Chapitre 23 - Partie 2

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  Les mots de Freyja ne cessaient de tourner dans mon esprit alors que je retournais dans la chambre. Avant qu'elle ne soulève les dangers auxquels Lunixa pouvaient s'exposer, les lourdes conséquences de son blocage ne m'avaient jamais effleuré. Ce manque réflexion me travaillait. J'avais l'impression de m'être comporté comme un homme uniquement intéressé par sa femme car elle pouvait satisfaire ses besoins. Lui aussi se serait seulement concentré sur les conséquences directes du problème, l'absence d'union dans son couple, au lieu d'en regarder l'étendue.

  Le manque de confiance entre nous, les récents événements, ses différents blocages… Lunixa et moi devions discuter de beaucoup de chose. Peut-être allais-je débuter durant le trajet jusqu'au château.

  Je rejetai cette idée en arrivant dans la chambre : Lunixa se trouvait assise sous la fenêtre, les jambes repliées contre sa poitrine.

  –Que fais-tu là ? m'enquis-je ne la rejoignant.

  Elle baissa les yeux.

  –Je regardais dehors mais... mes jambes ont flanché. Je n'ai pas réussi à me relever.

  –Tu n'arrives plus à les contrôler, comme chez Freyja ?

  –Si, j'y arrive, me contredit-elle en les dépliants. C'est juste... Je n'ai plus de force.

  Je m'accroupis devant elle et ramenai son visage vers le mien. De vilains cernes creusaient encore plus son visage décharné. Ses paupières papillonnaient pour rester ouvertes. Ses yeux hurlaient sa fatigue.

  –Tu peux lâcher prise et dormir à présent, lui dis-je en la prenant dans mes bras. Nous allons rentrer au palais.

  Alors que j'augmentais la température de mon corps pour que la chaleur l'aide à rejoindre le pays des songes, elle secoua la tête.

  –Je ne peux pas dormir, murmura-t-elle.

  –Pourquoi ?

  Ses traits se tendirent.

  –Si je ferme les yeux, j'ai peur... de le voir.

  –L'Horloger est mort, ma chérie. Tu n'as plus rien à craindre de lui.

  –Je sais, mais...

  Mais elle venait de lui échapper et il lui avait fait trop de mal pour qu'elle puisse l'oublier aussi vite. Ces récents événements risquaient de nourrir ses terreurs nocturnes. Je la reposai sur le lit, puis lui demandais d'attendre avant de ressortir de la pièce. Par chance, je n'eus pas à chercher Freyja : elle arrivait en bas des escaliers en face de moi.

  –Mademoiselle Veneitri ! l'interpellai-je en descendant.

  Elle se retourna, un sourcil haussé. Je la rejoignis, puis lui exposai le problème.

  –Ma femme est souvent victime de terreurs nocturnes. Avec ce qu'il lui ait arrivé, j'ai peur qu'elles n'empirent. Auriez-vous quelque chose qui pourrait l'empêcher d'en faire ?

  –Elles sont violentes ? (J'opinai.) À quel point ?

  –Elle se débat dans son sommeil, a du mal à s'en sortir sans mon aide... s'en ai déjà pris à moi.

  Elle assimila ses informations, puis se détourna.

  –Rejoignez-la, j'arrive dans deux minutes.

  Je la remerciai et gravis les marches quatre à quatre. Lorsque j'ouvris la porte de la chambre, Lunixa somnolait. J'avais à peine fait un pas vers elle que ses paupières se rouvrirent d’un coup et qu'elle eut un mouvement de recul.

  –Hé, tout va bien, assurai-je en m'installant à côté d'elle.

  Le souffle court, elle se laissa aller contre moi.

  –Je ne peux pas... répéta-t-elle.

  –Freyja va te donner quelque chose qui va t'aider, ne t'inquiète pas.

