Chapitre 11

16 minutes de lecture

Taeliya en profita pour s’enfermer dans une cabine libre et s’installa sur la cuvette, tentant de reprendre un peu son souffle. Ses yeux étaient devenus très sensibles à cause des flashs aveuglants. Heureusement que Joe avait pensé à tout. Elle trouva dans sa pochette des gouttes qu’elle s’administra pour calmer le feu qu’elle ressentait. Puis elle avala un cachet de vitamine et se décida enfin à sortir. Taeliya alla se laver les mains et y trouva la femme de son hôte, les hanches calées contre le plan-vasque en marbre dans lequel avaient été creusés les lavabos.

— Depuis quand êtes-vous avec Stein Carlington ? demanda-t-elle sans détour, les bras croisés contre sa poitrine.

— Monsieur Carlington m’a prise sous son aile il y a peu, répondit Taeliya sans se laisser avoir par les sous-entendus insultants de la femme visiblement furieuse de voir le mafieux accompagné.

— « Sous son aile », bah voyons. Il n’a jamais pris qui que ce soit sous son aile, pas même une fille. Alors qu’a-t-il bien pu te dire pour te faire croire que tu serais en sécurité avec lui ?

— Ce que je viens de vous dire, Madame Kingsley.

Taeliya en avait marre et voulait partir au plus vite, rejoindre au moins Kim qui l’attendait à l’extérieur. Mais la femme n’en avait visiblement pas fini avec elle. Taeliya réussit à l’esquiver avant qu’elle ne lui mette le grappin dessus. Kim la vit en panique et le visage blême.

— Mademoiselle, fit-il en lui tendant son bras.

— Merci.

D’un geste de la tête, elle lui fit comprendre qu’elle avait gagné son premier sursis, mais l’attitude de la femme derrière eux ne lui plut guère. Elle savait qu’il en parlerait à Noah et Stein et elle n’avait pas envie de lui interdire de faire son travail. De plus, le sien allait bientôt commencer.

— Les enchères sont sur le point de débuter, lui dit-il en la guidant vers son compagnon de soirée.

Elle hocha la tête, gardant le silence. Mais les hommes qui l’accompagnaient savaient déjà qu’un ennemi venait de faire son entrée dans la liste noire qu’ils s’étaient constituée pour la protéger.

La femme de l’hôte grommelait, mais tentait tout de même de jouer son rôle à la perfection, non sans tenter d’attirer l’attention de Stein qui l’ignora royalement. Ce dernier guida Taeliya et ils entrèrent dans la salle des enchères où ils purent admirer les objets qui allaient être mis en vente. Stein lui fit parcourir les nombreuses vitrines où elle put identifier plusieurs faux et quelques vrais ou alors des œuvres sans grand intérêt pour l’homme.

Ils prirent place sur les chaises qui leur étaient attribuées et attendirent que la salle se remplisse pour démarrer les enchères.

Kingsley vint faire un discours, saluant chaque invité et les remerciant d’avoir accepté de participer à cette soirée, puis présenta la liste des œuvres mises en vente, ainsi que la cause pour laquelle l’argent serait récolté, avant de conclure en leur souhaitant bonne chance.

— C’est à vous de briller, ma chère.

— Rassurez-vous, j’ai déjà fait mes devoirs, avoua-t-elle sur le ton de la confidence.

— Oh ? J’ai hâte de vous voir à l’œuvre.

— Dans ce cas, je vous déconseille de prendre les œuvres pour lesquelles vous êtes venu.

— Pourquoi donc ?

— Ce sont des faux. Il y a un défaut sur chacun d’eux. J’ai travaillé sur ces œuvres-là et elles ne seront jamais mises en vente, car elles sont au musée de la ville et j’ai pu faire un exposé sur trois d’entre elles quand j’étais en première année. Mais si vous voulez faire une offre intéressante pour cette association, je vous conseille d’enchérir pour ce tableau de Monet qui est un vrai. Si vous regardez bien sur le cliché utilisé pour ce soir, il y a un défaut de marquage, mais celui que j’ai vu tout à l’heure est authentique, tout comme le cadre.

— Je suis impressionné. Je suivrai vos conseils et demanderai une expertise.

