Chapitre 42 : Le très gros mensonge

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En pleine nuit, il faillit marcher sur moi.

— Aïe ! dis-je en sentant son pied riper sur ma côte.

— Anna ? Mais qu’est-ce que tu fous là ?

Sa voix endormie était rauque, comme fêlée. Il alluma un petit halogène et me découvrit allongée sur le tapis, enroulée dans la couette de son lit que j’avais trimballé jusque-là. Ses yeux s’ouvrirent tout ronds, incrédules.

— Mais t’es pas sérieuse ! Je te laisse mon lit et tu dors par terre ?!

Il avait beau murmurer, son ton était toujours celui du reproche et j’en avais plus qu’assez. J’essayais de sortir de la couette épaisse mais celle-ci m’enrobait comme une feuille d’algue autour d’un maki.

Il vint à ma rescousse en dépliant l’édredon et m’aida à me lever. Son regard se posa alors sur mes jambes nues. Je ne portais plus que ma culotte et un débardeur qu’il m’avait prêté. J’avais eu beaucoup trop chaud saucissonnée telle que je l’étais dans la couette et m’étais dévêtue discrètement.

Ses yeux changèrent de direction. Il avait l’air aussi embarrassé que s’il m’avait surprise nue par mégarde. Il attrapa le plaid sous lequel il dormait et m’enroula dedans.

— Va finir la nuit dans ma chambre s’il te plaît.

— Adam...

— Quoi ?

Il était indéniable que je l’agaçais.

— Laisse-moi dormir là s’il te plaît. Je n’arrive pas à m’endormir là-bas.

— Pourquoi, mon lit n’est pas assez confortable pour toi ?

— Non, mais... je n’arrête pas de penser à l’autre. C’est pour ça que je suis venue ici, près de toi.

— Il est en garde-à-vue sous bonne escorte.

— Je sais. Je sais que c’est irrationnel mais...

— Anna, s’il te plaît, va te coucher.

Je restai plantée debout comme un piquet dans un champ. Il soupira de dépit, de fatigue, d’impuissance. Son index et son pouce pincèrent l’arête de son nez. Je sentais la lassitude l’envahir et ma présence l’exaspérer. Alors je fis quelque chose que je n’aurais jamais cru faire de ma vie. Prêter un faux serment.

Je lui jurai sur la tête de mon frère que je n’étais plus amoureuse de lui et qu’il pouvait sans problème dormir à côté de moi sans que cela ne me fasse quoi que ce soit. Je mentais, bien évidemment, mais il n’était pas censé le savoir.

Après la surprise d’avoir entendu pareille déclaration, il resta silencieux, arborant un air méditatif. Je savais qu’il n’avait aucune confiance en mes paroles, persuadé que je le menais par le bout du nez, pour parvenir à mes fins. Je compris à son regard dubitatif qu’il fallait enfoncer le clou.

Alors, avec toute l’assurance dont j’étais capable, je renchéris :

— En fait, tu n’as plus à t’inquiéter tu sais, pour ce que tu as lu, il y a deux ans. Je ne suis plus vierge.

Son visage se décomposa.

— Pourquoi me dis-tu ça ?

— Parce que tu as lu mon journal intime lorsque j’étais en vacances chez tes parents. Et tu es toujours persuadé que je veux que tu sois le premier. Mais ce n’est plus le cas. Je l’ai déjà fait.

Il releva un sourcil, et lutta de toutes ses forces contre l’apparition d’une grimace. Toutes ces annonces le troublaient. Il ne savait plus à quel saint se vouer. Devait-il s’en remettre à moi, qui lui mentais outrageusement, ou à ses croyances, qu’il prenait encore pour acquises. Il plia et me proposa d’aller tous les deux dormir dans sa chambre, mais m’informa qu’il s’allongerait sur le lit, recouvert de son plaid, tandis que je serai dessous, bien camouflée sous la couette.

Une couette comme arme de dissuasion, il me faisait bien rire.

Quoi qu’il en soit, j’acceptai son offre et me conformai à ses volontés. Tant qu’il dormait à côté de moi, j’étais prête à tout accepter.

Quand je l’entendis ronfler quelques minutes plus tard, je glissai ma main dans la sienne. Il ne réagit pas, profondément endormi. Alors, ses doigts contre les miens, je fis comme lui et tombai dans un sommeil sans rêve.

Je n’en avais plus besoin. D’une certaine manière, mon rêve était déjà un peu en train de se réaliser.

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