Chapitre 15 - Partie 3

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  Magdalena eut plus de difficulté à se repérer qu'elle ne le pensait, aussi nous fallut-il plus de trois heures pour rejoindre le manoir. Comme je m'en étais douté après ma téléportation dans les airs, il était enfoui sous la végétation. D'immenses conifères avaient poussé tout autour, dissimulant le toit sous leurs branches denses et épaisses. Les tuiles devaient également être couvertes par de la mousse et une multitude d'épines et de feuilles.

  Tapis à quelques mètres de l'entrée, j'inspectai la demeure et les environs avec attention. La porte était close. De la lumière s'échappait de toutes les fenêtre du troisième étage alors que le reste du manoir était plongé dans le noir. Un léger mouvement attira mon regard au niveau d'un arbre plus avancé que celui derrière lequel je me trouvais. Mes sourcils se froncèrent.

  Dans un silence absolu, je sortis l'un de mes poignards et le confiai à Dobrota.

  –Pas un bruit, soufflai-je.

  Un tremblement traversa Hestski, mais elle acquiesça avec les autres.

  –Ne le laissez pas vous toucher, murmura l'autre fille de plaisir.

  Je sais...

  À pas de loup, je m'avançai vers la silhouette masculine qui se découpait dans l'obscurité. Aucun de mes mouvements ne produisait le moindre son. Même sans le bruissement des feuillages, elle ne m'aurait pas entendu arriver. Lorsque l'homme sentit ma présence, il était trop tard ; j'étais déjà sur lui. Avec des gestes précis et maîtrisé, je le mis à terre en clin d'œil. Il n'eut pas le temps de répliquer une seule fois. Au moment où mon poignard finissait sous sa gorge, le vent souffla plus fort et déplaça les branches. Les rayons de la lune se répandirent sur nous. Nous écarquillâmes tous deux les yeux. Ce jeune homme d'une vingtaine d'année portait un uniforme de l'armée talviyyörienne.

  –Altesse ?

  –Identité, ordonnai-je.

  –Soldat Matthias Wolff du troisième régiment, sous les ordres directs du lieutenant Geirr.

  –Son supérieur ?

  –Le commandant Sveinson. C'est lui qui a reçu l'ordre de vous épaulez dans la forêt pour rechercher votre femme, Magdalena Raspivitch et les quatre prostitués enlevées. J'ai reçu l'ordre de surveiller les abords du manoir.

  Un soupir m'échappa. Ces informations correspondaient bien aux renseignements que m’avait donné l’équipe que j’avais rencontré dans l’après-midi. Je rengainai mon arme et me redressai. Le soldat suivit le mouvement.

  –Vous venez d’arriver ? m'enquis-je.

  –Non, ça va faire une demi-heure à présent. Nous avons sécurisé le manoir, ainsi que le périmètre, et l'un de mes collègues est parti avertir les équipes alentours... Altesse, je dois vous prévenir...

  –Vous n'en avez trouvées que deux ?

  Il cilla plusieurs fois, surpris, puis me rectifia.

  –Une seule, à vrai dire. Hedwige Pelkoska. Mais comment savez-vous...

  –J'en ai trouvé trois autres, c'est elles qui m'ont conduit jusqu'ici.

  –La Princesse ?

  Je secouai la tête, la poitrine oppressée.

  –Avertissez ceux qui sont à l'intérieur que nous sommes ici, je vais les chercher.

  Il s’exécuta dans la seconde tandis que je me dépêchais de rejoindre les filles. Qu'une équipe aient découvert le manoir me délestait d'un poids : je n'avais plus à m'inquiéter de les laisser seules ici pendant que je chercherais Lunixa. Les soldats allaient prendre soin d'elles et assurer leur sécurité en mon absence. Ils pourraient même les ramener au centre de commandement le plus proche avant l'arrivée du Marquis Marcus et protéger ainsi la nature de Magdalena.

  En me voyant de retour, les épaules de cette dernière s'affaissèrent sans un bruit. Les concubines, en revanche, poussèrent un profond soupir peu discret et Dobrota baissa son arme d'emprunt. Je la lui repris avant qu'elle ne blesse quelqu'un dans un excès de panique.

  –La voie est libre, annonçai-je.

  –Et celui que vous avez vu ? demanda Hestski, toujours aussi inquiète.

  –Un soldat de l'armée. Vous n'avez plus rien à craindre à présent.

  Il n'en fallut pas plus pour qu'elle et sa collègue fondent en larmes. Même si elle éprouvait aussi du soulagement, Magdalena n'en versa pas une seule. Son sourire avait disparu et elle me regardait, les yeux emplis d’inquiétude et de compassion. Je me détournai, pris la bride de Skinfaxi et les guidai vers le manoir dans un silence sépulcrale. Qu'aurais-je donné pour que Lunixa soit avec elles ! Pour que je puisse lui dire ces mots, la conduire en sécurité...

  De la lumière se déversait des portes désormais ouvertes où Wolff et deux autres hommes nous attendaient. Je reconnus le plus petit des trois au moment où son prénom échappa à Magdalena.

  –Karl...

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