Chapitre 11 (Daemon)
Je ne pensais pas un jour entendre ses mots. C’est jouissif. Mais je ne suis pas dupe. Je ne l’ai pas brisé. Elle est plus solide que de la pierre. Je ne l’ai pas brisé. Je l’ai juste blessé dans sa fierté. Mais, c’est un bon début. Je suis déjà satisfait.
Il m’aura fallu 27 jours pour obtenir ses mots. Ça a été plus long que ce que je ne pensais. Elle est tenace. Je sais qu’elle va continuer à me tenir tête. Mais peut-être qu’elle n'essaiera plus de s’échapper. C’est déjà un bon point.
Je sors de la pièce sans dire un mot. J’espère qu’elle pense que je vais la laisser là. J’en frétille. Mais non. Je vais la sortir de sa cage. Elle va pouvoir rembourser tous ses repas en bossant. Mais avant ça, il faut la rendre présentable. Je ne veux pas d’une épave dans ma magnifique demeure.
Dans notre réserve, je choisis des vêtements agréables à regarder. Un crop top et une jupe. On a de tout ici. Autant me faire plaisir. Je jubile d’impatience de la voir dans ces vếtements. Mais, je dois rester professionnelle. Fini d’être déstabilisé par cette fille. Après tout, ce n’est pas sa tenue qui va me faire quelque chose. Je suis plus fort que ça.
Lorsque je passe le pas de la porte. Son visage s’illumine. Elle reprend espoir même en me voyant. Cette petite chose espère facilement. Je la détache. Ses poignets sont en sang. Son corps n’a plus sa couleur rose d’avant. Ses mains sont froides. Mais son regard n’est pas vide comme son frère. Elle est toujours pleine de vie. Et, ses yeux n’ont pas perdu leur étincelles.
Je l’emmène vers une salle de bain. Je lui somme d’entrée puis la suis. Je pose ses vêtements sur une chaise. Elle fait le tour de la pièce respirant à plein poumon ce début de liberté. Puis, incrédule, elle se tourne vers moi.
— Tu ne vas pas rester avec moi ? Me demande-t-elle.
— Bien sûr que si !
Non. Je ne vais pas rester avec elle. Mais j’adore voir son visage se décomposer. Je ne vais pas rester avec elle. Non pas parce que je n’en ai pas envie. Mais justement parce que j’en ai trop envie. Et ce n’est pas bon. Je sais que si je reste avec elle, je ne pourrais pas m’arrêter. Je risque de faire des choses que je vais amèrement regretter. Elle a trop d’emprise sur moi. Ça doit s’arrêter.
— Magne toi.
Je sors et ferme la porte derrière moi. Je m’adosse contre le mur. Me voila à l’attendre comme un petit toutou. Mais qu’est ce que je suis devenue ? Moi, le grand respecté et craint Daemon à attendre qu’une fille se douche. Je suis pathétique. Mais toujours moins pathétique que d’avoir des réactions anormales face à elle.
J’attends. Cinq minutes. Dix minutes. Quinze minutes. Vingt minutes. Elle se fout de moi ? C’est ça être rapide ? Elle continue à me prendre pour un con. Elle veut vraiment retourner dans cette pièce ? Ça ne lui a pas servi de leçon ? J’ai voulu aller trop vite. Elle m’a encore rendue faible. Elle continue de se croire supérieure à moi.
J’ouvre la porte brutalement.
— Qu’est ce que tu f….
Elle se tient la. En serviette. Les cheveux mouillés. Des gouttes d’eau perles encore sur sa peau soyeuse. Ses cheveux mouillés se plaquent contre sa peau disparaissant sous sa serviette. Et ce fin morceau de tissu qui moule délicatement chacune de ces formes est scandaleux.
On ne voit rien. Rien n’est exhibé. Mais rien d’innocent non plus. Ce spectacle qu’elle m’offre est vraiment indécent. Elle n’a pas honte ? Elle ne se cache même pas ! Pourtant elle est à moitié nue face à un homme qu’elle ne connaît pas !
Je ferme rapidement la porte. Bordel. Je cogne plusieurs fois contre celle-ci.
— Dépêche-toi de sortir ou tu vas vraiment le regretter ! Lui hurlais-je.