Elle hocha la tête. La jeune fille voulait également savoir si son analyse était correcte. Découvrir qu’après trente ans, ce tableau se trouvait entre les mains de cet homme grossier et de sa femme un peu trop insultante lui donnait des fortes nausées.

Les enchères commencèrent. Comme elle l’avait prédit, beaucoup tombèrent dans le panneau et se battaient déjà pour les faux qu’elle avait repérés. Les seuls objets non profanés n’avaient eu que très peu d’intérêt pour Stein et Taeliya l’avait également prédit. Mais quand le tableau en question arriva, elle se redressa sur sa chaise. Ils étaient assez proches pour qu’elle repère la moindre fêlure. C’était bien le vrai, plus de doutes possibles ! Il fallait qu’il le récupère pour sauver ce petit bijou ! Elle ne lui avouerait jamais que Monet était son artiste préféré, mais le regard qu’il lui jeta l’avait démasquée sans qu’elle ne le sache. Un sourire en coin, il attendit qu’un premier se lance. Quand les montants commencèrent à s’essouffler, il proposa de sa voix forte :

— Trois cents millions !

Le silence se fit et tout le monde le regarda. Taeliya avait le cœur qui battait sourdement, son sang tapait dans ses oreilles et elle sentait la chaleur devenir oppressante, mais garda la face.

— Trois cents millions une fois ? deux fois ? Adjugé à Monsieur Carlington !

Le marteau frappa contre son socle et on retira le tableau pour qu’il assiste au reste des enchères, mais il se leva dans l’instant, embarquant sa clique pour payer et récupérer son achat.

Il déposa son chèque et demanda à Taeliya de regarder le tableau. Elle s’approcha, mais l’homme qui encaissait le mafieux l’arrêta.

— Je suis désolé, Mademoiselle, mais vous ne pouvez pas le toucher !

— Pourquoi donc ? Avez-vous peur que je trouve la moindre chose qui indique que ce soit un faux et que vous ayez arnaqué Monsieur Carlington de trois cents millions ?

L’homme blêmit. Il recula en bafouillant, jetant des regards inquiets au groupe de mafieux qui semblaient prêts à lui sauter dessus pour le déchiqueter et ne faire de lui qu’un tas d’os.

— Euh… Je… N-Non ! Voyons !!

— Dans ce cas, je ne vois pas en quoi je suis interdite d’expertiser ce tableau pour mon employeur. Merci de reculer pour me laisser faire mon travail, Monsieur, dit-elle, soufflant chacun de ses mots.

Elle s’approcha librement du tableau et prit dans sa pochette sa petite loupe pour étudier chaque détail. Après plusieurs minutes insoutenables, elle se redressa, rangea sa loupe et s’inclina. Stein comprit alors qu’elle venait de gagner. Elle n’avait trouvé aucun défaut, signifiant ainsi qu’il avait acheté le vrai. Fier d’elle, il lui tendit la main pour qu’elle la lui prenne.

— Allons-y ! dit-il.

Le tableau fut empaqueté et on le transporta délicatement.

— Vous nous quittez déjà ? s’enquit Kingsley, accompagné de sa femme et de ses gardes, alors que le groupe récupérait le manteau de la jeune fille.

— Oui, j’ai fait une bonne affaire, mais ma chère pupille est fatiguée après une semaine de cours, indiqua-t-il, précisant ainsi que la jeune fille était encore scolarisée.

— Elle… Oh, en quelle classe êtes-vous ? demanda la femme.

— Deuxième année d’école d’arts, dit-elle en souriant. Merci encore une fois pour l’invitation.

— Vous ne restez pas pour le dîner ?

— Nous devons rentrer, j’ai des missions pour mes « chiens de chasses ».

L’insulte fit frissonner Kingsley qui n’osa plus rien dire, sachant pertinemment ce que cela signifiait.

Sans attendre que leurs hôtes leur répondent, ils quittèrent l’hôtel sous une pluie de flashs et rentrèrent au manoir.

Dans la voiture, Taeliya ressentit tout le stress la quitter complètement quand une main se posa sur sa cuisse.

