Chapitre 1

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  Il était une fois, une naine, haute comme trois pommes, qui s’appelait Coquette.

Personnage dont la discrétion était telle qu’il lui arrivait d’être ignoré par tous, Coquette passait ses jours et ses nuits dans l’ombre à s’affairer aux tâches les plus ingrates qu’on lui imposait. Si bien qu'elle n’avait jamais eu la moindre minute à consacrer à sa propre personne... en dépit du nom qu'on lui avait donné.


  Jusqu'à ce jour, très différent des autres, où la petite femme avait trouvé du temps pour elle. Uniquement pour elle.


  Après avoir pris conscience de cette chance, elle sortit de la maison, en bordure de clairière, profiter de cette lumière si particulière. Elle cueillit une petite pâquerette, sans attendre qu'un oiseau lui apporte opportunément et se l'accrocha dans les cheveux. Impatiente de voir le résultat, elle sautilla gaiement pour rejoindre l'arrière salle, dans un silence total. En effet, elle n’avait nul besoin de musique ou de bruitages cocasses pour se laisser emporter par sa propre bonne humeur. Un large sourire remontait avec force les deux pommettes rosées de son visage. D’un pas léger et joyeux, elle arriva, jusqu'au bassin pour remplir un seau d'eau et nettoyer le carreau d'une fenêtre. Certes, elle devait se remettre aux tâches ménagères pour lesquelles elle était sans cesse reléguée. Mais il s'agissait là du seul moyen qu'elle trouva pour percevoir son reflet.


  Car il n’y avait pas le moindre miroir dans cette maisonnée. La bâtisse avait été imaginée pour des hommes, sept en tout, qui vivaient tous sous le même toit que Coquette. Et parce que leur travail les occupait toute la journée, bien loin d’ici, à la mine, leur seul besoin, une fois rentrés dans leur demeure, était de pouvoir souper et s’y reposer. Aussi, se regarder dans un miroir ne leur paraissait d’aucune utilité. Pire, c’était là des amusements de femme, chose qu’ils n’étaient pas et ne souhaitaient pas au sein de leur chez-eux. Les règles étaient ainsi faites et imposées à Coquette. Rien qu’à elle.


  Armée du seau et d’un chiffon, elle crut, un court instant, à l’arrivée providentielle d’animaux de la forêt comme autant de renforts nécessaires au labeur qui l’attendait. Ne voyant rien venir, elle s’interrogea, en repensant à toutes les scènes qu’elle avait épiées dans l’ombre. L’engouement dont avaient fait preuve les oiseaux, petits lapins et écureuils auprès de la Princesse avait été constant, et ce, sans le moindre effort ou démonstration d'autorité de la part de l’ingénue. La belle du royaume n'avait qu'à chantonner… bien sûr, c’était donc cela ! Coquette ne fredonnait rien. Or, il était évident qu’il fallait une mélodie pour attirer, en musique, les compagnons de la forêt. Mais la jeune femme à la pâquerette n’avait jamais osé faire entendre sa voix. Aussi, l’idée même de savoir qu’un son pouvait sortir de sa bouche était une épreuve de plus.


  Après un long moment d’hésitation, elle gonfla ses poumons à en faire rosir encore un peu plus ses deux pommettes toutes rondes et entonna un petit air, à peine perceptible pour atteindre les oreilles des rongeurs et passereaux des environs. Ses murmures restant sans effets, elle s’impatienta, prit le seau, le chiffon et repartit, toujours sans musique, mais en continuant de sautiller jusqu'à la première fenêtre venue pour la nettoyer… et s’y contempler.

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