Je suis vraiment pire qu’un môme. J’ai de nouveau une trique d’enfer. Pourquoi ? C’est normal de bander aussi vite à la vue d’une femme en serviette ? Non. Le manque me fait juste perdre la tête. Il faut que je me calme.
Je ferme la porte à clé précipitamment. Tant pis, elle attendra. Il faut que je me calme. Je parcours rapidement les couloirs. Je ne me masturberais pas encore une fois sur elle. Plus jamais. Je ne céderai pas. Ça doit s’arrêter. Cette image, pourtant … elle tourne en boucle, tenace, brûlante. La serviette qui épouse les courbes de son corps, les gouttes d’eau sur cette peau de soie, les cheveux mouillés … Tellement sexy. Non. Il faut une autre image. Une image répugnante.
La cellule de Zack ! Parfait.
J’entre rapidement. L’odeur de renfermé et de sueur aigre me frappe de plein fouet. Il est affalé dans un coin, le visage blafard, livide. On dirait un cadavre à peine réanimé. En me voyant, il tente de se redresser. Une lueur de terreur au fond de son regard vitreux.
Désolé, j’ai besoin de me défouler.
Le premier coup par sans avertissement. Mon poing s’écrase contre sa mâchoire avec un bruit satisfaisant. Sa tête cogne contre les barreaux métalliques. Un grognement rauque lui échappe. Je l’attrape par le col de son t-shirt, le tissu crasseux se déchire sous ma poigne. Un. Deux. Trois autres coups. La chair cède. Le sang gicle. Une chaleur étrange m’envahit. Une euphorie sombre et familière.
Quel bonheur !
Mon père m’avait fourré dans un club de boxe adolescent. Pour “canaliser mon énergie” disait-il. Je ne savais pas à quel point il avait raison. Rien de tel qu’une petite séance de frappe pour se vider l’esprit. Chaque impact est un exutoire. Tout pour chasser l’image d’Aria.
Zack s’effondre, presque inconscient. Une de ses dents roule sur le sol de pierre. C’était déjà un déchet. Ça ne change plus rien maintenant. Quand Aria le verra, elle sera choquée. Mais qu’importe. Qu’il soit abîmé par des coups en plus ou non. Ça ne change plus rien.
Maintenant, ma priorité c’est moi. Le conflit avec les James est réglé. Mick se charge des Tolkins. Aria est … en partie maîtrisé. Je peux m’occuper de mon petit problème.
Je rejoins Mick devant la salle de bain. J’ouvre à Aria. Elle surgit, rouge de colère. Elle ouvre la bouche pour cracher son venin.
Mais, d’un geste de la main, je coupe court.
— Ne recommence pas avec tes mauvaises habitudes. Si je veux te faire attendre, je le fais.
Elle reste muette mais elle n’en pense pas moins. J’adore dompter cette panthère. Stop. Calme toi Daemon. On se reconcentre. Mon regard se tourne vers Mick. Il fixe toujours Aria. La dévisageant de haut en bas en reluquant sa petite tenue. Il ignore totalement ma présence. Une fille, et voila qu’il m’oublie. La rage me submerge. Il n’a plus aucun respect pour son chef celui là.
Je lui assène une tape sur l'épaule, plus sèche que prévu. Il sursaute et reporte enfin son attention sur moi.
— T’as fait ce que je t’ai demandé ? Demandais-je, la voix grave.
— Elle t’attend dans ta chambre.
Un rictus forcé se dessine sur mes lèvres.
— T’aurais qu'à te la prendre après, toi aussi t’as l’air en manque.
Ma plaisanterie ne le fait pas rire. Pire, il se tourne vers Aria avec une expression de désapprobation feinte. Il m’agace au-delà du supportable. Son attitude doit changer. Il doit cesser de se croire mon égal en sa présence.
— Emmène Aria à ma place là où je t’ai demandé. Fait moi ensuite un rapport.
Je tourne les talons en direction de ma chambre. Arrivée dans celle-ci, une silhouette familière m'attend. Elle est allongée sur le lit vếtue seulement d’un ensemble de lingerie noire qui contraste avec sa peau pâle. Ses longs cheveux ébènes sont éparpillés sur l’oreiller. En me voyant, un sourire assuré étire ses lèvres.
Enfin ! Je vais pouvoir reprendre une vie normale et arrêter le favoritisme face à Aria. Ce n’est qu’une fille parmi tant d’autres. J’ai juste besoin d’une bonne nuit de divertissement. Je vais pouvoir me reconcentrer sur mes projets.
