Chapitre 9 Le revoir n’a fait que rouvrir une blessure qui n’avait pas encore cicatrisé… S’il pouvait lécher mes plaies… Après tout, c’est un requin et ils aiment le sang…

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Je venais d’arriver chez moi. À peine le temps de m’affaler sur le canapé qu’un message de Liam s’afficha :

+33 6 41 XX XX XX
Tu me manques, Romy…

Juste ça. Et, en m’allongeant, je plongeai seize ans en arrière.

Seize ans auparavant

J’avais vingt-quatre ans. Fraîche, belle, naïve. Une amoureuse chroniquement incurable, en quête de l’homme parfait. Le premier qui me souriait et je tombais amoureuse.
Je sortais avec Dave depuis environ trois mois. Je savais que je ne finirais pas ma vie avec lui, mais je voulais tout partager. Je pensais savoir ce qu’était l’amour.
Et, comme les autres, il a disparu.

Ce soir-là, tout a changé. Lorna, ma meilleure amie, était en crise de couple. Je ne l’ai pas attendue. J’ai décidé que me défoncer m’aiderait.

Boîte de nuit à l’autre bout de Paris. Pour la première fois de ma vie, j’ai consommé. La coke, l’alcool, de la MDMA. Pour quelqu’un qui peine à finir une bière, j’étais montée trop haut. Besoin de destruction. Besoin d’oublier. Ironie : je me souviens de tout.

Je me déhanchais sur la piste. À chaque manque, je retournais voir Roy, le dealer de la soirée.

— Dis-moi, beauté, t’es pas celle qu’on surnomme Elle Driver ?

Je reniflai, le fixai.

— Jamais entendu parler.
— Si, la combattante la plus classe.
— Elle Driver est une tueuse à gages, pas une combattante. Enfin… pas à part entière.
— Ouais, je sais. Mais on raconte que tu te bats très bien. Et comme t’es aussi classe, t’as hérité du surnom.

J’essuyai mon nez, m’approchai, front contre le sien, nos souffles mêlés.

— Non, beau gosse. Tu te trompes lourdement. Je n’ai rien d’une combattante.

Je le lâchai et retournai danser. La musique tapait, paroles horribles, Rihanna envoyait du lourd. Un corps se colla dans mon dos : Roy. Il guidait mes mouvements, se frottait. Son érection appuyait contre moi. La drogue levait toutes mes inhibitions. Sa main sur mon ventre me poussait plus fort contre lui.

— Tu m’excites à un point inimaginable, Romy…

Je fermai les yeux. La musique prit le contrôle. Il me retourna, caressa mes cheveux. J’ouvris la bouche sous la sienne. Sa main glissa à mon sein.

— Rentre avec moi… Je vais te baiser toute la nuit.
— Ouais… pourquoi pas. Laisse-moi juste me rafraîchir.

Je le plantai au milieu de la piste. Toilettes. Dernière trace de poudre. Pinçage de l’arête du nez. Coup de fouet.

— Hé, salope !

Je me retournai. Les toilettes se vidèrent comme par magie. Cinq nanas. L’une devant, quatre en arrière-garde.

— C’est à moi que tu parles ?
— Ouais, petite pute. Tu chauffes mon mec !
— Ton mec ?
— Roy !
— Pourquoi tu gueules ? C’est ton mec qui est venu me chauffer.
— Des putes comme toi qui le sucent pour un rail, y en a dix par soirée ! Mais t’iras pas te frotter à sa queue sur la piste ! Lâche-le, ou je te défigure !

Dos au lavabo, paumes sur le marbre, je ricanais.

— Si tu sais pas gérer la queue de ton clochard, c’est sur toi — ou sur lui — qu’il faut gueuler. Pas sur moi. Mauvaise cible, mauvaise soirée.

La gifle partit. Violente. Ma joue heurta le carrelage.

Erreur.

Roy ne s’était pas trompé. Je suis bien celle qu’on surnomme Elle Driver. Pas seulement pour la classe. Pour les poings.

Je ris. Ma droite claqua. La reine-volaille traversa la pièce, s’écrasa contre le mur. Les quatre autres m’encerclèrent. J’attachai mes cheveux. Quatre à la fois ? Avantage, si elles ne savent pas se battre.

La bagarre fut brève. Aucune ne m’effleura. La coke me rendait invincible. Sensation de toute-puissance.

La cheffe se releva avec un couteau. Estafilade au bras. Le sang jaillit. Ma force décupla. Je la rouai de coups en hurlant, puis saisis sa tignasse. Son visage rencontra le marbre. Encore. Et encore. Et encore. Jusqu’à ce qu’il ressemble à de la viande rouge.

Un cri. Si je ne décampais pas, c’était la garde à vue.

Je ne pus m’empêcher la réplique avant de sortir :

— La prochaine fois que vous jouez les gros bras… choisissez mieux votre cible.

Les quatre survivantes tremblaient dans un coin. Je sortis. Le physio me barra.

— Il s’est passé quoi dedans ?
— Aucune idée. C’est un carnage.
— Vous avez vu c’était qui ?
— J’étais planquée dans une cabine.

Il parla dans son talkie. Boîte bouclée. Flics en route. Et merde.

Je longeai les murs, cherchant une issue. Descente violente. Le bad trip me guettait. Une main m’attrapa, me tira dans l’ombre. Sortie de secours non surveillée.
Dehors, sous le lampadaire, ce n’était pas Roy. C’était Liam.

— Monte dans la voiture.

