Double visite

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Je me suis présenté un lundi matin au pénitencier, pour rencontrer un certain Horace Bores, de vieux amis m’avaient expressément demandé de m’occuper de cette affaire et d’assurer la défense de ce client potentiel.

Je ne l’avais jamais vu et je ne connaissais rien de son dossier. Prendre une telle affaire sous le bras à l’emporte pièce ne correspondait pas à mes habitudes de travail, et j’allais donc un peu à contre cœur visiter ce prisonnier pour faire plaisir à mes vieux amis.

Avant d’arriver dans une des salles consacrées habituellement aux entretiens et aux visites, les gardiens me firent passer par de longs couloirs, comme s’ils voulaient faire un détour discret dans le labyrinthe des sous-sols de la prison.

Je leur demandais pourquoi tout ce cheminement, mais les gardiens restèrent peu bavards, m’expliquant en quelques mots que depuis peu il fallait suivre de nouveaux protocoles de sécurité.

Ces réponses sibyllines s’ajoutèrent à quelque chose d’étonnant, plus j’avançais dans les couloirs et plus je voyais de croix dessinées à la craie un peu partout sur le sol, sur les murs et les piliers.

Arrivés devant une porte massive, les gardiens me demandèrent de patienter, l’un ouvrit la porte de métal digne de l’entrée d’un bunker, un autre me remit un objet dans la main, c’était une chaînette munie d’une croix.

Je regardai le gardien d’un air interrogateur, ce dernier me fit un signe de la tête, voulant sûrement signifier que je devais la garder pour la visite.

J’entrais dans la pièce, elle était assez petite, une table et deux chaises pour tout décorum, tout le reste était blanc, le sol, les murs et le plafond renvoyaient les lumières des tubes fluorescent de façon blafarde.

Horace Bores était assis, il attendait crispé et anxieux à la fois, je lui expliquais alors qui j’étais et comment je pourrais être amené à le défendre.
Nous n’avions pas encore échangé que je pouvais constater des signes religieux sur ses bras et ses épaules, non pas des tatouages mais des signes faits à la hâte au stylo bille.

             *

- On vous a arrêté il y a deux jours sur la route 37 à hauteur d’une station essence, vous étiez seul et quand la police vous à mis les menottes, la station essence était en feu.
D’après le rapport de la police vos vêtements sentaient l’essence et il n’y avait personne d’autre sur les lieux.

- Je devais le faire, mais cette histoire est folle vous ne pourrez pas comprendre, de toute façon il viendra jusqu’ici !

- Je suis avocat, mon gars. Je peux croire n'importe quoi.

- Je revenais de la vallée, j’avais faim et je me suis arrêté sur le premier truc qui était ouvert sur ma route.

- Ok, et vous vous êtes garé devant la station essence, c’est bien ça ?

- Oui, j’allais juste commander un sandwich ou une omelette, j’avais sacrément faim.

Je suis donc entré dans la station, la télé était allumée, mais il n’y avait personne, même pas le gérant.
J’ai appelé et je suis même allé voir derrière le comptoir et les cuisines, mais personne.

- Et… ?

- Et comme j’avais faim je suis allé me servir dans les frigos, il y avait de quoi manger, je ne voulais pas voler, j’avais de l’argent pour payer !

- Et quel est le lien entre ce que vous venez de me raconter et l’incendie de la station ?

- Je me suis installé sur un fauteuil et j’ai mangé un truc en regardant la télé, il y avait les infos qui passaient en boucle, et qui parlaient toujours de ce truc bizarre dans le ciel.

- Oui une perturbation de haute atmosphère d’après les météorologues.

- Et bien c’est pas qu’une perturbation votre truc là !

- Comment ça !?

- J’ai laissé un billet sur le comptoir pour mon sandwich, comme je vous ai dit je ne suis pas un voleur. Puis j’ai voulu passer par les toilettes rapido avant de repartir.

Le gérant, enfin... Ce qu’il restait du gérant, se trouvait éparpillé sur le sol.

- Pourquoi n’avez vous pas appelé la police ?

- Pourquoi !? Pour qu’ils me mettent ça sur le dos !

- Ok ok je vois, et c’est pour ça que vous êtes sorti en courant sur la route 37 ?

- Non ! J’étais encore à l’intérieur, puis j’ai entendu un bruit vers la pièce de stockage du fond, je suis allé voir.

A cet instant un grand bruit et des cris se firent entendre de l’autre côté de la porte massive. Horace se leva d’un bond et alla s’accroupir dans un coin, mort de trouille.

- Il vient pour moi !

- qui ça « il » !?

- Cette chose que j’ai croisée à la station !

Je me levai et appelai les gardiens, mais aucune réponse, je cognai sur la porte pour attirer leur attention mais toujours rien.

Un grincement de métal agressa nos tympans en même temps qu’Horace et moi constations avec frayeur que la porte d’entrée était entrain de se gondoler sous l’effet d’une force énorme.

- Mais vous avez vu quoi dans cette station ?

- La bête ! La bête que j’ai essayé de tuer en mettant le feu à la station !
Elle est là, elle veut se venger.

Je reculais, me disant que nous n’avions pas échappatoire et que nous allions peut-être y rester tous les deux.

Puis un bruit sourd, une grenade peut être explosa derrière la porte. De longues secondes de silence précédèrent l’ouverture de la porte et l’entrée d’un gardien qui nous ordonna de le suivre sur le champ.

En sortant de la pièce, je découvrais un corps déformé et agonisant sur le sol, je ne savais pas ce qu’était cette chose, Horace fit un signe de croix en passant devant, et le gardien tout en continuant d’avancer rapidement me lança un regard inquiet en me glissant ces quelques mots : « Il y en a d’autres dehors... »

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