— Salut Daphnée, ça faisait longtemps. Lui dis-je en m’approchant d’elle.
Elle ne répond pas. Un silence de plomb s’installe, rompu seulement par le cliquetis métallique de ma ceinture que je défais. Je laisse mon pantalon tomber à mes pieds. Mon cœur bat la chamade, mais ce n’est pas l’excitation qui le fait s’emballer. C’est une rage sourde. De la frustration.
Je m’approche du lit. L’odeur sucrée de son parfum, un parfum que j’ai toujours aimé, me parvient. Aujourd’hui, elle me semble écœurante. Je saisis sa chevelure, non pas avec passion, mais avec une impatience brutale, et l’attire vers mon entrejambe.
— Fais-moi oublier, grogné-je.
Elle comprend l’ordre. Sans un mot, elle prend ma verge molle dans sa bouche. Sa langue est experte. Elle connaît chaque recoin, chaque point sensible. Ce n’est pas ma pute préférée pour rien. Elle alterne les coups de langue lents et profonds avec des succions précises. Ses mains remontent le long de mes cuisses, cherchant à stimuler, à provoquer une réaction.
Mais rien. Mon corps reste étrangement inerte. Indifférent à son savoir-faire. Une image s’impose, tenace, derrière mes paupières closes. Aria, en serviette, les cheveux mouillés collés à sa peau, des gouttes d’eau perlant sur ses épaules. Ce n’était pas une invitation. C’était un affront. Et pourtant, c’est cette image-là, et elle seule, qui fait frémir mon sang.
Frustré, je pousse un juron et la repousse avec plus de violence que prévu.
— Putain, lèche-moi en même temps ! Arrête de jouer avec moi !
Elle sursaute. Une lueur de peur traverse son regard assuré. Elle s’exécute, redoublant d’efforts. Sa langue enlace ma chair avec une servilité soudaine. Ses gémissements, qu’elle force un peu, sont censés m’exciter. Ils ne font qu’accentuer mon malaise. Ces sons, ce spectacle… tout me semble faux, mis en scène, indigne de comparaison avec le souvenir brûlant et involontaire d’Aria.
Exaspéré, je la repousse une nouvelle fois.
— Touche-toi. Ordonné-je, la voix étranglée.
Sans protester, elle s’allonge. Sa main descend le long de son ventre. Elle se caresse d’abord par-dessus le tissu noir de sa culotte, dessinant des cercles lents. Puis ses doigts glissent en dessous. Ses yeux se ferment. Ses gémissements deviennent plus aigus. Plus authentiques. Elle écarte les jambes, offrant le spectacle de son propre plaisir.
Je me prends en main. Je me frictionne avec une énergie désespérée, les yeux fixés sur elle. Je vois Daphnée, belle, disponible, experte. Mais je ne pense qu’à Aria. Le contraste entre la nudité offerte de l’une et la pudeur interdite de l’autre est un poison. L’une est un remède qui ne fait plus effet, l’autre est le mal dont je veux guérir.
— Je ne t’excite pas, Daemon ? Lance-t-elle soudain, ouvrant un œil et affichant un sourire teinté de défi.
Je l’attrape par les cheveux avec une force nouvelle et la projette violemment contre le mur. Le choc sourd de son corps contre la pierre froide résonne dans la pièce. Un cri de terreur lui échappe.
— Non, non ! Je ne voulais pas te contrarier ! Pardon, Daemon, pardon ! Pleurniche-t-elle, les yeux pleins de larmes.
La rage est aveugle. Je lui assène un coup de pied dans les côtes. Elle se recroqueville sur elle-même, sanglotant.
— Dehors ! Maintenant ! Hurlé-je.
Elle ramasse ses vêtements en tremblant et se précipite hors de la chambre, laissant derrière elle le silence et l’odeur de son parfum mêlée à celle de ma propre sueur.
Une fois seul, je cogne à plusieurs reprises le mur. Le désespoir m’envahit. Je regarde mes mains couvertes de sang. J’ai tout essayé. La violence. Le sexe. Rien n’y fait. L’image d’Aria est gravée dans mon crâne, plus réelle, plus puissante que n’importe quelle présence physique.
Putain, qu’est-ce que je dois faire ?
La question tourne en boucle dans le silence. Et je reste sans réponse.

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