Chapitre 86 : Entracte

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— Ce n’est pas équitable si tu es encore tout habillé, lui fis-je remarquer avec un regard concupiscent.

— Soit... alors, vas-y, fais-toi plaisir.

Il ne croyait pas si bien dire. J’anticipai ce moment la bouche salivante, comme si j’allais goûter le meilleur met du monde. Je ne l’avais évidemment jamais vu nu. Ni même en maillot de bain, n’ayant pas eu le loisir de le mater au bord de la piscine aux vacances de printemps que j’avais passées chez lui, dans la villa bretonne de ses parents. Je l’avais entraperçu quelques fois au quartier lorsque, par jours de canicule, il avait fait tomber le tee-shirt pour s’adonner au foot sous le cagnard. Mais la distance qui nous avait séparés m’avait privée du bonheur d’en profiter réellement. Il avait été si loin de moi que je n’avais vu sa superbe silhouette de sportif que dans sa globalité. Autant dire que c’est davantage la frustration que le plaisir qui en avait résulté.

Il se décala et se plaça à côté de moi. J’étais entièrement dévêtue tandis qu’il portait encore une chemise et un pantalon de toile, mais je réalisai subitement que ce n’était pas les mêmes que tout à l’heure.

— Tu t’es changé ? m’étonnai-je.

Sans dire un mot, il opina du chef, un rictus coquin au coin des lèvres. C’est vrai qu’il avait quitté la fête assez tôt, après avoir rempli ses obligations d’hôte envers ses convives. Les gens étaient ainsi. Ils venaient fêter le retour de quelqu’un de proche mais après quelques verres, ils en oubliaient l’objet de leur présence et profitaient de la soirée pour décompresser, draguer et plus, si affinité. Et puis Adam avait eu une excellente excuse. Il avait prétexté raccompagner Xavier qui, au fil de la soirée, par dépit amoureux d’avoir été relégué au second plan, après mon plan de séduction foireux, s’était enivré plus que de raison. Je me demandais si les fringues que portait Adam n’étaient pas les siennes. Je lui en fis part. Il confirma mes doutes.

— Je n’allais quand même pas t’accueillir transpirant et imbibé de la crasse de tous ceux qui m’ont serré dans leurs bras si fort que leur sueur en est restée imprégnée sur mes sapes.

Je riais, agréablement surprise par cette attention.

— Et toutes les roses décapitées ? renchéris-je pour comprendre son stratagème de séduction.

— Eh bien, tu vas rire, mais c’est Xavier qui m’a aidé à mettre en place cette surprise, sans lui préciser à ce moment-là que je faisais tout ça en vue de te recevoir. Il n’était pas dans la confidence au sujet de ton identité. Bon... maintenant, il sait.

Nous rîmes, ce qui n’était vraiment pas gentil pour son meilleur ami, qui avait malgré lui servi à recoller les morceaux.

— Le pauvre ! Je m’en veux encore plus désormais.

— Ça va aller, t’inquiète. Il digérera. Avec un peu de chance, demain, il ne se souviendra de rien. Il était rond comme une queue de pelle quand je l'ai mis au lit. Je l’ai rarement vu dans cet état ! J’ai mis les points sur les i en le ramenant chez lui. Je lui ai expliqué la méprise, mes espoirs volontairement cachés pour ne pas me porter la poisse et finir désabusé. Il a acquiescé à tout mais je lui en reparlerai plus sérieusement quand il aura décuvé.

— Donc, tu as organisé toute cette mise en scène romantique avant la soirée, en pensant à moi ? Elle m’était vraiment destinée ?

Il parut surpris autant amusé que j’en doutes encore.

— À qui d’autre Anna sinon ?

Son sourire insolent soulignait l’évidence. J’étais la seule dans ses pensées actuellement, peut-être même dans son cœur. J’appréciai cette prévenance qu’il avait eu de se laver avant nos retrouvailles. D’autant que je l’avais fait aussi, une fois que ma mère m’avait autorisée à le rejoindre. La douche la plus rapide de toutes les douches du monde entier. La speedy-gonzales du nettoyage. Un coup de déo, des sous-vêtements propres, j’avais à peine eu le temps de me sécher avant de remettre ma tenue d’amazone des temps modernes. Je n’allais quand même pas m’adonner à un rapprochement lascif avec l’homme de ma vie en n’étant pas impeccable !

Et je l’étais, impeccable. Aujourd’hui, j’avais verni mes ongles de mains et de pieds de noir intense. Je m’étais également infligée une épilation des jambes, des aisselles et du maillot, que j’avais voulu nickel sans pour autant finir totalement dépourvue de toison, de sorte qu’à présent, j’étais en pleine possession de mes moyens. Ainsi, malgré ma nudité, je me sentais à l’aise sous les yeux amoureux de mon beau prince charmant. Comment ne pas l’être alors qu’il me couvait du regard comme si j’étais la chose la plus précieuse au monde à ses yeux ?

De plus, la lumière tamisée par les bougies parfumées créait une ambiance douce qui nous sublimait. Nous étions dans un cocon délicat, entourés de senteurs agréables, propres comme des sous neufs et fous de désir l’un pour l’autre. Comment ne pas monter au septième ciel dans de telles conditions ? Il ne disait rien, attendant que je m’attaque à ses vêtements, que je le découvre de mes mains, que je l’épluche comme le plus succulent des fruits exotiques, doré à souhait par le soleil sudaméricain. Et mûr à point pour être dégusté...

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