Jeudi 19 septembre / 4

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Charlotte

Mince, voilà qu'elle est à nouveau toute tremblante. J'avais commencé à la rassurer et avec mes gros sabots je la remets mal à l'aise. Mais autant qu'elle comprenne.

— Tu deviens un sacré problème entre nous, plaisanté-je à moitié.

— Arrête, Charlotte, ce n'est pas drôle.

— J'ai retourné le souci dans tous les sens depuis cet été. Tu sais comment j'ai deviné que c'était toi le nœud du problème ?

Elle secoue la tête, je la sens curieuse sans oser demander.

— Les nuits après avoir passé du temps avec toi, Manu est plus que performant. Son énergie est comme décuplée et il n'essaie pas de me câliner entre deux positions. Il s'active, me chevauche, me rend totalement dépendante de ses à-coups sans jamais rechigner à me donner du plaisir. Il culpabilise de penser à toi.

Julie se prend la tête entre les mains et s'excuse encore une fois. Je câline son épaule et la rassure :

— Mais pourquoi ? D'avoir croisé mon mari ? De lui plaire ? Moi, je suis très heureuse de te connaître et que tu fasses partie de notre vie. J'aimerais simplement que Manu assouvisse son fantasme.

Elle continue de garder les yeux baissés en murmurant que je ne peux pas lui demander ça.

— Même en vous tenant éloigné, l'un l'autre sans même vous toucher, sans même y penser, vous souffrez. Ne me dis pas le contraire. J'ai remarqué ton étincelle lorsque tu poses tes yeux sur lui. Et lui, il semble perdu quand tu disparais. J'ai vraiment peur qu'un jour prochain, il me quitte pour pouvoir vivre une véritable aventure avec toi.

— Je ne le laisserais pas faire, il ne m'approchera plus, je ne le permettrai pas. Pour vivre une relation, il faut être deux et...

— Personne ne pariait sur notre couple. Mes anciens psys m'ont tous dit que notre histoire tiendrait le temps que dure la passion, c'est-à-dire trois ans. Manu m'aime depuis bientôt vingt ans. Alors si pour pouvoir connaître encore vingt ans de plus avec lui, je dois le partager une nuit avec toi, sincèrement... Je ne vois pas d'inconvénient.

— Et si... une nuit ne suffit pas ?

— Tu as les mêmes craintes que Manu, ma parole. Vous vous êtes concertés ou quoi ? Ben si une nuit ne suffit pas, il y en aura d'autres. C'est pas le nombre qui me pose problème, Julie, c'est plutôt que tu restes loin de lui.

— On peut choisir de ne plus se voir.

Je tressaille. Non. Je refuse de perdre son amitié ou que Manu me reproche cet éloignement.

J'ai l'impression de pouvoir lui parler de tout, et c'est bien la première fois que je ressens une telle complicité sans aucun jugement envers moi, de la part d'une femme. J'ai déjà eu des copines, mais pas de véritables amies.

— Ça finira par passer, si on arrête de se fréquenter.

— Tu as pensé aux enfants ? Et nous ? Je n'ai pas envie que tu quittes ma vie ni celle de ma famille. Bordel, Julie ! C'est quoi une partie de jambe en l'air ? Je ne propose pas de l'épouser ou de vivre avec nous. Juste qu'une fois, une malheureuse fois Manu pose ses mains sur toi et te fasse jouir. C'est pas non plus le bagne, je t'assure ! Et je suis certaine que tu en meurs d'envie.

Julie

Cet échange sincère et franc s'accorde sur des regards tout aussi attentifs l'un à l'autre. Nous sommes au milieu d'un bar, mais rien d'autre n'existe que nos confidences. Le bruit ne nous dérange pas, tout comme les voisins de table. Elle s'est livrée, me dévoilant des parts d'elle que sans doute personne ne connaît. C'est maintenant à moi de me montrer honnête. Charlotte en a besoin.

— Je ne sais pas si je vais réussir à te faire comprendre ce que je souhaite te dire. Mais je vais essayer.

Charlotte penche la tête et me sourit en signe d'encouragement.

— Je me suis sentie attirée par Manu immédiatement. Cela faisait des lustres que je n'avais plus rougi devant l'attention d'un homme. Quand il s'est approché de moi, c'est mon esprit qui le repoussait, ma morale, mes principes, le jugement des autres. Mais quand ses lèvres se sont retirées des miennes, j'ai eu l'impression qu'il m'arrachait une partie de mon corps. J'avais besoin de ce contact, comme j'avais besoin de respirer. Je l'ai à mon tour embrassé. Cela n'a pas duré des lustres... et après l'esprit, la raison et tout le toutim ont repris le dessus et j'ai paniqué. Cela faisait vingt ans que j'étais fidèle à Tim, jamais un baiser échangé avec un autre homme, une caresse ou même un regard appuyé. Alors pour me rassurer, je me suis convaincue que c'était parce que Tim ne me touchait plus. Manu a réveillé des émotions enfouies depuis des années. Il m'a rappelé qu'avant d'être une mère et une épouse, je suis aussi une femme. Même si je ne sais pas encore trop bien par quel bout la faire évoluer. J'ai un peu perdu le mode d'emploi.

Je reste quelques minutes sans rien dire, pensive. C'est la première fois que j'avoue cette attirance. Que je mets des mots sur mes émotions.

Le visage de Charlotte semble plus tendu, son regard plus sombre et son sourire a fui. Je ne sais plus trop quoi lui dire. Et la gêne m'envahit à nouveau.

— Il faut que tu nous aides, Julie... On ne s'en sortira pas sans toi.

— Je vais disparaître, c'est plus simple.

— Non ! crie-t-elle soudain.

— Charlotte, dis-je à mi-voix en regardant de tout côté.

Puis, je pose une main sur son bras et poursuis :

— Il n'y avait pas de problème avant qu'on se rencontre...

— Il y en aura des centaines si tu t'éloignes. Je vais le perdre, Julie, sanglote-t-elle les larmes aux yeux.

Je me lève et me précipite pour la prendre dans mes bras. Elle me répète qu'elle aimerait être comme tout le monde, qu'elle ne gère pas le fait de ne pas rendre son mari totalement heureux. Je suis triste pour elle, ses larmes m'émeuvent.

Lorsqu'elle voit une perle s'échapper de mes yeux, elle se redresse et tente de dire avec humour :

— Et dire qu'on devait sortir faire les folles !

Je parviens à lui sourire sincèrement, tout en essuyant mes joues. Je lui propose de reprendre une nouvelle boisson et me dirige vers le bar. Sur le chemin du retour, un homme me bloque le passage et je reconnais un de mes collègues.

— Patrick ?

— Julie, mignonne ce soir. Je t'offre un verre ?

— Je suis avec une amie. C'est gentil peut-être une autre fois.

— Je ne viens pas souvent par ici, insiste-t-il.

Charlotte me sourit et me fait signe d'accepter. Elle a raison, cela détendra l'atmosphère. Je pense que nous avons fait le tour des confidences. Il est grand temps de remettre de la légèreté dans nos propos.

— Mignonne seulement ce soir ? dis-je soudain plus sûre de moi.

— Non... mignonne tout le temps, incroyablement attirante ce soir, corrige-t-il.

Je l'emmène près de Charlotte et fais les présentations. Son interruption et sa présence nous aident à changer de sujet et il m'offre quelques sourires enjôleurs. Même si Charlotte est très sexy, Patrick n'a d'yeux que pour moi. Je suis flattée. Par contre une relation au bureau n'est pas la solution, mais ça reste très agréable.

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