu’on se tutoyait ! s’exclame Tim. Faut excusez ma femme, elle n’est pas très à l’aise en public ! D’ici une semaine, je suis certain qu’elle aura réussi à se détendre, n’est-ce pas Lili ? Qu’est-ce que je peux prendre pour l'apporter à la voiture ?

— La glacière et le panier, là.

— Au fait, tu conduis, Lili… moi j’ai trop bu !

— Je vais chercher les enfants, annonce Charlotte me laissant à nouveau en tête-à-tête avec son homme.

Je m’occupe empilant la vaisselle toujours sous l’attention de Manu.

— Un regard… rien qu’entre nous. Regarde-moi, Julie.

Je soupire fortement, lâchant les couverts, relevant mon visage et lui faisant face. Mais mon assurance me quitte au moment où nos yeux se croisent. Je me liquéfie. Je passe de ses prunelles à sa bouche, frissonne, puis détourne mon attention.

— Papa… pourquoi on part déjà ? se plaint Marion.

— Parce qu’il est tard. Et que tous tes amis s’en vont aussi.

— C’était super bon, Julie, ton cake un vrai régal. Je ne le dis pas devant maman, parce qu’elle est la reine des gâteaux… mais le tien était délicieux.

— Merci, dis-je simplement.

J’ai réussi à le regarder, première petite victoire sur cet état de panique permanent en sa présence, mais arriverai-je à l’embrasser ? Je veux dire… sur les joues, devant sa femme, en présence de Tim, des enfants… Voilà que je stresse ! Encore !

Je refuse de le toucher, qu’il pose ses lèvres sur moi, que sa main frôle mon bras, mon épaule ou mon dos. J’en tremble presque, je me sens si fragile près de lui.

Je cherche une excuse pour y échapper, mais avant que je ne puisse m’éclipser, Charlotte m’enlace en me disant qu’elle est très impatiente de venir chez nous, le dimanche suivant. Marion me colle également ses baisers sur les joues tout comme le petit Maxime. Manu tente une approche, mais je lui plante un saladier dans les mains, et lui demande :

— Vous voulez bien déposer ce plat près de notre voiture, cela m’évitera un voyage supplémentaire.

Sauf qu’avec ou sans saladier, il se permet de m'embrasser. Je reste immobile, comme une cruche, recevant sans donner… Un peu comme lors de…

Cesse d’y penser, me grondé-je.

Annotations

Vous aimez lire Méline Darsck ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0