Chapitre 73 : Le chasseur

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Xavier me souriait de toutes ses dents blanches, heureux de l’intérêt fictif que je lui portais. J’étais si bonne comédienne que Sarah Bernhardt, fusse-t-elle encore vivante, aurait pu aller se rhabiller. Bon public, je riais aux éclats comme une damnée à chacune de ses blagues foireuses. Il était sous le charme de mes élans corporelles, jet de crinière en arrière et main devant la bouche. Bien cachée derrière le verre de jus de mangue que je sirotais goulûment, je jetais régulièrement un œil, que je voulais discret, en direction d’Adam. Mon cavalier de fortune dut s’en apercevoir car il déclara :

— Ça fait plaisir de revoir Adam ici, même si je ne suis pas sûr que j’arriverais à lui parler ce soir, tant il y a de monde autour de lui.

— Ses groupies habituelles, répondis-je acide, en balançant ma chevelure brune par-dessus mon épaule, dans un geste que j’espérais sensuel.

— C’est marrant que tu dises ça, j’ai toujours pensé que tu en étais.

— Moi ? m’insurgeai-je, outrée.

Je failli presque recracher la gorgée que je venais de prendre. Avais-je été si transparente aux yeux de notre petite communauté ? J’étais choquée ! Moi qui pensais avoir été la discrétion incarnée et le tact faite femme, voilà que Xavier, à qui je ne parlais quasiment jamais, me détrompait. J’étais furieuse de constater qu’il m’avait trop bien sondée. Au moins, vu sa remarque, il n’était pas au courant pour la nuit que j’avais passé dans les bras d’Adam après ma soirée d’anniversaire.

— Pas du tout, repris-je avec force conviction. Adam Bellaji ne m’a jamais intéressée.

Pinocchio, ton nez s’allonge.

— Tant mieux, au moins ça laisse une chance aux autres. On en a tous bien profité cette année, après son départ. Quand il est là, il n’y en a que pour lui.

— Vraiment ? Je ne vois pas pourquoi. Tu es aussi bien que lui, crois-moi.

Xavier désapprouva, secouant la tête de droite à gauche avec un sourire triste. Je sentis que la situation le blessait et que l’ombre omniprésente d’Adam lui pesait. Il était vrai qu’avec son visage ordinaire et ses yeux aux paupières légèrement tombantes, il n’était pas aussi séduisant. Mais je n’allais pas le lui confier. Peu importe son physique quelconque, le principal pour moi était que je puisse parvenir à mes fins.

— Quelque chose les attire toutes, ajouta-t-il dans un haussement d’épaules. C’est malheureux à dire, mais après la mort de Bastien et Seb, toutes les filles se sont damnées pour lui. On aurait dit que l’accident l’avait rendu plus attirant. Le côté héros revenu d’outre-tombe sans doute.

— Ouais, il faisait peine à voir, le pauvre, dis-je acerbe, en repensant à ses nombreuses poules. Elles l’ont pris en pitié.

— C’est drôle, je n’avais jamais remarqué que tu lui en voulais autant. Adam a toujours parlé de toi avec beaucoup d’affection.

Adam parlait de moi, really ? Ah bah en voilà une annonce à laquelle je ne m’attendais pas ! J’aurais aimé que Xavier continuât à s’en ouvrir sur le sujet, mais il prit plusieurs autres lampées de son verre d’alcool en silence, essayant de noyer une confession qu’il sembla regretter.

— Ouais, enfin... on est très différents lui et moi, on n’a rien en commun, pavoisai-je.

Seulement plusieurs situations très compromettantes...

Xavier opina du chef, sans en dire plus.

— Ça te dirait de sortir dehors ? proposai-je de ma voix la plus suave. C’est une fournaise ici, avec tout ce monde.

— T’as raison. Suis-moi, il y a une terrasse sympa à l’extérieur.

Je le talonnai de près, espérant que ce rapprochement l’inciterait à se montrer plus entreprenant. Je voulais que l’on voie ouvertement son attirance physique à mon égard, quitte à ce qu’il me touche à la vue et au su de tout le monde. Maintenant que Xavier m’accompagnait pour sortir de la salle, j’espérais qu’Adam nous verrait. Ça tombait bien, il était juste à côté de la porte, entouré de plusieurs mâles de sa famille, des cousins ou des oncles probablement. Peu importe, le principal était qu’il me vit passer à la suite de son meilleur ami et que son regard, d’abord exorbité, devint perçant dans la foulée.

J’avais réveillé son instinct de chasseur.

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