Un Esprit Sain dans un Corps Sain

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Cet aphorisme m’a toujours enchanté.

Sa simplicité et sa logique sont empreintes d’une sagesse essentielle et inspirante. Mais si, comme presque tout le monde, je pense savoir ce qu’est un Corps sain, il est plus difficile de bien concevoir l’Esprit sain.

Il est facile d’expérimenter différents états du corps à partir du moment où l’on se pose la question de sa santé. Le sport et l’alimentation sont deux voies d’accès très simples à mettre en œuvre pour ressentir la différence entre un corps sain et un corps malsain. Malgré tout, perfectionner ce ressenti demande un travail subtil car il faut être capable de se débarrasser au quotidien de toutes ces substances qui nous anesthésient, (dissimulent nos douleurs), et nous stimulent (dissimulent notre fatigue). En retrouvant un peu notre sensibilité profonde, nous devenons plus aptes à remettre en question les dogmes du corps (régimes, médicaments, sports à outrance, machines…) néfastes à notre santé.

Mais quelle peut-être la conception exacte d’un Esprit sain ?

La première chose qui me vient à l’esprit c’est un esprit avant tout dépourvu de troubles psychologiques, psychiatriques pervers ou morbides. À cela je rajouterai un esprit qui n’est pas immoral.

Jusque là je pense que l’on peut objectivement s’entendre, mais il manque quelque chose… Et ce quelque chose pourrait avoir un lien avec ce que l’on nomme « l’Intelligence ».

Mais qu’est ce que l’Intelligence, et plus encore la « Saine Intelligence » ?

Ici, nous admirons les démonstrations d’érudition ou les prouesses mathématiques. Il faut réfléchir vite toujours plus vite et savoir plus, toujours plus. Nous sommes donc éduqués dans un esprit de compétition intellectuelle quasi-permanente.

Pourtant, qu’il s’agisse de réciter un grand nombre de décimales de Pi, ou tous les noms des Rois de France dans l’ordre, cette « intelligence » de l’érudition ne repose essentiellement que sur la capacité de telle personne à mémoriser un stock de données. La mémoire est une bonne base pour l’intelligence, au même titre que l’argile pour le potier. En tout domaine c’est vrai qu’il faut disposer de matière première pour travailler, et on peut dire que la mémoire est ce stock brut dont peut se servir « l’intellectuel », mais posséder un gros stock d’argile ne signifie pas pour autant qu’on saura en faire quelque chose d’intéressant. C’est une chose d’avoir de la matière mais encore faut il savoir la travailler : La façonner. À l’inverse, un bon artiste peut faire des merveilles miniatures avec très peu de chose.

Sans doute l'esprit sain est comme le corps sain qu'il imprègne : il ne consomme pas de mauvaise nourriture, ne s’alourdit pas de connaissances inutiles. Il ne pense pas qu’il faut tout savoir, sans savoir pourquoi il apprend. Sa mémoire ne doit pas être bedonnante, goinfrée de tous les déchets mentaux qui nourrissent son égo mais affament son bonheur, car ce dernier ne se trouve pas dans l’image que les autres ont de lui.

J’en déduirai dans un premier temps que la mémoire est largement surestimée dans la vision que l’on a de « l’Intelligence » et qu’il faut donc chercher plus loin.

On peut commencer à aborder la question de la réflexion, qu’elle soit analytique ou synthétique elle apparaît comme un moyen de façonner cette matière mentale que l’on pioche dans le sac de la mémoire. Elle associe, dissocie, compare, comprend, conclut etc, et on pourrait commencer à se dire que l’intelligence véritable réside dans la puissance de ces processus : dans cette efficacité propre à chacun, à manier les concepts entre eux. Au delà de ça il y a aussi la capacité à créer de nouveaux schémas, à inventer de nouvelles solutions face à des situations, connues ou inconnues, grâce à cette force incroyable qu’on nomme l’Imagination. Mais cet humble aperçu mécanique de la chose ne saurait-être ni précis, ni complet, face à la complexité des phénomènes qui se jouent ici, et le but de cet article n’est pas de dresser un portrait scientifique de l’intelligence, mais bien plutôt un portrait Philosophique.

