Chapitre 84 : La bénédiction

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— Tu l’as fait exprès ? répétai-je, incrédule.

— Je savais que je te plaisais et tu me plaisais aussi, mais je ne pouvais pas aller trop vite. Je ne devais pas me précipiter avec toi, il ne me l’aurait jamais pardonné.

Il ?

— Seb, ton frangin. Si je voulais avoir sa bénédiction, je devais faire les choses bien. Jusqu’à ce soir, je n’avais pas eu le sentiment d’avoir son accord. Pourtant, quand j’ai compris que notre attirance était réciproque, je me suis obligé à ralentir les choses, à avancer tout doucement. Je voulais être sûr que c’était bien ce que tu voulais, que j’étais bien celui que tu voulais.

Je ne répondis pas, bluffée de l’entendre me parler ouvertement de ses croyances profondes, de sa vision du monde de l’invisible, de sa relation éthérée avec mon frère décédé. Je ne savais pas qu’il y attachait de l’importance, qu’il entretenait une sorte de dialogue avec l’au-delà. Je ne savais pas qu’Adam prêtait attention à une quelconque forme de spiritualité.

Face à mon silence pensif, il poursuivit :

— Je devais aussi aller mieux. Je ne suis pas le même qu’il y a quatre ans. J’ai dû grandir de mon côté. Mûrir. Transformer le petit con que j’étais en mec un peu moins débile.

Sa déclaration me sidéra. Ce n’était pas la première fois qu’il s’ouvrait à moi ainsi, me confiant ses faiblesses ou sa vulnérabilité. Cependant, cette fois, il s’agissait de lui, de moi, de nous. De ce que nous représentions l’un pour l’autre et de ce qu’il espérait de moi. J’apprenais à le connaître au compte-gouttes, au fil des confidences qu’il me partageait. J’appréciais ce nouvel Adam plus prolixe qui, effectivement, semblait avoir évolué. Je relevai un sourcil interrogateur en lui demandant :

— Tu y es parvenu ?

— J’espère, s’esclaffa-t-il, sinon je suis mal barré.

Nous éclatâmes de rire de concert. Il m’enveloppa de ses bras musclés, me colla contre son torse puissant, contre lequel je pressais ma poitrine sans réserve. Malgré le trouble que cela provoqua en lui, il continua à s’en ouvrir à moi :

— Jusqu’à ce soir, le temps n’était pas encore venu pour nous de commencer quoi que ce soit. Tu étais trop jeune, je n’étais pas prêt.

— Et ce soir ? demandai-je, troublée.

— Ça, ma jolie, c’est à toi de le décider.

Ses yeux noisette se plantèrent dans les miens, qui soutenaient difficilement l’intensité de son regard.

— Son accord, tu penses qu’il te l’a donné ?

— Si toi tu me le donnes, il me semble que j’obtiendrai le sien aussi.

Je me mordis la lèvre inférieure, à nouveau sous tension. Chaque fois qu’il me renvoyait la balle, j’avais le sentiment de perdre pied. Je redoutais désormais ce moment fatidique que j’avais pourtant attendu toutes ces dernières années. Que m’arrivait-il, pourquoi paniquai-je à l’idée de réaliser mon rêve ?

— J’ai envie de t’embrasser. Je peux ?

Je hochai la tête, et relevai le menton pour me laisser goûter par ses lèvres pulpeuses. Ses baisers, ah, ses baisers... J’aurais pu en écrire des lignes et des lignes de la poésie qu’ils dégageaient. Sa main vint caresser ma joue pendant que sa langue s’immisçait avec légèreté dans ma bouche. J’avais encore le répugnant souvenir du baiser que j’avais malheureusement échangé quelques heures auparavant avec Xavier. Il avait été à mille lieues de celui d’Adam qui, sans effort, me donnait le sentiment de quitter mon corps pour d’autres sphères. Je ne savais plus où j’étais, ni comment je m’appelais. Dans ses bras, le monde s’arrêtait de tourner, mon cœur de battre, mon cerveau de fonctionner. Il n’y avait plus que sa bouche gourmande, sa langue joueuse, sa main sur mon visage et son corps irradiant de chaleur contre le mien. Je repris mon souffle, et lui le sien. Son visage frôlait le mien, ses yeux étaient à demi-clôt.

— J’aimerais savoir si tu as réservé le même sort à ta chambre qu’au reste de la maison, dis-je avec une voix hésitante.

Je faisais bien sûr référence aux pétales de roses qui jonchaient le sol. Il sourit de ce petit rictus en coin, qui soulignait son espièglerie.

— Suis-moi.

Il m’entraîna vers la pièce, dans laquelle je découvris le même spectacle magique. Des pétales de fleurs coupées étaient éparpillés sur le lit, d’un blanc immaculé. La décoration avait un peu changé au cours de ces deux dernières années, depuis la dernière fois que j’étais venue ici. Tandis que j’observais la mise en scène romantique qu’il avait prévue pour moi, il me quitta quelques minutes pour allumer trois grosses bougies qui trônaient sur le mobilier. Lorsqu’il finit de nous éclairer de ces flammes vacillantes, il éteignit la lumière et revint vers moi pour me reprendre dans ses bras. La lueur des bougies dansaient sur les murs assombris. Il était désormais placé derrière moi, le menton posé sur mon épaule, les mains glissées sur mon ventre.

Nous n’avions encore rien dit. Je détaillai le lit devant nous, profitai de sa chaleur dans mon dos, de son souffle sur mon cou.

J’avais plus que jamais envie de lui. Je redoutais de parler, trop intimidée par ce joli décor de rêve, créé à mon intention par l’homme de ma vie. J’avais l’impression que ma voix allait faire disparaître ce moment de grâce dans lequel nous étions et qui me rappelait si bien ce merveilleux matin dans la grotte, au lever du soleil. Dieu merci, conscient de mon désir pour lui, Adam fit doucement glisser sa main sous mon haut, caressant mon ventre plat et ma taille fine. Des frissons me parcoururent instantanément, comme autrefois. Je m’enquis :

— Tu seras toujours là demain ?

— Oui.

— Tu ne pars pas à l’autre bout du monde ?

— Non.

— Personne ne viendra sonner à la porte de chez toi demain matin ?

— Non.

Seb lui avait sûrement donné sa bénédiction. Car je lui offris la mienne sans hésitation.

— J’ai très envie de toi, Adam.

— Ça tombe bien, j’ai aussi très envie de toi, Anna.

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