— Tu as été parfaite, la félicita Stein. Nous fêterons cela dans un petit restaurant. Demain, je t’emmènerai quelque part.

— Vous n’avez pas à faire tout ça, je n’ai fait que mon travail.

— Ne réponds pas, jeune fille, lui dit-il en caressant sa joue. Je sais que c’est compliqué pour toi et j'ai promis de prendre soin de toi. Alors pour fêter ta première soirée et cette réussite, nous irons faire un petit voyage. Jess sera avec nous, si ça peut te rassurer.

Elle hocha fébrilement la tête, le cœur plus léger de savoir qu’elle n’avait pas déçu son boss. Au contraire, il la récompensait et prenait en compte le fait qu’elle ne soit pas totalement guérie de ses cauchemars.

Noah se trouvait dans la deuxième voiture derrière eux, communiquant avec ses hommes et le reste du clan par l’intermédiaire d’une oreillette coincée dans son oreille gauche.

— Messieurs, nous allons faire un détour dans la cité ! annonça Stein.

Les hommes répondirent et les deux voitures, ainsi que la camionnette où se trouvait Jess, s’alignèrent pour se diriger vers un petit restaurant pas trop chic, mais dont la qualité dépassait les 5 étoiles. Les voitures stationnèrent sur le petit parking et investirent les lieux. Les clients étaient tous des mafieux de petits niveaux, ce qui n’inquiéta pas plus Stein ni Noah dont la présence les fit déguerpir assez vite ou les incita à ne faire aucun mouvement.

— Monsieur Carlington, fit Taeliya qui ne se sentait pas à son aise avec ce genre d’ambiance, agrippée à Jess comme à une bouée jetée en pleine mer déchaînée.

— Bonsoir ! entendit-elle. Oh ! Chéri ! Carlington est là et il a ramené une petite poupée, en plus de ça !

Une femme bien en chair se présenta au comptoir et accueillit le mafieux avec beaucoup trop de familiarité, ce qui faisait craindre à la jeune fille un retour de colère de la part de l’intéressé, mais il n’en fut rien.

— Stein ! s’exclama un homme bedonnant, mais dont la taille et la carrure rivalisaient avec celles de Marc.

— Hector, Diana, ça faisait longtemps.

L’homme au ventre proéminent sortit de sa cuisine pour venir faire une accolade au mafieux qui la lui rendit avec un sourire sincère. Diana lui baisa les joues, mais leurs regards curieux dévièrent très rapidement sur la jeune fille accrochée à Jess, légèrement cachée derrière celui-ci.

— Oh, ma petite biche, n’aie pas peur, nous n’allons pas te faire de mal, lui dit la femme en souriant gentiment.

— Elle est toute mignonne, où l’as-tu trouvée ?

— On me l’a vendue.

— Hein ? Tu fais dans le trafic d’enfants, maintenant ?!

— Mais non, sa famille me l’a vendue avant de mettre fin à leurs jours.

— Mon dieu, quelle horreur ! s’exclama la femme, offusquée. Viens, petite biche. Nous allons te nourrir pour te remplumer un peu.

Toute timide, Taeliya regarda Jess, puis Noah, avant de planter son regard brillant d’inquiétude dans celui de son chef qui lui sourit avec chaleur, l’incitant à faire confiance à cette femme étrange dont la sollicitude la touchait profondément. Elle s’approcha lentement et prit la main de la femme qui l’attira à sa suite pour l’emmener à l’étage.

Elle fut installée à une grande table ronde, entre Jess et Noah qui, d’instinct, s’étaient assis près d’elle. Diana les étudia et sourit.

L’Oni avait donc trouvé quelque chose d’intéressant en dehors des meurtres et des missions d’assassinats…

Les choses devenaient intéressantes.

Le couple disparut pour revenir bien plus tard avec une multitude de plats, accompagné d’un homme et d’une femme qui ne devait pas être plus vieille que Taeliya, mais dont la curiosité se porta sur Noah.

— Taeliya, intervint Stein. As-tu pris le traitement que Joe a mis dans ton sac ?

— Pas encore.

— As-tu besoin d’aide ?

— Pour les injections, oui. Sinon pour le reste, ça devrait aller.

