Les biscuits

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Vendredi soir, vers 23h, Damien et Marie s’étaient couchés dans la maison qui leur appartenait en tant qu’héritage du défunt François. Après avoir fermé la porte, Damien se mit tout de suite au lit et s’endormit rapidement grâce à ses somnifères.

Il ne se doutait pas qu’une vingtaine de minutes plus tard, un homme vêtu de noir et portant une cagoule de la même couleur forçait la porte de devant. Aidé d’un outil destiné généralement à des usages répréhensibles, il s’acharnait sur la serrure tout en essayant de rester silencieux.

- C’est plus difficile d’ouvrir une porte fermée que d’empoisonner quelqu’un, marmonna-t-il lors de sa cinquième tentative de crochetage.

Au bout de nombreuses minutes, il se rendit enfin compte que la serrure se tournait dans le sens contraire du sens conventionnel. Sans faire le moindre commentaire, il pénétra dans la demeure silencieuse, puis referma la porte de l’intérieur. La boite de biscuit devait se trouver dans la cuisine. La silhouette trouva facilement l’objet de ses recherches qui était simplement posé au centre de la grande table du salon. Il ouvrit délicatement la boite en fer-blanc, sortit une petite fiole d’une de ses poches, la déboucha et versa quelques gouttes de son contenu sur l’ensemble des biscuits. Une fois que ce fut fait, il remarqua qu’une des fenêtres de la pièce adjacente était négligemment ouverte ; il en fit sa sortie.

Au moment où l’ombre sortait de la maison, une autre silhouette, féminine cette fois-ci, crocheta avec une facilité déconcertante la porte à l’aide d’un petit objet qu’elle rangea dans son pantalon. Sans bruits, elle glissa dans le hall, referma avec soin et précaution la porte d’entrée et longea les murs jusqu’à la boite de biscuits situé en évidence dans le salon. Elle retira de son soutien-gorge une petite boite en plastique, attrapa en ses doigts fins une pincée de poudre semblable à du sel et la répandit sur les innocentes pâtisseries. En un instant, on ne put plus voir aucune trace de son passage et la silhouette gracile sauta par la fenêtre ouverte.

Au même instant, un troisième personnage, un homme, s’approchait de la maison en marchant inconsciemment sur les bruyants gravillons. Une fois sur le perron, il tenta de forcer l’huis. A la fin du troisième essai, la porte s’ouvrit doucement, et fut rapidement re-verrouillée. L’ombre présente ne remarqua pas la boite pourtant bien en vue, fouilla plusieurs meubles de la cuisine, ouvrit au moins trois fois chacun des nombreux placards et regarda au dessus des étagères. Finalement, il remarqua l’étrange protubérance de la table du salon, s’en approcha et remarqua que c’était exactement ce qu’il cherchait. Il ouvrit la boite, versa rapidement le contenu d’une éprouvette sur celui du coffret métallique et quitta la demeure en quelque enjambées. Il perdit cependant de nombreuses minutes en tentant d’effacer ses empreintes de pas dans le terreau des bégonias. Il revint ensuite devant la maison et partit par la route.

Il eut de la chance de ne pas croiser la visiteuse qui contournait l’habitation de l’autre côté. Elle n’eut pas besoin d’ouvrir l’entrée principale et se contenta de sauter sur l’embrasure de la fenêtre ouverte. Elle se dirigea ensuite sans hésitations vers ce qu’elle devina être la boite à biscuits. L’opération qui s’en suivit n’était pas beaucoup différente des précédentes, et la sortie ressemblait quasiment points pour points aux fuites antérieures.

L’intrus suivant du s’y prendre à plus d’une dizaine de fois pour réussir enfin à pénétrer dans le hall. Il fit grincer la porte en entrant, se prit les pieds dans le tapis et tomba par terre dans un boucan amplifié par le silence environnant. L’importun fouilla la salle à manger centimètres par centimètres, regarda sous les tables, sous les fauteuils, souleva le tapis, ouvrit les armoires anciennes qui grincèrent à leur tour et passa même la main entre les cristaux du lustre qui tinta ostensiblement.

La salle à manger fouillée, il s’attaqua au salon. Il ne vit pas la boite en entrant, mais seulement après avoir jeté un œil sur le buffet ancien. Il versa une substance –poudre ou liquide, ce n’était pas déterminable à cause de la pénombre environnante- sur les pauvres biscuits martyrisés par tant de toxines. Quand la fourberie fut achevé, l’indésirable sauta par la fenêtre ouverte et s’étala de tout son long sur le gazon.

Pendant ce temps, Madeleine marchait à grands pas et vive allure sur le gazon menant à l’entrée d’anciennement chez François. Elle ne portait ni masque ni combinaisons, mais une robe singulièrement similaire à celle qu’elle avait vêtis lors des obsèques de son notaire/banquier/juriste, plus un sac à main. En s’introduisant dans le logis, elle remarqua que la porte n’était pas fermée.

- Bande de nouilles ! Quelle idée de ne pas fermer les portes.

Elle la laissa donc ouverte pour ne pas éveiller de soupçons. Elle avança résolument vers l’instrument de son crime et répandit sur les à présent toxiques gâteaux un nuage d’on-ne-sait-quoi sortit d’un pulvérisateur jaunâtre.

« Magnifiques, les progrès que l’on fait en matière d’empoisonnement, songea-t-elle en rangeant l’atomiseur dans son sac à main.

Elle quitta la maison par la porte de devant ; elle n’allait tout de même pas se rabaisser à escalader la fenêtre : c’eût été grotesque !

Un quart d’heure après que la mégère fut hors de la propriété, une forme quasi-sphérique se dandina vers la demeure de toutes les convoitises. Quand le personnage rebondi vit que la porte était ouverte, il entra et la verrouilla en se disant que c’était faire preuve d’une grande négligence que de laisser comme ça une opportunité à tous les voleurs et gens malintentionnés qui passeraient par là. Il tituba ensuite sur ses courtes jambes jusqu’à l’objet de sa quête. Il se retint de dévorer un des biscuits qui se trouvaient sous ses yeux gourmands. En prise avec sa gloutonnerie, il versa rapidement ce que contenait une petite ampoule étiqueté d’une tête de mort. Comme ça, il ne pourrait plus les manger.

Pour sortir, il décida de traverser la lucarne par laquelle quelques personnes s’étaient déjà enfuies. Suite à de longs efforts pour faire passer son ventre bouffi par l’étroite trouée dans le mur, il atterrit lourdement sur le gazon et couru lentement vers une échappatoire, tout en riant secrètement de sa perfidie.

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