J’obéis. On s’engueulerait plus tard. Trente minutes de route. Je savais qu’il vivait hors Paris, adresse quasi secrète.
Nausée en chemin. Il s’arrêta pour me laisser vomir. Adieu glamour.

Chez lui, je m’effondrai. Il insista pour me laver les mains — elles étaient pleines de sang.

Je dormis près de vingt-quatre heures.

À mon réveil, j’avais oublié jusqu’à mon prénom.

— Plus jamais…
— Je vais noter, dit une voix.

Au pied du lit, Liam, assis, me regardait.

— Salut…
— T’as dormi comme la Belle au bois dormant. J’ignore si tu attendais le prince.
— Ça fait longtemps que je sais qu’il existe pas, ce putain de prince.

— Romy…
— Je sais. J’ai merdé. Merci de ce que t’as fait pour moi.

Il prit la télécommande. Écran allumé. Une journaliste devant la boîte d’hier.

« Oui, Muriel, je suis devant un club du XIe arrondissement. Hier soir, un massacre a eu lieu dans les toilettes dames. Quatre femmes sont aux urgences, la cinquième est en état critique : visage broyé contre le marbre. Les forces de l’ordre recherchent une femme et un homme. Le physio dit avoir vu une femme caucasienne quitter les lieux, prétendant être cachée dans une cabine. L’homme serait un certain Mehdi, distributeur de drogues… »

— Mais…
— Panique pas. Les caméras ont été récupérées par Roy.
— Ils viennent de citer Mehdi !
— Roy n’est pas un petit dealer. C’est un grossiste. Inutile que je t’explique un monde que tu as déjà côtoyé.

Je regardai l’écran. J’avais moins peur que peur de ternir mon casier.

— Liam ?
— Oui ?
— J’ai rien fait de… bizarre ?

Il vint s’asseoir à côté, m’épaule contre épaule.

— Tu parles dans la boîte… ou ici ?
— … Oh mon Dieu, ne me dis pas que…
— Ce serait si horrible que ça, de coucher avec moi ?
— J’ai pas dit ça.
— Alors tu dis quoi ?
— Que si ça devait arriver… je voudrais m’en souvenir.

Je sentis son regard me brûler la peau.

— Je sais qu’on est amis, Liam. Simplement…
— On est sortis ado, c’était compliqué.
— On n’a pas besoin de déterrer le passé.
— Tu as essayé de me retirer mon pantalon, hier.

Je rougis à mort. Il sourit.

— C’était très drôle.
— Je… je vais rentrer.
— Le plus drôle, c’est que tu dézippais… la taie d’oreiller.

Il se pencha, lèvres à un souffle.

— Disons que, même si je t’aurais pas laissée faire vu ton état… si tu veux recommencer sobre, je…

Je collai ma bouche à la sienne. On arracha nos vêtements, haletants. J’étais seins nus, à califourchon, sa langue sur ma poitrine, mon bassin frottant son érection.
On se redressa, pantalon, culotte, urgence. Je le poussai sur le canapé. Avant que je ne le chevauche, ses doigts s’enfoncèrent en moi. Un gémissement rauque me traversa. Plus loin, plus vite. J’en voulais davantage.
Je pris sa queue, la caressai. Il retira ses doigts et les lécha. Tellement sexy que je le baisai comme si l’air manquait.

Je l’enjambai. Il me pénétra. Enorme.

— Panique pas, souffla-t-il. Vu comment t’es trempée… tu la prends si bien…
— Liam…

Ses mains aux fesses, plus profond encore. Mes bras à sa nuque. Ma bouche dans sa bouche.

— J’ai rêvé de t’avoir comme ça depuis que je t’ai revue…
— T’es pas le seul…
— Pourquoi tu me l’as pas dit ?
— Fallait me prévenir que t’étais si bien monté…
— Ma queue te plaît ?
— Elle me fait mouiller.
— Putain, Romy…

Il enroula mes cheveux dans son poing. Nos corps claquaient. Baisers féroces. Nous n’étions plus qu’un.

— Liam… je vais jouir…
— Encore un peu… je…

Je me refermai sur lui. Sa tête bascula.

— Romy…

On jouit ensemble. On resta collés, bouches incapables de se quitter. Sa main sur ma joue.

— J’ai envie, et surtout besoin, d’une douche…
— J’ai tout vu.
— Et j’ai envie d’en voir encore, dit-il en se collant.
— Alors viens.
— Je pourrai te frotter le dos ?
— Si c’est ce que tu veux…
— Et si je veux te mettre à quatre pattes pour te bouffer…
— Tu dois avoir une douche très grande.
— Pas tant que ça. Je prévois pas ça… dans une douche.
— Alors…
— N’importe quelle surface de l’appartement.
— Oh…

Ses mains à ma taille, il me fit reculer.

— Je veux te dévorer, Romy. Te sentir couler dans ma bouche. Connaître chaque parcelle. Savoir ce qui te fait vibrer.
— Je veux pareil. Te goûter. Te boire. Et…
— Et ?
— Je veux que tu baises ma bouche, Liam.

On venait de se lancer dans une romance à caractère sexuel. Pourtant, on se connaissait depuis la maternelle.

À partir de ce jour précis, on a continué à se voir. Tout le temps. Tous les jours. Addiction. Je n’avais jamais connu ça. Ça a duré un an, pile. Pas un jour de plus. La passion a pris fin quand ma route a croisé celle de Jay, mon combattant de MMA.

Et ça… Liam ne me l’a jamais pardonné. Même s’il n’a jamais rien dit.

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