Chapitre 33
Alors que j'étais en train de penser à ce que je devais faire, la femme qui m'avait accueilli pénétra dans la pièce. Elle me jeta un regard inquiet, s'approcha de moi et me dit:
- Je suis vraiment désolée!! J'étais obligée de faire ce que j'ai fait!! Je n'avais pas le choix!! Je suis désolée.
Elle s'était mise à genoux, et avait commencé à pleurer. Je me précipitais vers elle et commençais à la consoler en lui disant:
- Calmez-vous!! Ne vous inquiétez pas. J'ai tout entendu. Séchez vos larmes, et ne vous faites pas de souci pour moi.
- Comment pourrais-je rester calme, alors que c'est moi qui vous ai ramené ici, c'est moi qui vous ai donné cette maudite soupe.
- Que signifie cette histoire de soupe? J'ai du mal à comprendre.
- Eh bien, cette soupe est faite à base d'ingrédients non comestibles. Tout être humain normal aurait vomi sur le coup. Le corps humain ne pourrait jamais supporter ces matières toxiques. Mais vous, non seulement vous l'avez bu, mais vous l'avez aimé, ce qui veut dire que....Je suis vraiment désolée!!
- Je sais bien que vous n'aviez pas le choix, alors séchez vos larmes. Tout va s'arranger.
Elle se releva, et me dit:
- Vous devez fuir!! Les gardes ne tarderont pas à arriver.
- Et vous?
- Ne vous inquiétez pas pour moi, je saurais les convaincre.
- Écoutez, je n'irai nulle part. Je sais bien que si je fuis, vous en payerez les conséquences et ça, je ne peux pas l'accepter.
- Vous n'avez pas le choix.
- On a toujours le choix. Soit vous venez avec moi, soit je reste ici.
- Et Jada, ma fille. Je ne peux pas la laisser ici, il faut........
À ce moment même, les gardes entrèrent. Ils étaient tous vêtus d'un uniforme bleu, cependant, l'un d'entre eux faisait exception.Il portait un uniforme blanc où des insignes étaient accrochés. Il s'approcha de moi, et sans prononcer un seul mot me mit des menottes. La femme voulut l'en empêcher, mais c'était en vain. Les autres se chargèrent de la retenir. Je n'eus même pas le temps de me débattre. Il était tellement fort qu'il me mobilisa avec une seule main. Je restais calme, et ne répliquai pas.
Il me fit sortir de la chambre. Tous les villageois avaient peur de moi. Ils me lancèrent des regards pleins de haine et d'amertume. Les femmes cachaient leurs enfants, car pour eux, le simple fait de voir quelqu'un de maudit leur apporterait malheur et désastre. À leurs yeux, j'étais un monstre. Je ne pouvais plus les regarder en face, tellement, je me sentais coupable.
Dans ce monde, les gens ignoraient ce que voulais dire être maudit. Ils n'avaient jamais vu quelqu'un se transformer, cependant, ils ne cessaient d'y croire. Ils donnaient des explications irrationnelles pour expliquer tous les faits surnaturels. Dans ce monde, l'inexplicable n'existait pas.
Dans ma vie, j'avais été témoin de plusieurs faits dont j'ignorais l'explication. Je ne pouvais pas expliquer le fait d'être maudit, je ne pouvais pas expliquer les pouvoirs de Craig et du mage, je ne savais pas ce qu'était un mage. En réalité, je ne comprenais rien à ce qui se passait, eux aussi d'ailleurs. Mais les gens qui me regardaient maintenant semblaient savoir des choses que moi- même j'ignorais.
Les gardes m'emmenèrent dans une grande bâtisse où un énorme portail servait d'entrée.Elle était entourée par des gardes. Je déduisis que c'était là où le Chef se trouvait.
Ils me firent entrer dans une vaste pièce où un vieil homme était assis, entouré lui aussi par des gardes. Il était bien habillé et portait des bijoux en or. C'était lui, le Chef.
Il se leva et s'approcha de moi. Le garde en uniforme blanc lui dit:
- Faites attention. Elle est dangereuse.
- Voyons, je sais ce que je fais. Contente-toi de la fermer et de faire ton travail.
