Chapitre 47 - Partie 2

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  –Alors, murmura-t-elle comme s'il s'agissait d'une confidence. Comment te sens-tu ?

  Je refoulai mon malaise et me lançai dans une énième explication sur l'impossibilité de ma grossesse.

  –Le risque zéro n'existe pas, contra-t-elle. Regarde-moi, le médecin avait assuré que Thor ne pourrait jamais avoir d'enfant, pourtant, je n'ai pas fait celui-ci toute seule.

  –Dans ce cas, ça vaut aussi pour le test, rétorquai-je.

  Et comme tous ceux avec qui j'en avais discuté avant elle, elle me certifia de sa fiabilité. Nous débâtîmes plusieurs minutes à ce sujet, campant chacune sur notre position, avant que je n'essaye de détourner la conversation en l'interrogeant sur son bébé. Si elle ne se laissa pas déconcentrée de sa mission d'entrée de jeu – me faire reconnaître ma grossesse –, elle finit par rendre les armes et répondre à mes questions. Son enfant était toujours un peu chétif, mais il se portait bien et se trouvait près à venir au monde. Les sages-femmes estimaient la naissance dans quinze jours.

  –Quand aura lieu le baptême ? m'enquis-je.

  –Trois semaines après ; il en est toujours ainsi dans la famille. Et en parlant du baptême, poursuivit-elle, j'avais une demande à te faire, Lunixa.

  –Qu'y a-t-il ? m'inquiétai-je.

  La soudaine hésitation dans sa voix et ses yeux baissés ne me rassuraient guère.

  Mathilda ne me répondit pas tout de suite. Elle tritura son drap, mal à l'aise, puis jeta un regard à Valkyria. Je me tournai vers celle-ci et la surprit encourager notre belle-sœur avec un sourire espiègle. L'inquiétude qui m'avait gagné laissa place à de la suspicion. Les paupières plissées, je les observai l'une après l'autre.

  –Qu'avez-vous manigancé dans mon dos, toutes les deux ?

  Ma question détendit tout de suite Mathilda et elle reporta enfin son attention sur moi, le regard gorgé de tendresse.

  –Je me demandai si tu voulais bien devenir la marraine de mon enfant. (Mon souffle se coupa.) Bien sûr, il faudra que Kalor approuve ta décision, mais je suis sûre qu'il l'acceptera, quelle qu'elle soit.

  –Sa... marraine ? répétai-je dans un murmure. (Elle acquiesça.) Mais... pourquoi moi ?

  Ce rôle n'avait rien d'anodin. Le couple qui l'endossait devenait les parents spirituels de l'enfant. En temps normal, cela impliquait d'être là pour lui, comme tout parents, et de soutenir ses géniteurs dans sa croissance, son éducation… Mais si jamais il arrivait malheur à ces derniers, le lien spirituel établi par le baptême devenait aussitôt réel et, sans qu'aucune démarche administrative ne soit nécessaire, l'enfant rejoignait la famille du couple, en tant que fils ou fille adoptive. Le choix du parrain et de la marraine ne se faisait donc pas sur un coup de tête ; l'avenir de l'enfant pouvait en dépendre.

  Alors pourquoi moi ? Mathilda me connaissait depuis à peine sept mois. Avant son alitement, je l'avais vu plusieurs fois en compagnie d'amies proches, de sa confidente. Et si elle souhaitait que le parrain et la marraine soient de la famille, il y avait Nicholas et Valkyria.

  –Parce que tu as toujours été là pour nous, Lunixa, se justifia-t-elle avec bienveillance et en caressant l'arrondi de son ventre. Tu as beau avoir un don incroyable pour le chant, quand tu t'es rendu compte de mon état, tu n'as pas hésité une seule seconde à me remplacer pour m'éviter la pression du concert de Dame Nature. Tu as aussi été présente quand j'ai eu mon décollement du placenta ; j'étais terrorisée à l'idée de perdre mon bébé, puis tu es arrivée et tu m'as conseillée, rassurée. Qui sait ce qu'il se serait passé sans toi ? Tu m'as également aidé à choisir son prénom. Et pour finir, tu n'as eu de cesse de me rendre visite. Jour après jour, peu importe ta fatigue ou ton emploi du temps chargé, tu as toujours fait en sorte de nous accorder de ton temps. Quant à Kalor, il a toujours été là pour soutenir son frère. Quand les médecins ont appris à Thor qu'il ne pourrait pas avoir d'enfant, quand les nobles ont commencé à se détourner de lui, quand il a été pris de doute sur sa paternité, Kalor était là. Il ne l'a jamais laissé tomber. (Un sourire débordant de tendresse étira ses lèvres.) Voilà pourquoi Thor et moi aimerions beaucoup vous confiez notre enfant. Notre petit miracle.

  Rendue muette, j'eus du mal à inspirer, profondément touchée par ses mots.

  –Bien sûr, enchaîna-t-elle avec un peu moins d'assurance, je ne te force à rien. Donc si jamais tu refuses…

  –J'accepte, la coupai-je.

  Ce fut si soudain qu'elle se figea, puis, lentement, un éclat de pur bonheur habilla ses traits. Elle prit mes mains dans les siennes.

  –Merci, Lunixa.

  J’éteignis ses doigts en retour et lui rendit son sourire.

  J'aurais dû dire non. Avec mes secrets, mes mensonges, ma grossesse incertaine, la cible que la Cause avait placé dans mon dos, ma vie était trop précaire pour que j'accepte. Son bébé avait besoin de quelqu'un sur qui il pourrait vraiment compter, qui ne risquait pas de disparaître du jour au lendemain. Cependant, je n'étais pas la seule à avoir un avenir incertain : personne en ce monde ne savait que lui réservait le futur. Même ceux menant une vie tout à fait stable étaient susceptibles de disparaître de jour au lendemain, victime d'un accident. Alors en fin de compte, étais-je si différente des autres ? N’avais-je pas droit, moi aussi, de prendre soin de son petit miracle ?

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