Donc,

Même si nous ne savons pas en expliquer précisément les causes sous-jacentes, au quotidien nous sommes capables de reconnaître l’intelligence par ses moyens (Eloquence, érudition, vocabulaire étendu, déduction, calcul mental etc…). Mais un moyen implique une fin.

Et si cette fin est inintelligible, pouvons-nous continuer à penser, comme nous l’avons fait jusque là, que seuls les moyens définissent l’intelligence ?

Prenons deux exemples :

  • Écoutons deux musiciens. L’un est capable de prouesses techniques incroyables. Il connaît le solfège et les gammes sur le bout des doigts. Il peut faire jouer ses doigts à une vitesse effrayante sans jamais se tromper. L’autre ne connaît que 4 accords, il ne joue pas vite, son tempo n’est pas irréprochable, et pourtant sa musique est profonde et touchante, contrairement au premier. Alors qui est le meilleur musicien ? Le prodige qui a toute la technique, et la théorie, ou celui dont vous aimez la musique ? Qu’est ce qui importe, les moyens ou la fin ?
  • Dans la fable le lièvre et la tortue, le lièvre a les moyens de la vitesse, pourtant c’est la tortue qui gagne la course. le lièvre est peut-être plus rapide, mais il est quand même et à jamais plus lent que la tortue. Peut-on en déduire que posséder les moyens n’implique pas que l’on en fasse un bon usage, et que c’est la fin qui détermine la qualité de cet usage. Autrement dit : affirmer que la tortue est plus rapide que le lièvre vu qu'elle a gagné la course ?

Dans ce cas, posséder des moyens intellectuels ne signifierait pas forcément être intelligent. On peut avoir une très bonne mémoire et pourtant tenir un raisonnement tout à fait illogique et au contraire avoir un raisonnement juste et cohérent sans pour autant être cultivé ou érudit.

L'intelligence gagnerait elle donc à être définie comme : "La capacité à parvenir à ses fins par des moyens intellectuels" ?

Mais,

Il y a encore un hic dans cette définition. En effet, à ce stade nous ne touchons toujours pas la dimension Philosophique de l’Intelligence…

Car quelles peuvent être les fins de ces moyens intellectuels que j’évoque depuis tout l’heure ? Argent, gloire, plaisir... et quoi d'autre ?

Par exemple, peut-on dire qu’une personne riche est forcément intelligente, car en théorie tout le monde veut être riche, donc il faut être plus malin que les autres pour faire fortune ?

Mais combien de personnes riche et célèbres sombrent dans la dépression et l’addiction aux drogues ou à l’alcool ? Combien de Picsou si seuls et malheureux qu’il leur paraît impensable de donner ne serait ce qu’un centime ? Combien de politiciens diplômés véreux, corrompus ?

Combien d'autres personnes plus modestes, de bonne intelligence, mais rongés, malades, tués douloureusement à petit feu par le confort de leur canapé, le plaisir de leur cigarette, le stress de leur travail, ou la noirceur de leur sentiments ?

Faire de sa vie un cercle de souffrance et de destruction que l’on inflige aux autres et à soi-même, est ce là ce que l’on peut appeler de l’intelligence ?

De cette question nous atteignons peut-être enfin l'aspect philosophique qui échappe si souvent à la définition qui nous intéresse. Car la véritable intelligence ne devrait-elle pas avoir sa part de sagesse intérieure ?

Si l’homme n’est pas capable de discerner l’enjeu de son véritable bonheur, est il vraiment intelligent au fond ?

Si tel est le cas, alors la définition la plus valable de l’intelligence, et donc d’un esprit sain, pourrait bien être la capacité d’un individu à comprendre à quoi tient son bonheur.

Comprendre le bonheur. Être heureux, même dans l’adversité. Envers et contre le monde et malgré les vicissitudes. Peut-on entreprendre quelque chose de plus sain et intelligent ?

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