Chapitre 92

9 minutes de lecture

Layla

J'ai eu beau dire à Alexis que c'étaient de petites réunions qui m'attendaient aujourd'hui, je sors bien fatiguée de cette première journée de déplacement à Libourne. Globalement, les choses se sont plutôt bien passées. La réunion de chantier nous a cependant pris toute la matinée, même si le responsable des travaux l'avait bien préparée. Il a fallu tout pointer, tout vérifier. Bien que lui accordant notre confiance, Laurent préférait qu'on passe tous les points en revue. J'ai été attentive, car c'est un bon entraînement pour moi pour le suivi des travaux en Ardèche.

Nous avons terminé tard, il était près de 18h30, mais nous avons tous la satisfaction d'avoir bien avancé, notamment lors du comité de direction, pour préparer le CE du lendemain. Je rentre sans tarder et je suis à peine arrivée à la maison que nous passons à table.

Mon père se retient de me poser des questions sur ma journée de travail, maman lui a sans doute fait la leçon. J'en souris intérieurement et évacue le sujet en quelques phrases, suffisamment précises pour que papa ait ainsi connaissance des éléments importants, puis nous changeons rapidement de sujet. Je tiens à parler avec eux de l'organisation des fêtes de fin d'année, et notamment d'un projet que je mûris depuis qu'Alexis m'a fait part de l'arrangement trouvé avec les médecins de Vals-les-Bains. Il va bénéficier de la semaine du Nouvel An en congés, et nous pensons donc venir la passer ici, ce qui me permettra de me rendre à l'usine dès le 2 ou le 3 et de présenter mes vœux au personnel. Comme il travaillera la semaine de Noël, j'envisage d'être avec lui à Aizac. Pauline et Aglaé nous y rejoindront. Mais ce que j'espère surtout, c'est que mes parents acceptent de venir aussi à Aizac, pour ce Noël, de même que mon frère. Justine nous a déjà fait savoir qu'elle ne serait pas avec nous pour le réveillon de Noël, qu'elle le fêtera dans la famille de Luc.

- Papa, maman, je voulais profiter de ce déplacement aussi pour vous parler des fêtes de Noël.

- Bien sûr, Layla, dit maman sans rien ajouter de plus : elle a compris qu'il ne servait à rien de prendre les devants et de vouloir proposer de faire comme d'habitude.

- Voilà, Alexis ne peut se permettre de prendre beaucoup de congés pour cette première année d'exercice, vous le savez. Il s'est cependant arrangé avec les deux médecins de Vals et ils vont alterner à deux praticiens sur trois semaines, afin que chacun d'entre eux puisse bénéficier d'une semaine de congés autour des fêtes.

- C'est un bon arrangement, fait remarquer papa. Mais cela fera de bonnes journées à ceux qui seront en exercice, surtout au moment des vacances.

- Tout à fait. Alexis s'attend à devoir gérer plus de cas d'urgence, type bronchites, angines, voire grippe si l'épidémie se déclare, que des suivis de patients. Il a d'ailleurs prévu de ne pas faire de visites à domicile, sauf nécessité absolue, car il devra absorber une partie de la patientèle de ses collègues.

- Et donc ? demande maman. De quelle semaine de congés va-t-il bénéficier ?

- Celle du Nouvel An. Il travaillera pour Noël. Enfin, pas le 25, précisé-je, mais le 24 oui.

- Vous ne pourrez pas être avec nous cette fois encore, soupire maman.

- En effet. J'avais cependant quelque chose à vous proposer.

Je les regarde l'un après l'autre, percevant bien leur intérêt.

- Pourquoi ne viendriez-vous pas avec Gabin, Margot et les enfants à Aizac pour Noël ? Je pourrai demander à Serge de vous conduire tous les deux, et Gabin viendrait de son côté. Je crois que les enfants et particulièrement Maxime, seraient ravis de revenir à Aizac. Et si cela fait comme l'an passé, nous aurons peut-être un peu de neige sur la montagne. Cela donnera vraiment une ambiance de Noël.

Ma mère jette un regard à mon père, celui-ci demeure silencieux un moment, puis dit :

- Après tout, pourquoi pas ? Mais seulement si mon médecin accepte que je fasse ce déplacement.

