Eileen

2 minutes de lecture

 Eileen aimait lire. Elle lisait tout ce qui lui tombait sous la main : classiques, contes de fées, romans policiers, fantasy. Tout ce qui lui permettait de s’évader quelques instants de sa morne existence. Les livres et les histoires dont ils recelaient lui ouvraient des portes que personne d’autre ne pouvait voir, ni franchir. Les personnages étaient autant d’amis d’encre et de papier chers à son cœur. Mais elle n’avait encore jamais lu de livre comme celui qu’elle était en train de lire le matin de juin où commence notre histoire.

 Le soleil lui réchauffait le dos à travers la vitre de la cuisine ; le nez plongé dans les pages, la chaleur lui donnait presque l’impression de se trouver dans le royaume perdu auquel les mots donnaient vie. Eileen avait lu de nombreux livres, certains plus passionnants que d’autres, mais jamais elle n’avait été happée par une histoire de cette façon. La jeune fille ressentait chaque phrase, chaque mot au creux de son cœur. Elle pouvait voir les lieux comme si elle y avait passé sa vie – elle qui n’avait jamais quitté son village natal. Elle était incapable de poser le livre. Quitter l’histoire qui se jouait dans ses pages lui était presque douloureux.

 Le récit était pourtant d’une banalité certaine. Une histoire classique. Un prince maudit, un château ensorcelé, une terrible enchanteresse. Le parfait conte de fées, qu’Eileen vivait corps et âme.

 Les jours passaient, à l’instar des pages. L’histoire du prince Aiden ne quittait plus l’esprit de la jeune fille. L’atmosphère du royaume d’Oblivion habitait son être, et elle n’avait qu’une envie tout au long de la journée, pouvoir se saisir du livre et en franchir sa porte. Elle avait l’impression de rentrer chez elle lorsque ses yeux se posaient sur les caractères imprimés, noirs sur blanc. Eileen retrouvait les couloirs du château d’Oblivion, la musique constante jouée entre ses murs, les allées verdoyantes du parc, les écuries, les rues de la ville aperçues au loin.

 Mais surtout, elle retrouvait Aiden. C’est à travers ses yeux qu’elle découvrait le royaume et son domaine. Elle l’accompagnait dans son histoire ; les tentatives du prince pour rompre la malédiction – de plus en plus rares cependant au fil des échecs. Elle revivait ses souvenirs avec lui, mais également sa solitude, son tourment pour son royaume. Son dégoût de lui-même croissant tandis qu’il prenait conscience de ce qu’il était, de ce qu’il avait fait, de ce qu’il ne pourrait sauver.

 Eileen en avait la poitrine serrée. Elle trouvait la malédiction tellement injuste, tellement sévère. Elle aurait voulu pouvoir être aux côtés du prince, pouvoir l’épauler dans ses efforts désespérés pour protéger son peuple, pouvoir le défendre face aux traitres. Pouvoir remédier à sa solitude que même son garde attitré et le plus proche ne pouvait soulager. Pouvoir lui faire réaliser les progrès qu’il avait fait depuis ce jour funeste. Lui faire comprendre qu’il était digne d’être aimé. Mais la jeune femme n’était qu’une lectrice passive d’une histoire qui n’était pas la sienne.

Annotations

Vous aimez lire Océane.b ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0