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Bonjouuur ! Pour aujourd'hui, voilà un passage que je trouve mal articulé. N'hésitez pas à surligner tout ce que vous trouvez bof ! :'(

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– Là, là, dit doucement Blanche. Tout va bien.

C’était la créature la plus laide qu’il lui ait été donné de voir. Elle avait vaguement la forme d’un chien ou d’un chat, mais avec de toutes petites pattes ridicules et un corps si boudiné qu’on aurait dit un saucisson ou une grosse chenille. Sa peau nue, d’une teinte blême et maladive, formait des paquets de plis. Le tout était agrémenté de touffes de poils éparses et de grosses verrues ici et là. Blanche se força à faire comme si de rien n'était.

– Dommage que je n’aie pas mon sac avec moi... Je t’aurais donné des biscuits. Je garde toujours les biscuits de mes rations !

La créature la scrutait de ses yeux globuleux, avec crainte, comme si elle s’attendait à se faire humilier ou frapper.

Peur. Peur, peur, peur, exsudait-elle par tous les pores de sa peau.

Était-ce à cause de sa laideur que ces oiseaux s’attaquaient à elle ? Tout ce qui l'entourait était si beau, si harmonieux, qu’elle ne semblait pas à sa place.

– Tu vis vraiment ici ? marmonna Blanche. Ça doit pas être drôle tous les jours...

Très doucement, elle serra la petite patte de la créature entre deux doigts et la secoua de haut en bas.

– Enchantée. Je m’appelle Blanche. Et toi ?

Blanche, répéta la nivée avec agitation. Blanche.

– Oui, c’est ça !

Blanche. Derrière !

Elle se rendit compte un peu tard que la bestiole voulait l’avertir d’un danger. En se retournant, elle découvrit à quelques mètres une sorte de ver géant qui s'extirpait du sol. Il était couvert d’écailles brillantes, qui reflétaient le soleil en un jeu de lumière cuivrée.

– Aïe, marmonna-t-elle. C’est quoi, ça, encore ?

Blanche, dit fébrilement la nivée. Danger. Danger !

Le ver se tourna vers elles. Il n’en finissait pas de sortir de terre, souple et musclé comme un serpent – un très long serpent. Un frisson de dégoût hérissa la peau de Blanche. La petite bestiole s’attendait sans doute à la voir s'enfuir. Un couinement de surprise lui échappa quand Blanche se plaça devant elle, les jambes légèrement fléchies, dans l’évidente intention de la protéger. Sans s’en rendre compte, la jeune fille imitait grossièrement la posture que prenait Aaron pour se battre.

– Ouste ! jeta-t-elle au ver. T’approche pas, ou tu vas voir de quel bois je me chauffe !

Il n’eut aucune réaction. Il n’avait certainement pas d’oreilles pour l’entendre. Blanche se tendit en le voyant ramper vers elles, déroulant son corps souple et presque huileux. Puis elle sentit quelque chose tirailler le bas de son jean : deux petites pattes de souris. L’étrange bestiole levait vers elle ses yeux globuleux.

Blanche fuir, dit-elle. Moi pas grave.

D’une patte, elle désigna le ver.

Yurlungur. Yurlungur mange humaine.

– Quoi ? C’est moi qu’il veut ?

La bestiole hocha la tête, dans un geste qui fit trembloter son triple menton. D’un coup d’œil, Blanche jaugea la distance qui la séparait encore du serpent.

– Ne t'inquiète pas, à mon avis, je cours plus vite que lui.

Elle se baissa vers la bestiole, dans l'idée de la prendre dans ses bras et de l'emmener avec elle. La créature recula par réflexe, instantanément effrayée. Blanche se figea. D'un coup, elle remit son geste en question. Qu'avait-elle voulu faire exactement ? Emporter cette créature avec elle ? L'amener au convoi ?

Ce serait sans doute mieux, songea-t-elle en la contemplant, toute tremblante. Ces oiseaux...

Mais était-ce une bonne raison ? Elle avait assisté à une scène de moins d'une minute, elle ne pouvait rien en déduire sur la vie de cette nivée. Souhaitait-elle vraiment être arrachée à ce lieu, et incluse de force dans le convoi ? Blanche avait-elle le droit de prendre cette décision ainsi, sans y réfléchir, sans même lui demander son avis ? Ce n'était pas un objet, ni un bébé abandonné. La créature avait déjà une vie, des souvenirs, certainement une famille. Elle vivait là, elle connaissait ce lieu et ses dangers bien mieux que Blanche. Déçue d'elle-même, la jeune fille se donna une petite tape sur la tête.

Puis elle s’accroupit à la hauteur de son nouvel ami.

– Je m’en vais, alors. (Elle lui serra la patte avec solennité.) Je suis contente de t’avoir rencontré. Fais attention à toi.

Elle enfila son masque. Puis, devenue raijū, elle se retourna une dernière fois :

Merci.

Non, répliqua la petite créature en disparaissant sous la voiture. Merci Blanche. Méchants oiseaux. Merci, merci.

Le cœur léger, la jeune fille se changea en balle de lumière. Elle disparut en filant comme une comète.

***

Cornélia retrouva les boyards exactement au même moment que Blanche. Elle aperçut même sa sœur avant eux : cachée derrière le mur blanc d’un petit palais, la blondinette retirait son masque pour reprendre forme humaine. Lorsque Cornélia s’approcha d’elle, toujours perchée sur le rempart, et lui jeta sa brassière et son pantalon, la cadette poussa un cri en croyant que le ciel lui tombait sur la tête.

– Chut ! la tança Cornélia. C’est moi !

– Bon sang, tu m’as fait peur ! jura sa sœur en émergeant du tissu.