- Cela fait beaucoup de route, en effet, surenchérit maman.

- Serge pourrait faire la route sur deux jours, que vous dormiez à l'hôtel à mi-parcours, proposé-je.

- Hum... Cela commence à ressembler à une expédition, dit maman en fronçant un peu les sourcils. Mais nous verrons avec l'avis du médecin, ajoute-t-elle en tendant la main vers papa.

Il lui sourit doucement.

- Parles-en avec Gabin, dit-il. Que Margot ne prévoie pas autre chose dans la foulée, qu'ils puissent rester quelques jours. Et tu as raison de dire que les petits ne sont pas allés aux Auches depuis longtemps.

- Maxime n'en a même pas souvenir, précisé-je.

- Et pour la semaine de vacances d'Alexis, vous avez prévu quelque chose ? demande encore papa.

Je suis presque étonnée de sa question, je m'attendais à ce que ce soit maman qui la pose. Il a été plus rapide qu'elle et pour quelque chose qui a trait au quotidien, pas au travail.

- Oui, dis-je. Nous pensions venir ici, avec vous. Pour passer le Nouvel An avec vous comme l'année dernière. Et j'en profiterai pour présenter mes vœux à Libourne.

- Bien, dit maman. Et... Excuse-moi, ma chérie, mais sa famille ? Alexis ne souhaite pas la voir ?

- Sa famille réside en Normandie, comme je vous l'avais dit. Cela fait loin en cette saison et pour quelques jours seulement, car de toute façon, il me faudra redescendre à Libourne début janvier. Quant à sa mère, elle ne quitte quasiment jamais l'Allemagne. Nous essayerons de nous organiser pour aller la voir l'an prochain, à la faveur d'un week-end prolongé par exemple.

Maman hoche la tête, mais n'ajoute rien. Je peux cependant deviner une autre question qu'elle se pose : "Depuis quand Alexis n'a-t-il pas vu sa mère ?"

Alexis

Nous sommes dimanche en milieu d'après-midi. J'ai passé un week-end assez reposant. Hier, j'ai fait la randonnée du volcan. C'est facile, le chemin passe en contrebas du gîte, je n'ai même pas à amener la voiture quelque part. Le temps était humide, frais. J'ai bien marché. J'ai pris aussi quelques photos pour les envoyer à Layla et à Aglaé.

Ce matin, j'ai fait un tour à Vals : le marché du dimanche est vraiment pratique pour moi, car j'y achète une bonne partie des produits dont j'ai besoin pour la semaine, et notamment des légumes et des fruits. A mon retour, je suis monté aux Auches. J'ai décidé d'y passer la journée et la nuit. J'alterne au fil des jours, en fonction aussi du temps, de ma fatigue. En général, j'y demeure en fin de semaine et un soir, le mardi ou le mercredi.

Après avoir cuisiné, je passe un peu de temps dans le jardin, à tailler quelques arbustes, et même quelques branches de châtaigniers qui commencent à pendre un peu bas au-dessus de l'allée. Cela fera quelques bûches pour le prochain hiver. La provision de bois de Layla avait bien diminué et Samuel et ses fils ont apporté un plein chargement il y a un mois. Depuis, quand j'ai un peu de temps et que la météo s'y prête, je passe une ou deux heures le week-end à le ranger sous la terrasse. Il m'a fallu d'abord retirer tout le "vieux" bois qui restait, pour y piocher d'abord, avant de commencer le rangement.

C'est de la saine activité. Je ne peux pas aller donner le coup de main à Samuel, ni même aux ramasseurs de châtaignes comme je l'avais fait l'an passé. Cet automne, j'ai cependant arpenté la châtaigneraie de Layla pour en ramasser quelques kilos.

Je regagne la maison alors que la lumière commence à décliner. Je me prends une bonne douche, puis m'installe au salon avec un livre et un thé bien chaud. J'ai allumé le poêle et il y fait bon. Plongé dans ma lecture, je ne vois pas le temps passer et suis surpris en entendant la sonnerie de mon téléphone que j'ai bêtement laissé à l'étage. J'y grimpe et décroche juste à temps avant qu'il ne bascule sur le répondeur.

- Alexis !

