Chapitre 24 - Partie 2

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  –Votre Altesse, votre femme est prête, déclara Paulina.

  Je serrai mes mains entre elles pour les empêcher de trembler tandis qu'il nous rejoignait. Un fin sourire fendit ses lèvres.

  –Tu es ravissante.

  –Ne mens pas ; je n'ai que la peau sur les os.

  Il franchit le dernier pas qui nous séparait, puis posa une main sur ma joue.

  –Ça ne change rien à mes yeux. (Il m'embrassa.) Et ne t'inquiète pas pour le regard des autres, je reste avec toi.

  C'était pourtant son regard à lui que je craignais en dehors de mes appartements, et non celui des autres. Arès m'avait sauvé la vie ; j'aurais dû lui être reconnaissante, pas le craindre. Mais je n’arriverais jamais à le prétendre. Lui faire face allait déjà être trop difficile pour que je joue la comédie en même temps. Si mon comportement était trop étrange en sa présence, Kalor risquait de se poser des questions.

  Dès que nous mîmes un pied dans le couloir, ma respiration se fit plus courte. Sans m'en rendre compte, je me collai davantage à Kalor, le forçant à ralentir le pas. Il s'adapta à mon allure et augmenta un peu sa chaleur pour m'aider à aller mieux. Cela ne suffit pas à m'apaiser. Mes yeux ne cessèrent de balayer les corridors de long en large, de ratisser le moindre recoin, à la recherche de mon ancien fiancé. S'il était dans les parages, je devais le savoir.

  J'étouffai un soupir de soulagement lorsque nous arrivâmes dans le secrétariat de mon beau-père et que la porte se referma derrière nous. J'étais tellement angoissée à l'idée de croiser Arès que je risquais très vite de devenir claustrophile.

  –Altesse, nous salua le secrétaire, sa Majesté et le Général Marcus vous attendaient.

  Mes muscles se recrispèrent d'un coup.

  Le Général Marcus ? Non, c'était impossible, il ne pouvait...

  Kalor m'entraîna avec lui dans le bureau. J'eus un mouvement de recul.

  Dame Nature, le secrétaire n'avait pas menti. César était vraiment ici, installé dans le coin salon et en pleine conversation avec le Roi.

  –Lunixa, Kalor, nous étions justement en train de parler de vous, déclara ce dernier.

  Mon cœur manqua un battement lorsque le regard de César croisa le mien et qu'il fronça les sourcils. Je dus me faire violence pour ne pas m'enfuir de cette pièce en courant. Lui et mes parents avait toujours été très proches. Leur amitié avait été prouvée aux yeux de la cour quand César était devenu le confident de ma mère, quand mon père l'avait choisi pour mon parrain, puis quand ils avaient voulu unir nos deux familles par un mariage : celui d’Arès et moi.

  Sa présence en ces lieux était tout aussi dangereuse que celle de son fils.

  Par pur automatisme, je me remis en marche et laissai Kalor me conduire jusqu'au canapé. Je me rendis seulement compte que mes jambes flageolaient lorsque je fus assise.

  –Lunixa, reprit le Roi d'un ton dur, détournant mon attention de César, nous sommes tous très heureux de vous retrouver parmi nous et de savoir votre honneur sauf. Cependant nous ne pouvons fermer les yeux sur vos actions qui ont conduit à cet enlèvement. Il semble que vous ayez oublié qu’en épousant mon fils, vous êtes devenu une princesse. Vous ne pouvez plus vous comporter comme une noble ou une roturière. Et se rendre en ville en pleine nuit, avec pour seule compagnie votre femme de chambre...

  –Magdalena n'a pas eu le choix, le coupai-je brusquement. Je l'ai obligé à me suivre.

  Elle avait déjà assez payer pour m'avoir suivi ; le Roi ne devait pas la punir en plus.

  –Madame Raspivitch a été choisie parmi toutes les femmes de chambre de ce château pour vous servir personnellement car elle s'est distinguée de ses pairs. Tant pour son travail que pour son intelligence. Elle aurait dû nous prévenir de votre sortie et ce manquement mérite sanction. En temps normal, je l'aurais renvoyée pour vous avoir mise en danger. Mais après en avoir discuté ce matin avec Kalor, il m'a convaincu de la garder auprès de vous. Elle sera toutefois privée de salaire durant les six prochains mois.

  J'aurais préféré qu'il n'en soit rien, mais je n'en dis pas un mot. Kalor était parvenu à minimiser très fortement la sanction originelle et je craignais de réduire ses efforts à néant en cherchant à renégocier.

  –Quant à vous, Lunixa, votre manque de discernement et votre irresponsabilité sont indignes d'une femme de votre rang. Nous espérons tous que vous vous en rendez compte et réalisez qu'un tel comportement aurait pu vous coûter la vie.

  Kalor serra mes doigts alors que j'opinais faiblement.

  –Quoi qu'il en soit, fit-il en se redressant, le Général Marcus et moi-même avons convenu que vous devez dorénavant toujours sortir accompagnée, pour votre sécurité.

  Du coin de l'œil, je vis mon parrain acquiescer.

  –Et comme j'en avais fait part à Kalor, hier soir, vous n'êtes également plus autorisée à vous teindre les cheveux.

  –Je comprends, votre Majesté.

  –Je l'espère bien. À présent, rendez-vous dans la salle à manger, le déjeuner ne va pas tarder à être servi.

  Perdue, je cillai plusieurs fois.

  –Je n'ai pas de sanction ?

  César prit la parole avant que le Roi n'ouvre la bouche.

  –Il est plus qu'évident que vous avez assez payé pour vos erreurs, Princesse.

  La dureté de son regard, qui venait de me balayer de la tête aux pieds avant de se planter dans mes yeux, exprimait le fond de sa pensée plus clairement que n'importe quel mot. Je ne pus le soutenir.

  –Comment te sens-tu ? me demanda Kalor, une fois dans le couloir.

  –Bien. Je m'étais attendue à pire.

  Il frotta délicatement mes épaules.

  –Le Général Marcus a raison, tu as déjà été assez punie.

  Un frisson me traversa à ce nom. J'aurais voulu retourner dans ma chambre pour ne jamais assister à ce repas en sa compagnie, celle d'Arès et toutes les autres personnes de la délégation.

  –Certains s'en serait moqué, murmurai-je après une profonde inspiration. Et merci, pour Magdalena.

  –C'est normal, assura-t-il en se mettant en marche. Même si elle a commis une erreur, elle ne méritait pas d'être renvoyée.

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