Chapitre 35 - Partie 1

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Bon, ce n'est pas mon genre d'écrire des messages dans les chapitres, mais l'occasion mérite une exception !
C'est donc avec ce bon gros chapitre que je vous annonce officellement le retour des Héritiers ! Encore merci pour votre patience et bonne lecture =D

LUNIXA

  Dans un soupir de soulagement et de fatigue, je refermai la porte de mes appartements en m'appuyant sur le battant. Encore une journée de terminée. Plus qu'une... Plus qu'une seule et ce cauchemar éveillé prendrait fin. Je n'aurais plus à surveiller le moindre de mes faits et gestes ou à contrôler chacun de mes mots afin qu'ils ne fassent écho au souvenir d'Artémis ; je n'aurais plus à écouter les bruits de pas dans les couloirs pour éviter de croiser Arès, à angoisser chaque fois que j'irais manger, à être terrifiée à l'idée de chanter et qu'il m'entende... à l'idée de faire une erreur et qu'il me reconnaisse.

  Cependant, il fallait encore que je traverse le moment que je redoutais le plus de tout ce séjour : le bal.

  Un bal... avec Arès.

  Ma gorge se noua et cela n'avait rien à voir avec le fait de devoir jouer devant lui. Même si je me rendais à une ou deux soirées par an quand j'étais encore à Illiosimera, je passais toujours des heures à me renseigner sur la liste des convives avant d'accepter une invitation et j'avais toujours fui comme la Punition celle où le nom d'Arès y était inscrit. Nous avions été fiancées si jeunes que ni lui ni moi ne savions encore danser à cette époque. Nous avions appris cela par la suite, ensemble ; de nos premiers pas maladroits, aux mouvements les plus complexes. Nous en avions mêmes inventés quelques-uns, le soir, dans l'intimité de ma chambre, lorsqu'il venait m'y retrouver.

  Sentant le nœud dans ma gorge se resserrer encore plus et la porte de mes souvenirs se déverrouiller, je secouai la tête, retirai mes escarpins, puis me dirigeai vers ma chambre sans prendre le temps d'allumer une bougie, même si le salon était presque plongé dans le noir total. Je devais arrêter de songer à tout cela. Ressasser mes craintes ne ferait que nourrir mes mauvais rêves, alors que j'avais cruellement besoin de sommeil pour affronter cette épreuve. En plus, rien ne disait qu'Arès m'inviterait à danser.

  Mais si jamais c'est le cas...

  Attisés par cette perspective, les souvenirs de tous nos bals passés ensemble brisèrent les barreaux qui les maintenaient au plus profond de ma mémoire et me submergèrent d'un coup. Peu importait l'occasion ou la musique, dès qu'Arès me tendait la main pour m'inviter à danser, le monde disparaissait autour de nous. Il n'y avait plus que lui à mes yeux. Lui et son sourire presque imperceptible, mais bien plus expressif que n'importe quel mot, qui apparaissait quand je posais mes doigts au creux de sa paume. Lui et nos corps qui semblaient se fondre l'un dans l'autre lorsqu'il m'attirait à lui. Lui et sa main qu'il posait au creux de mes reins ou sur ma taille pour nous rapprocher encore plus et me guider. Lui et nos mouvements qui se suivaient sans aucun faux pas, comme si nous n'étions qu'un seul et même être. Lui et son regard doré qui ne me quittait jamais, si intense qu'il me donnait l'impression d'être la plus belle merveille du monde. Lui et ses lèvres qui...

  Un violent spasme me traversa et je revins d'un coup au présent. L'estomac au bord des lèvres, je m'y raccrochai désespérément, me concentrant sur mon sombre environnement pour m'occuper l'esprit et renvoyer ce passé dans la prison qu'il n'aurait jamais dû quitter. Ce fut alors que je la remarquai. Là, à tout juste deux pas de moi, une imposante silhouette se découpait dans l'obscurité. Toute chaleur déserta instantanément mon corps. Mes chaussures glissèrent entre mes doigts, aussitôt remplacée par un poignard, et ma lame fusa vers l'inconnu avant même que je m'en rende compte.

