Chapitre 35 : Le saucisson

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Adam appela les flics, à califourchon sur l’agresseur. Si moi je l’avais reconnu d’emblée à sa voix, lui n’avait pas encore compris qui j’étais. Accaparé par l’emprisonnement du malotru, il ne me jeta pas un regard. Il décrivit au téléphone l’endroit où nous étions, puis raccrocha. Il resserra les menottes improvisées avec lesquelles il avait attaché les mains et les pieds du voyou. Mon écharpe, mon foulard et ma ceinture avaient été réquisitionnés. Adam n’en possédait pas, vêtu d’un pantalon de jogging qui était à présent complètement détrempé.

— Les flics ne vont pas tardés à arriver. Après vous irez porter plainte. Je pense qu’ils vont vous envoyer au CHU. Vous avez l’air blessé non ?

Je ne répondis pas. Je savais que ma voix allait me trahir, même sous le couvert de la pluie qui continuait de se déverser sur nous.

Adam se tourna vers moi, toujours assis sur l’homme qui avait failli me faire du mal. Les yeux plissés, il essayait de deviner mon visage, en partie caché par la capuche que j’avais rabattu sur ma tête. J’avais mal partout mais la plus grosse douleur se situait dans mon cœur. J’avais honte. Terriblement honte d’avoir été ainsi la cible d’un malade.

— Vous allez bien ?

Nouveau silence. J’espérai qu’il comprendrait mon mutisme et n’insisterait pas. C’était stupide. Tôt ou tard, il finirait bien par découvrir mon identité. Malheureusement pour moi, il ne lisait pas dans mes pensées et répéta sa question.

— Adam...

Je sentis son corps se tendre à distance. Il avait deviné.

— Anna ??? C’est toi, nom de dieu ?

— Oui...

Lorsqu’il entendit ma réponse, il gifla à deux reprises l’homme qui était sous lui. Les claques étaient phénoménales et l’aller-retour fit tourner sa tête des deux côtés.

— Arrête, c’est bon, il est déjà KO, lui indiquai-je, médusée par son accès de violence.

— Rien à foutre, éructa-t-il, ce mec est un danger public.

— Il va être embarqué.

Il cessa de se défouler sur lui et se tourna vers moi, inquiet.

— Tu as mal où ?

— Partout, je dirais...

— Je ne peux pas me lever pour venir regarder. J’ai peur que ce connard bouge et se barre.

— Tu l’as ligoté comme un saucisson.

Il éclata de rire, surpris par ma répartie. Je vis ses dents blanches luire dans le noir de la nuit. Cela me fit plaisir. J’aimais le savoir heureux. J’aimais l’entendre s’esclaffer, le sentir enfin plus léger. Il avait l’air moins effrayant. Il ressortit son téléphone de sa poche et alluma la lampe. Puis la dirigea lentement vers moi. Je compris qu’il voulait évaluer les dégâts.

Mes yeux se plissèrent lorsqu’il m’éclaira le visage. Je grimaçai et il abaissa le faisceau lumineux. Je réalisai que j’avais moi-même perdu mon téléphone dans l’agression. Je ne savais pas à quel endroit il m’avait échappé des mains. J’en informai mon sauveur, qui me rassura aussitôt :

— T’inquiète, Anna, c’est pas grave. Ce n’est que du matériel. Si c’est le seul dégât à déplorer, tu t’en sors bien.

Facile à dire pour quelqu’un qui avait les moyens. Mais moi, ce téléphone, j’y tenais. Je l’avais eu à mon anniversaire et doutai que mes parents aient encore assez d’argent pour m’en racheter un nouveau.

Un soupir m’échappa. Qui plus est, je n’étais pas sûre que ce fusse là le seul dégât.

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