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Le lendemain, je me levai tard. J'avais encore passé la moitié de la nuit à parcourir le net pour satisfaire ma curiosité. Et le moins que l'on puisse dire, c'était que je n'avais trouvé quasi aucune des informations que Jake m'avait données lors de notre dernière discussion. Je me résolus donc à suivre son conseil et à questionner mes parents. Je trouvai ma mère tranquillement assise dans le divan du salon. Elle fut surprise par ma requête.

— Depuis quand es-tu autant intéressée par l'histoire familiale ? me demanda-t-elle en sortant l’épais album photo de sa boîte.

Je me souvenais l’avoir quelques fois parcouru quand j'étais plus petite mais cela faisait des années que je n'y avais plus touché.

— En fait, dis-je en lui montrant mon carnet, j'ai voulu tracer un arbre généalogique mais je me suis rendue compte que je ne pouvais pas monter plus haut que mes grands-parents…

Elle posa l'album sur mes genoux. Fait de cuir foncé, il était bien moins lourd que dans mes souvenirs. La première photographie était l'une de mes préférées. On y voyait le mariage de mes parents. Ils semblaient tellement heureux…

— Voici ta tante Lucie, ma sœur. Et ici, c'est Lydia, ma meilleure amie. Les autres, je ne les connais pas trop. Ce sont les amis de ton père.

Sur la seconde page, quelques clichés représentaient ma mère lorsqu'elle était enfant. Elle était en compagnie de ma tante et de mes grands-parents, en version bien plus jeune.

Venait ensuite une photo montrant un homme qui tenait un bâton fourchu entre les mains. Il était grand avec des cheveux clairs et souriait à la caméra.

— Qui c'est ? demandai-je.

— C'est ton grand-père Marcus. Le père de ton père. Tu ne l'as pas connu vu qu'il est mort bien avant ta naissance.

— Et qu'est-ce qu'il fait avec cette branche ?

— Ah oui, fit ma mère avec un sourire. Tu ne le sais peut-être pas mais ton grand-père avait un don. Il était sourcier.

— Sorcier ? dis-je étonnée.

— Non, pas sorcier. Sourcier. C'est quelqu'un qui sait comment trouver l'eau qui coule sous terre. Vois-tu, à une certaine époque, quand il n'y avait pas encore l'eau courante dans toutes les maisons, ce talent était grandement apprécié. C'était très utile pour savoir où il était le plus commode de creuser un puits pour y puiser l'eau.

— Et il y avait beaucoup de gens qui savaient faire ça ?

— Non, pas tellement. Marcus était le seul de la région, je crois…

Je n'arrivais pas à m'imaginer une maison sans plomberie. Cela devait être pénible d'aller et venir avec des seaux.

L'image d'après représentait des personnes que je n'avais jamais vues. C'était une famille composée des parents et de quatre enfants : un garçon et deux filles un peu plus âgées, la mère tenait un bébé dans ses bras. J'y reconnus Marcus et ma grand-mère paternelle, Monique. Ce devait donc être la famille de mon père. Pourtant, quelque chose me dérangeait. J'étais certaine de ne pas avoir autant de tantes ni d'oncle. Pourquoi cela ne m'avait-il pas sauté aux yeux avant ?

— Qu'est-ce que… commençai-je en pointant le cliché.

— Ah ça, dit tristement ma mère. Ça, c'est une histoire que nous ne t'avons jamais racontée ton père et moi. Tu as certainement maintenant reconnu tes grands-parents. Le bébé ici, c'est ton père. Cette photo a été prise peu après sa naissance et quelques jours seulement avant… l'accident.

Je gardai le silence, attendant que ma mère continue.

— Une nuit d'été, personne ne sait pourquoi, la maison où ils habitaient a pris feu. Toute la famille dormait à l'intérieur. Ta grand-mère a réussi à sortir de là avec son bébé avant que tout ne s'effondre. Ils ont été les seuls survivants. Après ça, Monique a un peu perdu la tête. Elle était traumatisée et passait son temps à répéter que l'incendie était criminel, que… qu'une sorte de secte les avait pris pour cible elle et sa famille.

— Mais c'est horrible ! Et dire que je n'étais même pas au courant de ça…

— Finalement, poursuivit ma mère, l'enquête a révélé que la cause du sinistre était une bougie laissée trop près d'un rideau. Monique a fini par être internée dans un hôpital spécialisé. Tu te souviens peut-être qu'on était allés la voir une ou deux fois quand tu avais huit ans. Ton père tenait absolument à ce que tu rencontres ta grand-mère…

— Et donc eux, dis-je en montrant les enfants, c'étaient mes tantes et mon oncle… Elle est vraiment triste ton histoire…

— Oui, je sais bien. C'est aussi à cause de cela qu'il n'y a pas de photo de toi bébé dans cet album. Je voulais en prendre mais Monique m'a affirmé que cela attirerait la… malédiction sur notre famille.

— Et tu y as cru ? Tu n'es pas superstitieuse pourtant.

— Qui sait, dit pensivement ma mère en ajoutant quelques branches à mon arbre. De mon côté de la famille, on prêtait toujours attention à ce genre de mise en garde… Après tout, on avait eu une vraie sorcière dans notre lignée !

Je sursautai. Une vraie sorcière… Jake m'avait dit de poser des questions. Que savait-il ?

— Comment ça une sorcière ?

— Oui, exactement ! répondit ma mère avec un sourire. Ma grand-mère racontait que sa propre arrière-grand-mère était une femme exceptionnelle. Elle pouvait soigner les hommes et les bêtes grâce aux plantes et à l'énergie de la nature. Même qu'une fois, mais je ne sais pas si c'est vraiment arrivé, elle aurait protégé son village d'une tempête dévastatrice.

— Et elle ressemblait à quoi ? fis-je, curieuse.

— Nous n'avons aucune image de cette époque, dit ma mère en relevant la tête. Sauf… ceci.

Elle indiqua la peinture à l'huile qui se trouvait sur le mur d'en face. On pouvait y voir une jeune femme blonde habillée de vert. Elle était jolie et souriait mystérieusement. Ce tableau avait été dans notre salon depuis tellement longtemps que j'avais fini par en oublier la présence. Je m'approchai pour mieux voir.

— Je te présente ton ancêtre, Eileen. C'est d'elle que toutes les aînées de ma famille tiennent leur deuxième prénom, toi y compris.

— Cette peinture est très ancienne alors !

— Oui, elle a été dans la famille pendant des générations. C'est un artisan irlandais qui l'a réalisée pour remercier Eileen d'avoir sauvé son petit garçon de la mort.

Je n'en revenais pas ! Non seulement j'avais du sang irlandais dans les veines mais en plus ma famille était bien plus intéressante que je ne le pensais. Je voulais en savoir plus !

Mais c'est à ce moment-là que mon père rentra de son entraînement de foot hebdomadaire et ma mère rangea précipitamment l'album photo dans l'armoire. Je me promis de revenir plus tard sur le sujet.

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