Le Chef s'agenouilla devant moi, et me fixa du regard un long moment. Puis, il se leva et rejoignit sa place.
- D'après ce qu'on ma dit, vous êtes maudite. En d'autres termes, vous êtes un danger pour la survie des villageois. Je dois instaurer la paix et la sécurité au sein de ce village. Je dois éradiquer toute personne, ou plutôt toute chose qui peut nuire à sa stabilité. Vous êtes venu ici pour semer chaos et désolation, mais maintenant, vous êtes prise au piège, vous ne pouvez plus rien faire. Vous voyez ce que ça fait d'être faible.
Il se tut un moment avant d'ajouter:
- D'après la légende d'Ambra, les maudits sont ceux qui ont perdu leur part d'humanité, et sont devenus par conséquent des bêtes. Ils doivent être brûlés vifs. Leur mort apportera à notre village bénédiction et prospérité, tandis que leur survie ne nous apportera rien de bon. Monstre, avez-vous quelque chose à ajouter?
Il s'adressait à moi. C'était l'occasion où jamais de lui montrer que j'étais tout sauf un monstre. Je ne pouvais pas accepter d'être considéré comme une bête alors que je ne l'étais pas. Je répondis, d'un ton ferme, en haussant la voix. Il fallait que toutes les personnes ici présentes sachent qui je suis vraiment.
- Pour vous, toute personne qui est différente mérite la mort, toute personne qui ne vous ressemble pas doit disparaître de cette terre. Permettez-moi de vous dire que votre comportement est tout sauf juste. Vous dites que vous voulez instaurer la paix et la sérénité au sein de ce village, c'est une cause noble à défendre. Seulement, je ne vois vraiment pas ce que j'ai pu faire pour nuire à votre paix. Si comme vous dîtes, je suis un monstre, alors pourquoi je me laisse traîner dans la boue, pourquoi je ne me défends pas, pourquoi je reste ici à vous regarder parler de choses futiles, alors que j'ai la possibilité de fuir.
Je voulais en dire plus, je voulais leur expliquer que j'étais un être humain, mais j'avais peur d'aggraver ma situation. Le Chef était en train de discuter avec ces conseillers.
Il fallait absolument que je garde mon calme, et que je réfléchisse. J'étais entourée par des dizaines de gardes, de plus la porte était fermé à clé, donc, toute tentative de fuite serait vouée à l'échec.
Le Chef se leva et cria ce qui suit:
- Nous venons de délibérer. Votre sentence n'est autre que la mort!!!! Vous serez brûlée vive, demain, à la première heure!!
Il sortit de la porte de derrière. Les gardes me relevèrent avec une violence peu ordinaire et me traînèrent jusqu'au cachot. Ils me jetèrent dans une cellule, si étroite qu'on pouvait à peine s'allonger.
J'étais désespérée. Me voilà dans de beaux draps. J'étais enfermé dans une cellule, et on me fera brûler demain, à l'aube. J'avais beau chercher, je ne trouvais aucune échappatoire.
Je ne savais pas ce que j'avais fait de mal pour mériter un tel sort. Je ne voulais pas être maudite, je ne voulais causer du tort à personne. La seule chose que je voulais était de vivre comme tout le monde, de profiter de la vie. Je ne demandais pas grand chose. Je voulais simplement être libre.
Mourir de cette façon était la pire chose qui soit. Je devais souffrir le martyre avant de quitter ce monde. Mais je ne voulais pas mourir? Je voulais encore découvrir plusieurs choses, je voulais rencontrer d'autres personnes, mais maintenant, ce n'était plus possible.
Et Charles dans tout ça? Je ne pouvais pas le laisser tout seul. Il avait besoin de moi. Il était vrai qu'il était en Angleterre, mais un jour ou l'autre il reviendra et ne trouvera personne pour l'accueillir. Je voulais encore lui apprendre plein de choses, je voulais encore le tenir dans mes bras, je voulais encore passer du temps avec lui.
Dans cette vie, je n'avais connu que la misère et la précarité. Je mourrais à l'idée que ce monde était bel et bien corrompu. Je le quitterai alors que je venais à peine de le découvrir.
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