Après cette journée de travail épuisante, j’étais pressée de rentrer chez moi et de me glisser dans un bain bouillant avec un bon livre. D’habitude, je prends le temps de me promener dans le parc, errant d’une fleur à une plante, humant leur senteur qui me transporte à chaque fois, surtout en ce début de printemps que j’aime tant. Mais aujourd’hui, ils m’ont pressé comme un citron et je veux vraiment oublier tout ça. Surtout lui. En arrivant devant mon appartement, je découvrais sur mon paillasson, une fleur. En m’approchant, je me rendis compte que c’était un iris. La fleur préférée de ma mère, la raison de mon prénom. Je m’assise par terre, face à ma porte et j’observai cet iris. Qui avait bien pu me le laisser là ?

Il n’y avait pas de carte, pas de signe, juste cette fleur, enveloppée dans ce plastique transparent. Je l’observai et c’est vrai qu’elle était belle. Ce mélange de tons de violet et de mauve, avec ce jaune flamboyant au cœur, cette fleur était magnifique. Etait-ce mon ex qui voulait se faire pardonner en m’offrant une plante à l’instar de mon prénom ? Pas très original si c’était lui. Ou Maxime, ce mec que j’avais rencontré il y a quelques jours alors qu’il me fonçait dessus dans les couloirs du boulot ? J’aimerai mieux…

Le lendemain matin, en m’apprêtant à sortir, je me rendis compte en ouvrant la porte qu’une nouvelle plante avait trouvé place sur mon palier de porte. Cette fois ci, c’était du jasmin, blanc. L’odeur qui en émanait m’enveloppa. Cette senteur si printanière à cette période de l’année était réellement agréable. En me penchant pour l’attraper, je me rendis compte que cette fois ci se trouvait un mot. Du moins une phrase, une citation. Un proverbe français. « Le jasmin donne de l'amour à qui ne l'a et fait reverdir à qui l'a ». Mais que voulait bien dire cette phrase énigmatique ? Que cette plante allait m’apporter l’amour ? Et me faire rajeunir ? Mais qui pouvait bien jouer à ce jeu de devinette avec moi ?

Je rayai de mes pensées d’office cet abruti d’ex. Il ne m’avait jamais offert de fleurs en trois ans, il n’avait pas la carrure d’un fleuriste romantique. Maxime aussi finalement… En effet, il ne savait pas où j’habitais malheureusement. J’attrapai le brin et ré-entra chez moi. Je le mis dans un verre d’eau et envoya quelques messages : Daphné, ma meilleure amie, « MDR » d’après son message, m’indiqua que ce n’était pas elle. Pierre, mon ami de toujours, ne compris apparemment pas ma question avec son habituel « Quoi ? ». Et Marie-Josée, ma collègue préférée de travail, m’indiqua seulement par un petit « Désolée ma puce », que ce n’était pas elle. Mon entourage proche se limitait à ces quelques amis, n’ayant plus de famille. Qui était donc ce fleuriste secret ?

Le lendemain matin, curieuse de voir si j’allais de nouveau avoir une fleur sur mon paillasson, j’ouvris ma porte au saut du lit, encore en pyjama, afin d’assouvir mes questions. Et j’observai alors mon devant de porte vide. Evidemment. A quoi je pensais ? Comme si j’allais vraiment avoir un admirateur secret qui amènerait des fleurs tous les jours. N’importe quoi vraiment ! Tout le monde reste chez soi le dimanche. Je repartie à mon train-train habituel d’un dimanche et alors que je sortais pour aller me promener au parc, je trouvais une nouvelle fleur sur mon perron. Aujourd’hui, c’était une pensée, rouge au cœur doré. Il changeait de fleurs tous les jours, sans que je n’en comprenne le sens. Je l’attrapai et l’observai. Une nouvelle fois, un petit mot accompagné la fleur. « Pensez à moi, comme je pense à vous ». Celui qui avait écrit ça, ne s’était pas vraiment trituré l’esprit.

Les jours se suivirent et les fleurs continuèrent d’arriver sur mon paillasson. Une violette de parme, un trèfle blanc, un œillet, une marguerite, un myosotis, et ce matin un camélia. A chaque fleur, sa citation. « Tu es comme un trèfle : difficile à trouver mais un bonheur à conserver », « le vrai porte bonheur, c’est la marguerite à 4 pétales : on ne tombe jamais sur le « pas du tout » » … Toutes parlant d’amour, passant du tutoiement au vouvoiement, sans queue ni tête, sans logique ni indice. Juste des fleurs, pour moi, me faisant la cour, m’apportant un message du fond du cœur de l’expéditeur. Mais le message d’aujourd’hui apporté avec le camélia m’avait un peu plus perturbé que les autres. « Je me mets à pleurer, doucement, lentement, avec dans le cœur, un camélia frémissant ». Je ne savais pas comment interpréter cette phrase. Autant toutes les autres étaient romantiques, ou flatteuses à mon égard, autant celle-ci, semblait triste, comme remplie de déception. S’attendait-il à ce que je le cherche cet admirateur secret ? Presque deux semaines après, en avait-il marre de m’envoyer des fleurs ? Se lassait-il ?

Une fois le camélia plongé dans l’eau, j’attrapai mon ordinateur. J’avais regardé la signification de chaque fleur à leur réception, je m’étais dis que peut être, c’était le message de la fleur qui importait. Malgré la citation. Le camélia était-elle une fleur de rupture ? Rupture de quoi d’ailleurs, je ne savais pas, mais j’avais fini par prendre goût à cette fleur quotidienne. J’avais fini par arrêter de chercher qui se cacher derrière mon fleuriste inconnu et j’appréciai simplement ce cadeau. Je fus donc soulagée en me rendant compte que le camélia signifiait la beauté. Trouver quelqu’un de beau. Mon facteur secret était-il beau lui aussi ? Le saurai-je un jour d’ailleurs ?

Et c’est en me promenant, comme à mon habitude, dans mon parc préféré à deux pas de chez moi, que je voulus savoir. Il fallait que j'élucide ce mystère qui rythmait ma vie ces derniers temps. Je me cachais derrière le grand cerisier et j’attendis sous les odeurs printanières que j’aimais tant. Au bout d’un moment, je le vis. Cet homme rentrait dans ma résidence une fleur à la main, et en ressortir en regardant autour de lui si personne ne l’avait vu. Et je le reconnu instantanément. Et c’est là que ma vie a changé.