Chapitre 9 : L’intruse

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— Ben te gêne pas.

Je sursautai. Mon cœur manqua de s’arrêter. Je relevai les yeux de l’ouvrage. Lorsque mon regard croisa celui d’Adam, mon pouls s’accéléra et mes mains se mirent à trembler.

— Heu... Désolée... je m’ennuyais et....

— Et tu t’es permise de fouiller dans mes affaires, persifla-t-il.

En plus de son ton de reproche, un rictus apparut sur son visage esquinté. Je ne savais pas si sa grimace était liée à son état de souffrance causé par ses blessures ou d’énervement à me trouver là.

— Non !

Je refermai aussitôt le livre. Ma défense était minable. J’avais encore la preuve de mon méfait entre les mains.

— Ce n’est pas ce que tu faisais ? demanda-t-il en relevant un sourcil brun.

Il fixa des yeux le bouquin et je m’empressai de le reposer loin de moi.

— C’est juste que ta mère m’a envoyée ici pour que je joue aux jeux vidéo, mais je n’aime pas ça. Alors j’ai pris un livre pour m’occuper. Je crois que nos mères veulent discuter entre elles. Elles m’ont fait comprendre que j’étais de trop.

Ma justification dû le satisfaire car il hocha la tête et abandonna son air rogue. Il poursuivit :

— Elles doivent encore vouloir parler de l’accident.

Perspicace. Ce mec était un génie.

— Mes parents en parlent tout le temps, c’est soûlant, ajouta-t-il en levant les yeux au ciel.

Je compris que lui aussi saturait de cette ambiance pesante.

— Ouais...

Il avait dépassé l’encadrement de la porte, toujours dans son fauteuil roulant. Je le vis essayer de se lever mais son visage se crispa sous la douleur. Il devait dérouiller à cause de sa jambe charcutée. Je lui proposai mon aide, qu’il accepta sans rechigner. Il réclama ses béquilles qui étaient au salon et j’allai les lui chercher pour me faire pardonner mon intrusion dans son intimité. Lorsque je les lui tendis, il me remercia et je sus que j’avais gagné des points.

Nous nous assîmes l’un à côté de l’autre sur le canapé. J’étais en apnée. Lui avait l’air normal. Il posa sa jambe blessée sur un pouf pour la soulager, puis commença à jouer à un truc que je ne connaissais pas.

La scène était surréaliste. J’étais là, muette comme une carpe, regardant un écran de télé dont je n’avais rien à foutre, jetant des œillades énamourées au futur homme de ma vie. Mon cœur battait à cent à l’heure. Mes mains étaient moites et agitées, et ma gorge sèche. J’avais le sentiment que j’allais m’évanouir et lui semblait si... calme.

Ma présence ne lui faisait aucun effet. Là ou pas là, cela n’aurait fait aucune différence à ses yeux. Il était plus intéressé par son stupide jeu que par moi, ce qui me vexai prodigieusement. J’avais hâte qu’il reprenne la parole. Chaque mot qu’il prononçait était une musique agréable à mes oreilles et me faisait vibrer comme une corde de guitare.

Je ne savais pas quoi dire et, en un laps de temps très court, mon cerveau passa en revue tous les sujets potentiellement intéressants que je pouvais évoquer. Aucun ne me convint. Adam était une gravure de mode de dix-huit ans qui m’intimidait trop pour que j’aie l’outrecuidance de le déranger. Fébrile, j’attendis qu’il dise quelque chose. Ce qu’il ne fit pas, trop concentré sur sa foutue télé. Je restai silencieuse, immobile et frustrée.

Il joua trois parties avant de se rappeler que j’existais.

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