Chapitre 5

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Le silence reprit sa place.

Tout comme dans la maisonnée, où le calme était revenu. Il ne restait plus qu’un peu d’ordre à remettre. Dans chacune des pièces. Coquette s’y attela, instinctivement.


  Ranger la demeure était comme un automatisme pour elle, les activités domestiques étaient d’ailleurs ce qui la définissait le mieux. À tel point qu’elle pouvait accomplir ces corvées les yeux fermés tant elle avait été accoutumée à s'exécuter derrière les ombres noires, dans la pleine obscurité et la discrétion totale. Elle était, là, dans son habitude, à l’abri de tous les regards, invisible aux yeux de tous. C’était sans doute pour cette raison que son travail était déconsidéré, voire entièrement ignoré. Et les impératifs qu’elle recevait ne pouvaient guère l’aider à valoriser ses tâches ingrates.


  Car, si son labeur solitaire restait une activité secrète, on lui avait également ordonné de conserver les espaces les plus fréquentés dans un état de propreté approximatif afin que la blanche ingénue s’illustre, elle aussi, dans cette tâche. Et Coquette, en respectant cette négligence qu’on lui imposait, faisait de la princesse une femme en tous points parfaite. Comme si être belle, gracieuse, bonne chanteuse et bienveillante ne suffisait pas, on devait lui prêter les qualités qu'appréciaient tous les hommes : celles d’une maîtresse de maison exemplaire.

  

  Sans en vouloir à celle que l’on désirait sans défaut, unique aux yeux du grand monde, Coquette regrettait son obligation de laisser ça et là des objets sales, des toiles d’araignées, des poussières stagnantes sur la table de la salle à manger, les rebords des fenêtres ou les poutres sculptées. Ces interdits qu’elle n’avait jusque là pas pu contourner lui empêchaient de rendre la maison impeccable et de rappeler à tous, son utilité, un rôle précis, et une possibilité de passer d’un statut de naine ignorée à celui de fée du logis.


  Cependant, aujourd’hui, Coquette avait décidé de profiter de cette journée visiblement très particulière. Non seulement les sept bonshommes avaient sombré dans un profond sommeil après leur fête endiablée, mais, suite au départ de la blanche héroïne, la petite femme n’avait plus aucun interdit domestique.


  Elle se hâta alors de faire le ménage dans chaque pièce de la maisonnée afin d’accomplir pleinement son travail et montrer au grand jour le résultat. Elle reprit le nettoyage de l’étagère et débarrassa les brocs ébréchés, la bouteille de pèlerin et les bols en terre cuite des mêmes poussières et toiles d’araignées. Puis elle fit couler de l’eau dans le bac pour y laver les tasses et les assiettes qu’elle avait pourtant déjà récurées. Puis elle débarrassa la table des couverts, de la vaisselle et du plat à tarte sur lequel il ne restait plus une miette, pas même pour les oiseaux. Le banquet dont les sept petits hommes s'étaient repus la veille avait été une réussite. Entremets, plats, gâteaux, desserts… de tout ce qu’avait préparé Coquette, tout avait été consommé. Seuls, quelques fruits avaient survécu au festin. Elle les rassembla pour les entreposer dans le cellier.

À cet endroit, dans l’obscurité, rien ne bougeait, ne périssait, tout était figé, immuable, invisible.

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