  Malgré l'absence de lumière, il intercepta mon coup sans aucun problème. Mon cœur manqua un battement, mais j'enchaînai immédiatement et propulsai mon genou vers son entre-jambe. J'eus à peine le temps de le sentir effleurer son aine que je me retrouvais plaquée contre le canapé, désarmée et immobilisée par une double clef de bras. L'espace d'un instant, je me revis allongée sur celui de l'Horloger, prisonnière de ses mains et de son corps. Un vent de pure panique déferla dans mes veines. Je tordis le bassin, repliai ma jambe et donnai un violent coup de pied qui toucha mon agresseur en plein ventre. Seul un grognement lui échappa. Je réitérai immédiatement mon attaque.

  –Dame Nature ! gronda-t-il en l'encaissant encore. Calme-toi, Lunixa ! C'est moi.

  Je me pétrifiai. Ce timbre grave...

  –K... Kalor ?

  –Oui, c'est moi, répéta-t-il avec douceur. Juste moi.

  Alors que l'étau de ses doigts se relâchait, la chaleur anormale qui s'en dégageait me parvint.

  –Par la Déesse... Que... Que faisais-tu là, planté dans le noir ? explosai-je en me retournant vivement, emportée par la vague d'adrénaline qui m'avait gagnée. Tu devrais être dans la salle des jeux !

  –Les dernières parties se sont finies il y a une dizaine de minute, alors je venais me coucher, m'expliqua-t-il. Je voulais juste m'assurer que tu ne faisais pas de cauchemars avant de me changer car je pensais que tu dormais déjà. Comme j'ai vu que ce n'était pas le cas et que tu n'étais pas non plus dans ta salle de bain, j'allais me rendre à ta salle de musique, mais je t'ai entendu arriver. Donc je suis simplement venu te rejoindre, je n'étais pas planté dans le noir.

  –Mais pourquoi n'as-tu rien dit ? Pourquoi n'as-tu allumé aucune bougie ? Tu m'as fait une peur bleue !

  –Je te l'ai dit, je pensais que tu dormais et je ne voulais pas risquer de te réveiller avec la lueur de la flamme. Et j'ai parlé, rétorqua-t-il. Plus d'une fois. Mais tu avais visiblement l'esprit ailleurs.

  Mon cœur manqua un battement. J'avais tant pensé à Arès que... je n'avais pas entendu Kalor ?

  –À quoi songeais-tu ? me demanda-t-il sans pouvoir dissimuler une pointe d'inquiétude dans sa voix. Je t'avais déjà vu perdue dans tes pensées, mais jamais au point de ne pas réagir à ton nom.

  Mon malaise se décupla. Aussi tendue qu'une souche, je me redressai correctement sur l'assise, puis m'éloignai de lui en me décalant sur le côté, les yeux baissés. Même en l'absence de lumière, je savais son regard posé sur moi et j'étais incapable de le soutenir.

  –Juste à demain soir, murmurai-je.

  –Au bal ?... Ta répétition avec Monsieur Sangos ne s'est pas bien passée ?

  –Non, pas du tout. Elle s'est même très bien déroulée.

  Le compositeur avait accepté sans hésitation ma proposition de jouer ensemble et nous avions commencé à travailler notre morceau après le dîner. Nous avions si bien progressé qu’il ne nous manquait plus qu’une ou deux heures pour être prêts.

  –Alors qu'y a-t-il ?

  Mes muscles crispèrent encore plus en le sentant s'asseoir à mes côtés.

  –C'est juste que...

  Je m'arrêtai soudain de parler. Le goût du sang venait d’imprégner le bout de ma langue. Interdite, je la passai sur mes lèvres et mes doigts sous mon nez. Un liquide chaud s'en écoulait jusqu'à ma bouche.

Dame Nature...

  –Lunixa ? s'étonna Kalor alors que je me levais sans répondre.

  –Je suis désolée, j'ai besoin d'un mouchoir.

  La main plaquée sur le bas de mon visage, j'accélérai le pas vers ma chambre en l'entendant se redresser pour me suivre. Il ne devait pas me voir dans cet état.

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