Noah fouilla dans sa pochette et en sortit les seringues. Elle lui indiqua l’ordre d’utilisation. Il prépara sa peau et commença les injections dans un silence de mort. Elle prit ses médicaments et but une gorgée pour les faire passer, puis le remercia. Il avait planté son regard dans le sien, lui intimant de ne rien dire de plus.

— Cheffe ! fit la jeune femme en redescendant dans la cuisine. La petite est une camée !

— Mais tais-toi, voyons. Pourquoi dis-tu ça ?

— Je l’ai vu ! Le grand à sa gauche lui a administré plusieurs doses dans le bras et elle a pris des cachetons !

Estomaquée, la femme monta rapidement à l’étage et s’exclama :

— T’as ramené une droguée chez moi ?!

— Qui t’a dit ça ? soupira Stein, fatigué.

— Tella vient de me dire que l’Oni lui avait fait des injections et qu’elle avait pris des médocs. Non mais qu’est-ce que tu fous ?!

Taeliya sursauta quand la large main de son chef s’abattit violemment sur la table, la fracassant presque. Son regard devint froid et meurtrier. Il sortit son pistolet de son holster et en retira le cran de sécurité.

— J’ai toujours eu de l’estime pour ton mari et toi, Diana. Depuis la mort de ma femme et de ma fille, je vous ai toujours fait confiance comme à ma propre famille et je ne vous remercierai jamais assez pour l’aide que vous m’avez apportée. Mais nous insulter, Taeliya et moi, ne vous épargnera pas. Ramène-moi cette fille que je fasse moi-même la loi.

— Tu ne…

— Ramène-la ! vociféra ce dernier, en colère.

Taeliya était au bord des larmes. Elle voulait tout arrêter, l’empêcher de faire quelque chose de mal qui les plongerait à nouveau dans le chaos. Elle souhaitait lui éviter de se brouiller avec ce couple qui, visiblement, était des amis de longue date. Taeliya ne voulait plus voir de violence tant qu’elle ne serait pas sortie de tout ce qui la poursuivait déjà. Elle tremblait et quand la jeune femme arriva, aussi tremblante qu’elle, le regard braqué sur elle indiquait clairement que cette dernière n’en démordrait pas. Taeliya comprit que beaucoup de choses se passeraient si elle ne réagissait pas.

— Puis-je savoir en quoi ça te regarde que ma protégée se fasse piquer ? demanda Stein à deux doigts de craquer.

— C… C’est la politique de… de…

— Et tu n’as pas eu la jugeote de demander pourquoi elle y avait droit ?

— C… Comment ça ? bredouilla la jeune femme.

— Vois-tu, fit l’homme en pointant le canon de son arme sur elle. Je n’aime pas quand on s’immisce dans mes affaires et encore moins que l’on m’insulte.

Taeliya se leva précipitamment pour se placer devant la serveuse qui allait finir comme le tas de cadavres qui s’était amoncelé dans les cuisines de l’hôtel, quelques jours plus tôt.

— Taeliya ! s’écrièrent les hommes, horrifiés.

— Princesse, reviens par là, tenta Jess, en panique.

— N… Non ! Je… Pitié, pas de tuerie ce soir… S’il vous plaît… Elle ne… pouvait pas savoir…

— Ça n’excuse en rien ce qu’elle vient de faire, Taeliya. Pousse-toi, ordonna durement Stein.

Mais face à la détermination de la jeune fille, ce fut Noah qui se leva pour la soulever dans ses bras. Il reprit sa place la gardant sur ses cuisses telle une petite fille que l’on tenterait de calmer après une crise de larmes.

— Mais…

— Je suis malade ! s’écria Tealiya, accrochée à Noah.

Elle avait fermé les yeux, mais ses larmes avaient quand même réussi à inonder ses joues. Noah n’aima pas la voir pleurer et gronda si fort que tout le monde se recula. Elle fut la seule à s’accrocher à lui, préférant le sentir vibrer de colère contre elle pour sentir le danger qu’il représentait la maintenir en vie, plutôt que d’affronter les regards de ce couple et de leurs employés.

— Elle… quoi ? s’étrangla Diana.

