Chapitre 14 : La soirée carnage

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Nonobstant cette présence féminine que je jugeai inappropriée, Adam était parfait. Sa rééducation intensive était finie et même s’il boîtait encore un peu, le plus dur était derrière lui. Je l’entendis expliquer qu’il allait encore avoir du kiné mais que tous les pronostics étaient bons. Son opération avait marché même si, comme il le déplorait, elle lui avait laissé une jambe bien amochée. Avec son jean, cela ne se voyait pas. J’étais curieuse de savoir à quoi cela ressemblait dessous. Il me faudrait attendre l’été, dans quatre mois, pour espérer le voir en short.

Elle, en revanche, devait être au courant. À sa façon de se cramponner à lui comme une moule à son rocher, elle devait l’avoir exploré de fond en comble. Je ne comprenais pas ce qu’elle foutait là. Mais j’imaginais que Sonia avait accepté sa présence pour qu’Adam vienne à sa soirée. C’était le genre de garçon qui imposait ses conditions, que tout le monde acceptait sans rechigner.

Sonia l’avait aussi mis à contribution pour les photos qu’elle avait scannées sur son ordinateur. C’est ce que je réalisai au cours de la projection de son diaporama de l’angoisse. Des clichés de Bastien enfant apparurent à l’écran et me donnèrent le cafard, évidemment. La rétrospective était émouvante, trop, beaucoup trop. Les images alternaient entre les deux gars et retraçaient leurs parcours depuis leurs premiers jours jusqu’au dernier. Sonia voulait visiblement nous achever. Elle avait habillé sa vidéo morose d’un tas de musiques tristes pleines de violons, dont My heart will go on de Céline Dion. Oui, elle avait osé.

Tout le monde reniflait.

Je fus mal à l’aise tout au long du diaporama mais je me tus. Je ne voulais pas faire de la peine à notre hôtesse qui, dégoulinante de larmes, était soutenue par ses trois sœurs plus âgées. Sonia avait déjà l’air d’avoir tant de difficultés à encaisser. En plus, elle s’était donnée un mal de chien pour honorer la mémoire de nos deux disparus. C’était louable de sa part.

Louable, mais raté.

Durant cette projection du supplice, Adam, lui, n’avait pas bronché, impassible. Adam quoi. Je l’avais reluqué le plus discrètement possible en profitant de la lumière tamisée. Ce n’était pas facile car nous n’étions pas si nombreux et sa groupie du moment l’accaparait comme s’il était son jouet.

Après le sinistre visionnage, tout le monde était déprimé et éméché. Sonia avait prévu beaucoup d’alcool pour que les jeunes puissent noyer leur chagrin. Alors que la majorité des invités était déjà pas mal imbibée, je remarquai qu’Adam se contenta de jus d’orange, comme moi. Je n’avais jamais picolé, mais le concernant, j’imaginai que l’alcool n’était pas tellement compatible avec sa rééducation. En revanche, il dévalisa les sandwichs. Un classique chez lui. Il avait toujours l’air plus ou moins affamé.

Sonia essaya de ranimer l’ambiance moribonde de sa soirée de la dépression, en évoquant ses merveilleux souvenirs avec feu l’amour de sa vie. J’avais de la peine pour elle mais il fallait la faire taire. Lorsque je vis Adam grimacer en écoutant notre hôtesse, qui souffrait visiblement de diarrhée verbale, j’eus envie de l’étouffer avec un mini-canapé au saumon.

Mais ce fût Maxime, un des deux meilleurs amis d’Adam, qui vint à notre secours en proposant de jouer à « action ou vérité ».

Je mis mes envies de meurtre de côté et redressai la tête, intriguée. Je connaissais ce jeu, même si je n’y avais jamais participé. Je savais qu’il pouvait facilement dégénérer. Par dégénérer, j’entends finir par des baisers ou pire, si affinité.

Toutes les personnes présentes étaient partantes. Adam intervint :

— Tout le monde peut jouer, sauf Anna.

Je me tournai vers lui et le fusillai du regard.

— Tu es trop jeune pour jouer à ça.

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