Chapitre 8 - Partie 1

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LUNIXA


  Mes larmes s'étaient arrêtées depuis quelques instants, mais de nombreux tremblements secouaient encore mon corps quand Magdalena m'éloigna d'elle.

  –Pourquoi m'as-tu dit ça ? demandai-je, la gorge nouée. Est... est-ce que tu attends quelque chose de moi ?

  Un sourire pincé tendit ses lèvres.

  –Vous me voyez vraiment comme ça ?

  –Non… pas du tout.

  Son visage se radoucit.

  –Vu notre situation, j'ai simplement pensé qu'il était temps que je vous avoue la vérité, s'expliqua-t-elle. Je ne sais pas si quelqu'un était au courant à Illiosimera, mais depuis que vous avez quitté votre manoir pour venir à Talviyyör, vous luttez chaque jour, chaque minute, chaque seconde pour cacher votre véritable identité. À cause de ma nature, je connais le poids d'un tel secret. La peur liée à l'idée que quelqu'un le découvre nous étouffe, nous rend méfiant, nous empêche d'être tout à fait honnête, d'être vraiment proche des autres, de vivre pleinement... Et cela nous affecte encore plus quand personne ne le sait, pas même ceux qu'on aime.

  J'étouffai un sanglot.

  –Ne dis rien à Kalor... Je t'en supplie ne lui dit rien, l'implorai-je d'une voix brisée. J'ai déjà tant perdu, si je le perdais lui aussi...

  –Je n'en ferais rien, assura-t-elle. Je vous ai promis de n'en parler à personne et cela inclus votre mari. Ce secret est le vôtre ; s'il doit un jour l'apprendre, se sera de votre bouche, non de la mienne.

  Alors que je les croyais taries, une larme se fraya un chemin à travers mes cils. Magdalena l'observa rouler sur ma joue sans un mot, les yeux brillants de compassion. Mon cœur se serra dans ma poitrine lorsque je vis cet éclat. Dans la panique, je l'avais oublié mais nos situations étaient similaires : elle aussi mentait chaque jour à son époux en lui cachant ce qu'elle était. Elle pouvait me comprendre mieux que personne.

  –Je n'ai aucune idée de ce qui vous est arrivé par le passé, reprit-elle après quelques secondes de silence, ni des raisons qui vous ont poussé à devenir Lunixa. Je ne sais pas non plus comment la petite princesse aux yeux bruns et aux cheveux noirs sur les tableaux du palais d'Illiosimera a pu devenir la jeune femme devant moi ; et je ne compte pas vous harceler de questions pour le découvrir. Je voulais seulement que vous sachiez que vous n'avez plus à vous battre seule, Artémis. Si vous avez besoin de quelqu'un à qui parler, à qui vous confiez, je serais là.

  Je dus lever les yeux aux ciels pour ne pas me remettre à pleurer. Dans cette pièce mal éclairée, la lueur des bougies derrière Magdalena l'entourait d'une aura chaleureuse ; la bienveillance de son regard et de son sourire ressortait plus qu'à la lumière du jour, soulignée par les ombres sur son visage. Ses mots flottaient toujours autour de nous et caressaient ma peau comme pour me rassurer, me confirmer que je n’avais rien imaginé. Guidés par sa bonté, ils s'étaient glissés en moi avec douceur, avaient surmonté les remparts qui me protégeaient, et me touchaient à présent au plus profond de mon être. Bien qu'un peu différents, ils faisaient écho à ceux que Giulia avait prononcés après qu'elle eut vu ma marque royale, la nuit où elle et Marco m'avait trouvé dans la rue, décharnée et enceinte. Pour la première fois depuis des mois, j'avais eu l'impression de respirer.

  Je ressentis exactement la même chose à cet instant.

  Avant que je ne m'en rende compte, je me jetais au cou de Magdalena. Ce fut si brusque qu'elle manqua de tomber à la renverse, pourtant, elle ne dit rien et me rendit simplement mon étreinte. Sa main passa dans mes cheveux.

  –Ça fait du bien, pas vrai ?

  J'opinai d'un faible hochement de tête. Il allait me falloir du temps pour me faire à l'idée qu'elle savait, que je pourrais lui parler quand je serais prête. Mais elle venait de me libérer d'un poids inimaginable, d'une part de ce fardeau qui m'oppressait depuis bien trop longtemps.

  Une soudaine agitation s'éleva dans la chambre. Surprise, je me détachai de Magdalena et essuyai mes joues encore humides. Que se passait-il ? Je tendis l'oreille. Si les murs étaient suffisamment épais pour transformer une conversation normale en murmure indistinct, ils ne l'étaient pas assez pour étouffer complètement les voix. Celle d'un homme me parvint. Je me crispai dans la seconde.

  Au même moment, la porte de la salle de bain s'ouvrit brusquement sur l'Horloger. La pièce n'était pas très grande, elle ne contenait qu'un lavabo, des toilettes et une douche, aussi fut-il tout de suite sur nous. Avant que nous ayons eu le temps de réagir, il empoigna Magdalena par les cheveux et tira dessus pour la forcer à se lever. Un geignement de douleur lui échappa ; sa serviette tomba par terre. Cette brutalité balaya toute la peine et la peur qui m'habitait depuis qu'elle m'avait avoué la vérité. Je me redressai d'un bond pour la libérer de ce salopard, oubliant complètement la menace de son pouvoir, mais il fut plus vif que moi : j'avais à peine bougé qu'il plantait une seringue au creux de son cou. Mon corps se pétrifia. Alors que le piston s'enfonçait de plus en plus, je restais immobile, à observer le liquide disparaître dans les veines de Magdalena. Un mélange de colère et de culpabilité m'assaillit. Pourquoi n'avais-je pas été plus rapide ? Je ne pouvais rien faire sans risquer de la blesser à présent !

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