— Taeliya a une maladie qui peut la tuer si elle ne prend pas un traitement lourd, expliqua un peu plus calmement Stein, le cœur brisé de voir la petite ainsi.

— Je… Je suis dé-

— Je veux rentrer… murmura-t-elle, le visage caché contre le torse de Noah.

— Tu as raison, je n’ai plus la tête à fêter ta réussite ce soir, déclara Stein. Nous le ferons demain et ailleurs.

Noah souleva Taeliya et le groupe quitta les lieux, laissant la table pleine de victuailles non entamées et le petit restaurant dans un silence de mort.

La jeune fille refusa de lâcher l’Oni qui prit place dans sa voiture, laissant Stein seul dans la sienne.

— Désolée, murmura-t-elle au mafieux qui ne l’avait pas lâchée.

— Ferme les yeux, dit-il simplement.

Elle hocha la tête et s’exécuta, avant de sombrer dans un sommeil sans rêve. La chaleur tranquille du mafieux la rassurait.

— Chef, s’enquit le conducteur à Stein en pleine réflexion. Qu’est-ce qu’on fait d’eux ?

— Taeliya nous en voudra s’il se passe quelque chose. Mais si un petit tremblement de terre passait par là, sans tuer personne… Ça pourrait les faire réfléchir, dit-il sans s’amuser de la situation.

Sa conversation avec Joe lui revint à l’esprit. S’il avait raison, alors beaucoup de choses allaient changer. Mais pour ça, il lui fallait faire plus de recherches pour atteindre la vérité.

Une fois arrivés au manoir, Noah et Jess grimpèrent jusqu’à la chambre de la jeune fille. Stein alla chercher Sonia pour qu’elle aide Taeliya à se changer sans la réveiller.

— Que s’est-il passé ? demanda-t-elle.

— Mets-la en pyjama, demanda simplement Stein, épuisé. Demain, nous partirons.

— Où ?

— À l’hôtel de la côte. Taeliya le mérite bien.

Surprise, elle jeta un regard à Jess qui lui raconta la soirée et la colère éclata dans le regard de la mafieuse qui se radoucit une fois posé sur la petite dans les bras de l’Oni. Il la déposa sur le lit avec délicatesse, replaça une mèche de cheveux et quitta la chambre pour rejoindre Stein dans son bureau.

— Ne les tue pas. Envoie l’équipe 5 s’occuper de les secouer un peu.

— Bien, chef.

— Noah ! Il faut que je te parle de quelque chose.

— Tu as l’air perturbé.

— C’est le cas. Tiens, regarde. Joe pense que…

Mais il n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit, Noah venait à peine d’ouvrir le dossier qu’il lui adressa un regard choqué.

— Tu penses comme moi…

— Ça changerait beaucoup de choses, Stein. On peut pas laisser ça de côté, il faut vérifier…

— Je te le demande, mon ami. Enquête sur ce qu’il s’est vraiment passé cette nuit-là. Je ferai le test avec Joe. Mais ne lui en parle pas. Je ne veux pas me faire de fausse joie. Encore moins pour elle…

— Compte sur moi.

— Merci, Noah. Comment était-elle avec toi, dans la voiture ?

— Tranquille, elle n’a pas crié ni pleuré.

— Alors tu es la deuxième personne avec qui elle réagit comme ça.

— Tu n’as pas essayé ?

— Je lui ai assez fait peur pour ne pas avoir voulu tenter quoi que ce soit.

— Tu devrais.

— Je sais. Tu peux y aller.

Noah se leva et prit congé de son ami et chef, avant de rejoindre la salle de détente pour rassembler la 5e équipe qui s’y trouvait déjà.

— Vous avez une mission du Boss.

— Laquelle ?

— Secouer un petit couple qui a décidé d’insulter Taeliya de droguée.

Ni une ni deux, le groupe se redressa et l’écouta attentivement, avant de quitter les lieux sans demander leur reste. Taeliya avait un effet surprenant sur tout le clan, lui y compris, il ne pouvait le nier.

— Oni, je peux te parler ? fit Jess derrière lui.

Noah lui fit face et s’installa sur une chaise, croisant les jambes.