La grande langue râpeuse de Pouet l'accueillit aussitôt, avec beaucoup d'amour et de salive. Elle la repoussa d'une main, exactement comme elle l'aurait fait d'un rideau, puis essuya les rigoles de bave sur sa figure.

– Tu fais quoi, là ? demanda-t-elle à Cornélia. Pourquoi tu crapahutes sur le mur ?

– Une histoire de serpents de cuivre qui font peur…

La blondinette grimaça en enfilant ses habits.

– J’ai vu les mêmes…

– Dis-moi que t’as retrouvé la clé !

Blanche lui montra la petite clé d’or.

– Oh, sapristi, soupira Cornélia. Merci, mon dieu, merci. J’ai eu peur !

– Et moi donc…

Cornélia descendit du rempart en se laissant glisser sur les briques, imaginant qu’elle avait la dextérité d’un ninja, même si elle ressemblait plutôt à une mouche morte dégringolant d’un appui de fenêtre. Iroël resta caché à distance, invisible. Lorsqu’elle lui avait demandé pourquoi il les suivait, il avait répondu « Je reste là. Au cas où. Je suis là en renfort. »

Un renfort qu'Aegeus n'avait jamais demandé, manifestement.

En parlant d'Aegeus, les sœurs échangèrent un regard. Pouet les contempla en silence, parfaitement conscient de ce qu'elles pensaient. Puis ils se mirent tous les trois à courir pour rattraper le groupe de boyards. Blanche s'arrêta près d'eux en ahanant comme un bœuf, dans un sillage d'éclaboussures, et poussa son jeu d'actrice jusqu'à s'appuyer sur ses genoux. Elle avait l'air au bord de l'apoplexie ; Cornélia s'y serait presque laissée prendre.

– Vous auriez pu nous attendre ! se plaignit-elle en haletant, avec un naturel qui stupéfia sa grande sœur.

Tous se retournèrent vers elles. Le soulagement passa dans les yeux noirs d’Aaron, que sa langue traduisit à sa manière :

– Vous étiez censées nous suivre, espèce de débile ! T’as pas compris que le coin craint à mort ?

– J’ai réussi à récupérer mon bracelet ! se vanta-t-elle pour toute réponse.

– Et c’était complètement con de ta part, rétorqua Aegeus en se retournant brièvement. Je t’ai dit de ne pas t’éloigner !

Cornélia comprit qu’il les avait abandonnées pour leur donner une bonne leçon. Malheureusement, l’effet était raté. Elle craignit qu'il se montre furieux contre elles, mais il se contenta de jeter :

– Reprenez votre place ! On n'a pas le temps pour vos gamineries.

Il leva les yeux vers le monument qui les surplombait.

– On va entrer chez Midas.

Les sœurs suivirent son regard. Elles découvrirent un palais de quatre étages, aux façades symétriques ornées de dizaines de fenêtres, encadrées de pilastres et d’arcs sculptés. Il était couronné d’un toit rouge et doré, couvert de losanges d’argent. L’édifice semblait presque petit en comparaison des tours, des clochers et des multiples chapelles qui l’entouraient. Cornélia suivit du regard le grand escalier qui menait à son entrée. Des silhouettes d’hommes et de femmes s’y tenaient campés, formant un rang défensif ou une haie d’honneur. Des gardes ?

– Dieu, que j’ai pas envie d’entrer là-dedans, souffla Gaspard.

Il était plus pâle que d’habitude. En fait, Mitaine et lui avaient l’air bien plus nerveux que le reste du groupe.

– Maintenant qu’on est devant, plus le choix, grogna Mitaine. Faut y aller.

Le soldat la regarda du coin de l’œil.

– Je t’avais dit de pas venir.

Les mains de Mitaine tressaillirent sur Bibiche. Un tic nerveux agita ses deux doigts écorchés.

– Oh, arrête. Si t’es capable d’y retourner, pourquoi pas moi ?

Gaspard fixa la main mutilée de la dryade, hésitant peut-être à la prendre. À la place, il se tripota la nuque, ébouriffant ses épis châtain.

– Mitaine…

– Assez bavassé, trancha Aegeus. On y va. (Il se tourna vers Pouet, collé à Blanche, puis vers la petite licorne, collée à Beyaz.) Mais il faut laisser ces deux-là ici.

Quoi ? glapirent la blondinette et le soldat à l’unisson.

Aegeus eut un geste impatient.

– Vous voulez vraiment les mettre en danger face à Midas ? Nous serons assez de neuf pour mourir bêtement si ça tourne mal. De toute façon, ils nous gêneront plus qu’autre chose. (Il regarda la licorne.) Elle, elle n’a pas de cervelle, elle saute partout sans suivre les ordres. (Il fixa Pouet.) Lui, il a peur de son ombre, et de toute façon, il passera même pas la porte.

Le visage de Beyaz se ferma. La mort dans l’âme, Blanche se rendit à l’évidence en même temps que lui. Ils expliquèrent la situation aux deux nivées, puis leur ordonnèrent de rester cachés.

Bête nounours, protesta la licorne. Nounours besoin de moi. Moi forte. Protéger nounours.

Excédé, Beyaz se frotta la figure.

– Je suis assez grand pour me défendre seul, espèce de microbe. Toi, tu restes là !

Quand Aegeus leur fit signe de le suivre, tous les boyards obtempérèrent. La licorne les regarda partir, assise sur son derrière, l’air renfrogné sous sa frange. Pouet, lui, était déjà allé se terrer quelque part.

Pourvu qu’il ne lui arrive rien, pria Cornélia en son for intérieur. Pourvu, pourvu que rien ni personne ne leur tombe dessus…

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