  Ses yeux brillants d'épuisement se levèrent vers moi, puis refermèrent. Son corps commençait tout juste à se détendre contre le mien qu’elle se réveilla à nouveau en sursaut. Ce schéma se produisit deux fois supplémentaires avant que Freyja n'arrive, une tasse fumante à la main.

  –Avec ceci, vous allez dormir comme un bébé, assura-t-elle.

  Lunixa se redressa et commença à boire. Elle n'en était pas encore à la moitié qu'elle s'effondra soudain contre mon épaule. La tasse glissa entre ses doigts. Freyja avait dû prévoir cette réaction, car elle avait gardé les mains en dessous et la rattrapa sans problème. Moi, en revanche, je ne m'étais pas attendu à cela.

  –Lunixa ? m'inquiétai-je.

  Elle ne réagit pas à mon appel, ni aux petites pressions que j’exerçai sur elle.

  –Ce n'est pas la peine, fit Freyja. Dame Nature pourrait abattre une nouvelle Punition, elle ne se réveillerait pas.

  –Que lui as-tu donné ?

  –Un puissant somnifère.

  Mes yeux s'arrondirent.

  –Mais... Je t'avais demandé de quoi bloquer ses cauchemars, pas de quoi l'assommer !

  Elle leva un sourcil condescendant.

  –À quoi t'attendais-tu ? Je ne me promène pas avec mon apothicairerie sur moi. C'était tout ce que j'avais sous la main pour l'aider. Et vu les terreurs nocturnes que tu m'as décrites ce n'est pas excessif. Avec cette infusion, elle n'en aura aucune et se réveillera bien reposée vers demain midi.

  –Demain midi ? répétai-je, hébété.

  Il était seulement dix-sept heures !

  –Ne t'inquiète pas, soupira Freyja, las. Même si les racines de spatmirs sont très puissantes, elles ne sont pas mauvaises. Contrairement à beaucoup de somnifère, elles plongent dans un sommeil réparateur. Après ce qu'elle a traversé, ta femme a bien besoin de dormir une demi-journée, au minimum... Un dernier reproche où je peux retourner chez Magdalena ?

  Je baissai les yeux vers Lunixa, son visage enfin détendu, son souffle lent.

  –Je... non. Désolé d'avoir levé la voix. Encore merci pour ton aide.

  –Remercie Magda, déclara-t-elle en se dirigeant vers la porte c'est elle qui m'a demandé de venir ici.

  Après qu'elle fut sortie, je restai encore un moment avec Lunixa, puis je la repris dans mes bras et quittai la maison. Un carrosse nous attendait à l’extérieur. Lorsqu'il nous aperçut, le Marquis Marcus remonta en selle et les soldats qui allaient nous escorter jusqu'au château l'imitèrent. Une fois installé en voiture et Lunixa contre moi, je donnais un coup sur le bois de l'habitacle. Le cocher fit partir l'attelage à ce signal.

  



  Le carrosse s'arrêta devant le parvis du palais au bout de dix heures de voyage. Avec des gestes doux, je repris Lunixa, toujours profondément endormie, dans mes bras et la conduisis à l'intérieur.

  –Vos Altesses, nous salua un valet dès que nous eûmes mis les pieds dans le hall. Nous avions été informés de votre retour. Sa Majesté vous attend dans son bureau avec votre épouse.

  –Elle n'est pas en état de le voir ce soir, mais dîtes lui que j'arrive.

  Il n'insista pas et partit transmettre mon message.

  –Votre Altesse ? m'interpella à son tour le Marquis Marcus. Avez-vous encore besoin de mes services ou puis-je aller faire mon rapport à mon père ?

  –Non, c'est bon. Encore merci. Pour tout.

  Il s'inclina et disparut à son tour. Je réajustai la position de Lunixa dans mes bras en me dirigeant vers ses appartements. Ce retour au beau milieu de la nuit était une vraie bénédiction : à part les gardes, les couloirs étaient déserts. Je n'aurais pas supporté les regards de la cour dès notre arrivée.

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