— Merci d’avoir pris la défense de la petite Princesse.

— Tu l’aimes bien, je me trompe ?

— Oui, elle me fait penser à ma petite sœur. Je veux en être.

— Quoi donc ?

— L’équipe 5, je veux en être.

— Tu sais ce que ça signifie pour elle.

— Elle avait l’air tranquille avec toi, constata Jess.

— Tu es sûr de vouloir la laisser avec l’Oni du clan Carlington ? tenta Noah, cherchant à faire peur au jeune homme qui, visiblement, prenait très à cœur cette petite vengeance.

— Ou… Oui.

Après quelques instants de réflexions, il se décida à le laisser partir.

Il pensa que si Jess n’était pas avec elle, il pourrait alors la voir un peu plus longtemps et observer ce qu’il se passait quand elle était toute seule. Mais il n’attendit pas longtemps, car il l’entendit déjà pleurer et gémir de peur. Il grimpa quatre à quatre les marches et entra dans la chambre. Elle était assise dans un coin, recroquevillée sur elle-même, tremblante de peur, le visage caché contre ses genoux, ses bras les entourant, comme pour la protéger d’attaques extérieures.

Il s’approcha, tout en l’appelant.

— Taeliya. Taeliya !

Sa voix profonde et sombre lui fit redresser la tête.

— Noah… Ils sont encore là…

— Viens par ici.

Elle se leva et tituba jusqu’à lui. Le géant la souleva et l’embarqua, contre lui, vers sa propre chambre, quelques étages plus haut. Il l’installa sur son lit et la quitta pour prendre une douche et se changer. Taeliya se cacha sous les draps. Elle tremblait toujours autant, mais quelque chose dans cette pièce faisait taire sa peur, lui disant que ses démons étaient trop effrayés.

Une fois douché et changé, il se présenta à elle en bas de jogging noir et un haut qui moulait parfaitement ses formes viriles. Il s’installa à côté d’elle.

— Petite Princesse a envie d’une histoire ?

— Noah…

— Viens là.

Il s’installa confortablement dans son lit et l’attira contre son torse où elle cala sa tête. Il posa sa large main sur ses cheveux et les lui caressa lentement.

— Qu’est-ce que tu vois quand Jess n’est pas avec toi pour la nuit ?

— Ma famille.

— Qu’est-ce qu’ils te veulent ?

— Se venger ? Je ne sais pas. Quand j’ai découvert ce qu’ils ont fait au staff de l’hôtel, ainsi qu’à moi sans que je le sache, ils ont commencé à devenir agressifs, au point de tenter de me tuer dans mon sommeil.

Elle lui raconta alors les poursuites, les hurlements, la première nuit, puis celle au manoir, l’apaisement offert par la présence de Jess, jusqu’à ce qu’elle se retrouve dans cette chambre. Noah s’était tu, préférant la laisser lui expliquer pour qu’il puisse mieux comprendre ses tourments. Mais chacun de ces détails s’ajoutait au dossier que lui avait montré Stein un peu plus tôt.

— S’ils ont peur de moi sans que je ne sois proche de toi, c’est que ma réputation va même jusqu’à faire peur aux morts.

— Noah… ce n’est pas drôle… pouffa tout de même la jeune fille, en se cachant contre lui.

— Petite menteuse. Essaye de dormir, demain sera une longue journée.

— Jess…

— Est en mission. Il m’a demandé de m’occuper de toi, cette nuit. Tu le retrouveras demain, ne t’en fais pas. Dors maintenant, petite Princesse.

Il la sentit lui sourire et elle n’attendit pas plus pour sombrer dans les bras de l’Oni qui lui offrit la nuit la plus paisible qu’elle ait pu avoir.

Noah était certes le pire de tous les démons, mais c’était son sauveur et elle s’accrocherait à ce sentiment de bien-être qu’il lui offrait sans contrepartie.

Le lien s’était créé au premier regard et Jess savait que son action de ce soir avait aidé à le renforcer. Il avait conscience qu’il perdrait bientôt son rôle, mais c’était pour le bien de la petite et il n’avait qu’une crainte, qu’il soit le plus dangereux.

***

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Samarra Okayo ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0