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Le soir même, j'attendis Arthur à l'entrée du monastère. Il arriva dans une voiture blanche, comme Matteo ce jour-là. Penser à mes amis me rendit nostalgique. Se doutaient-ils de ce que je m'apprêtais à faire ?

— Allez, monte ! Qu'est-ce que tu attends ?

Nous roulâmes sur le chemin de la ville. Le soleil était couché depuis longtemps et la nuit était sombre, seul un mince croissant de lune illuminait l'obscurité. Les phares de la voiture trouaient la nuit et, dans l'habitacle, nos visages prenaient une teinte verdâtre à la lueur de l'écran du GPS.

Le trajet, assez court, se fit en silence. Le sorcier finit par garer le véhicule dans la ruelle sombre située à l'arrière de la galerie commerciale. J'utilisai mon trousseau de clés pour ouvrir la porte et fus accueillie par une odeur de vieilles cendres.

Je tentai d'allumer la lumière mais ne trouvai pas d'interrupteur. Ma main revint couverte d'une substance noire que j'identifiai comme de la suie. Étrangement, je ne fus pas étonnée. Je me sentis simplement déçue : tout ce savoir qui avait accompagné mes premiers pas dans le monde des sorciers était parti en fumée…

Arthur ressurgit avec une lampe torche. Le rayon de lumière éclaira la pièce dévastée. Tout avait brûlé ! Seules les étagères métalliques de la réserve tenaient encore debout. Le reste n'était que cendres.

Je passai dans la pièce principale, suivie de près par mon compagnon silencieux. Ici aussi, tout était dans le même état. L'incendie semblait dater d'il y a longtemps. Je me demandai ce qui avait bien pu se passer. Un simple court-circuit ? Ou peut-être une bougie laissée trop près d'un rideau…

Je remarquai des traces de bottes dans la misère au sol. Nous n'étions donc pas les premiers à entrer ici. Je regardai autour de moi, à la recherche de quelque chose d’utile. Mais je dus rapidement me rendre à l'évidence : il n'y avait plus rien pour nous dans ce lieu. Je fermai les yeux, dépitée. Ce n'était pas le moment de me mettre à pleurer…

C'est alors que je le sentis. Un simple sort, celui qui faisait partie intégrante de la boutique. Mais j'y étais habituée, c'est pour cela que je n'y avais pas vraiment prêté attention. Je m'approchai de la porte et agitai ma main dans l'air. Rien. Je recommençai, perplexe.

— Que fais-tu ? me demanda Arthur.

— Je cherche le sort. Je peux le sentir mais il n'est plus à l'endroit où il était avant !

— Je ne sens rien… Es-tu certaine qu'il y a un sort par ici ? A quoi pourrait-il bien servir ?

Je me souvins soudainement de la première fois que je l'avais découvert. Il bloquait l'entrée, et cachait la librairie au regard des passants de la galerie. Et Iris avait utilisé…

Mais oui ! Je m'empressai de tirer un petit sachet rose de ma sacoche. J'éparpillai les cristaux dans l'air tout autour de nous. Le résultat ne se fit pas attendre. Dans le faisceau de la lampe, apparut peu à peu une bulle bleuâtre qui flottait à peine un mètre au-dessus du sol. Elle contenait une boîte en verre rectangulaire.

Arthur plongea les bras à l'intérieur pour s'en emparer. J'utilisai mon second sort de la soirée pour en retirer deux carnets recouverts de cuir ainsi qu'une enveloppe. Je délaissai la lettre pour me précipiter sur les pages manuscrites. Le sorcier s'approcha pour lire par-dessus mon épaule.

— J'avais raison ! m'exclamai-je. Jake a bien consigné le rituel du portail ! Et c'est bien plus facile que je ne le pensais !

— Je te remercie d'avoir mis la main sur ces notes, dit une voix mielleuse que j'aurais reconnue n'importe où.

Je sursautai avant de me retourner précipitamment, les carnets contre ma poitrine. Derrière nous se tenait l'homme au costume gris, le second d'Ananda. Deux gardes du corps l'entouraient et bloquaient tout passage vers la sortie.

— Jake avait bien protégé son secret. Mais je savais bien que sa petite fouineuse d'apprentie finirait par revenir par ici. Donne-les-moi.

— Jamais !

— Tu n'es pas vraiment en position de discuter, dit-il en faisant un pas vers moi, la main tendue.

Je reculai, et le mouvement me rapprocha d'Arthur. Les deux sbires prirent un air menaçant. Ils étaient prêts à nous sauter dessus ! Nous étions fichus !

C'était sans compter sur l'intervention de mon compagnon. Il me repoussa vers la vitrine avant d'engager le combat avec l'un des hommes. L'effet de surprise aidant, l'autre se retrouva assommé en quelques secondes à peine. Il resta allongé au sol sans bouger.

— Attention ! Derrière toi ! m'écriai-je en voyant le second garde foncer vers Arthur.

Pendant ce temps, leur chef en avait profité pour s'avancer tranquillement vers moi. Je ne le remarquai que trop tard lorsqu'il m'empoigna par le col de ma cape.

— Petite traîtresse, susurra-t-il. Tu n'as pas attendu bien longtemps pour rejoindre les rangs ennemis.

J'avais du mal à respirer mais il ne semblait pas s'en soucier. Il m'arracha les cahiers des mains et je ne pus rien faire pour l'en empêcher. Je cherchai désespérément quelque chose pour me défendre mais je m'agitais en vain : l'homme était bien plus fort que moi.

Je jetai un regard angoissé vers Arthur. Il était toujours aux prises avec son adversaire. Les coups pleuvaient et il n'était pas du tout en mesure de m'aider…

Des points noirs commencèrent à embrouiller ma vision. L'homme me repoussa vers la vitre avec un regard mauvais. Je fermai les yeux.

Le sort d'Iris était encore sur mes mains. Il me permit de ne pas être assommée sur la paroi de la devanture. Je traversai le verre une fois. Puis une seconde fois alors que le bras qui me tenait me ramena à l'intérieur.

Je me retrouvai face à un visage grimaçant. Une goutte de sang perla au coin des lèvres de mon ennemi. Une quinte de toux en amena rapidement d'autres.

Il baissa les yeux et je suivis son regard.

Je vis avec horreur le poignard planté au milieu de sa poitrine. Le poignard que je tenais. Celui qui s'arracha de sa chair tandis que l'homme s'écroulait au sol, les yeux vitreux, une tache sombre autour de la blessure.

Le temps sembla s'arrêter. Dans le silence de mort qui suivit, la pierre du manche commença à changer de couleur. Elle illumina la pièce d'un intense éclat bleu.

Le sang gouttait sur le sol et allait rejoindre la mare qui s'était déjà formée à mes pieds. De fines lignes bleues commencèrent à remonter le long de mon bras.

Je chavirai.

Et je compris.

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