- Layla, ça va ?

- Oui, et toi ? Je me suis dit que tu étais encore dehors !

- Non, pas à la nuit tombante quand même, ris-je. J'étais au salon, en train de lire, et c'est juste que mon téléphone était resté à l'étage. Tu vas bien ?

- Oui. Serge m'a déposée il y a moins d'une heure à l'appartement. Il était venu me chercher à la gare.

- C'est gentil.

- Il est très prévenant, tu sais.

- Oh oui ! J'ai déjà eu l'occasion de le constater... Tes parents vont bien, alors ?

- Oui. Papa un peu fatigué, mais je m'attendais à pire, sachant qu'il n'avait pu faire le déplacement pour l'inauguration de l'usine. Et maman, ça va, toujours pareil.

- Tu t'es reposée quand même ?

- Oui, hier, je n'ai rien fait ! Enfin, juste un petit tour de jardin avec maman. Et nous avons cuisiné un peu ensemble ; de temps en temps, elle aime bien le faire. Tu sais, le week-end, c'est elle qui se met aux fourneaux.

- Bon, c'était un programme relaxant, en effet. Surtout que tu voyageais aujourd'hui.

- Oui, mais par le train, c'est moins fatiguant que la route. Et moins long. Qu'as-tu fait aujourd'hui ?

- Le marché ce matin, puis un peu de jardinage. Du bois, surtout. Je pense que j'aurai fini le rangement le week-end prochain.

- Bravo ! C'est gentil d'y avoir veillé...

- Layla... Si tu veux que cette maison devienne la mienne, c'est normal que je commence à m'en occuper. Et comme il y a surtout à faire à l'extérieur...

- C'est vrai, et ça me touche.

Je souris avec tendresse.

- Et puis tu sais, ça me fait du bien de m'activer au grand air. Ca me change du cabinet médical et ça me permet de lutter contre les éventuels microbes de mes patients !

Elle rit. Puis reprend :

- J'ai pu profiter de mon séjour pour parler aussi de Noël, avec mes parents. Ils sont d'accord. J'ai téléphoné à Gabin, il voit avec Marion, mais normalement, ils pourront venir aussi. Reste à peaufiner l'organisation de leur déplacement : je fais confiance à ma belle-sœur pour cela. L'inconnu, c'est l'état de santé de papa : s'il pourra supporter le voyage ou pas, même sur deux jours.

- D'accord.

- Donc on peut déjà sérieusement envisager de passer Noël en famille, aux Auches, avec Pauline et Aglaé.

- C'est chouette, souris-je. Cela va venir vite maintenant.

- Oui, dans deux semaines, ce sera le début des vacances ! Je ne sais pas encore si je vais venir par le train, ou si je ferai le voyage avec Serge, puis avec mes parents. J'envisage cette option s'ils peuvent faire le déplacement, cela rassurera maman, et je pourrai relayer Serge. Maman n'aime pas beaucoup conduire sur les longs trajets et surtout pas cette voiture qu'elle trouve trop grosse et trop puissante ! Mais il faut un peu de puissance pour affronter les routes de montagne...

- C'est juste. Bon, attendons donc des nouvelles du côté de tes parents, et on adaptera ensuite. Je verrai avec Julien pour les commandes de viande. Si nous sommes nombreux durant plusieurs jours, il faudra prévoir...

- Tu sais si ça avance avec Pauline ?

- Oui, elle ne m'en a pas vraiment parlé, mais elle m'a juste dit qu'elle était heureuse de cette occasion de revenir à Antraigues, qu'ils se verraient certainement. Et Julien, de son côté, m'a confirmé qu'ils se téléphonaient souvent. Et qu'il n'y a pas que lui à appeler en premier. Je pense que c'est bon signe.

- J'en suis heureuse, soupire Layla. Ce serait vraiment une bonne chose pour tous les trois ! Et dis-moi... Il faudra veiller à faire une bonne provision de saucissons pour Aglaé !

- Je suis certain que Julien en a mis quelques-uns déjà à sécher, en prévisions...

Layla rit à nouveau et moi aussi. Puis nous échangeons quelques mots tendres, des encouragements pour le début de semaine : il lui reste deux semaines de travail bien remplies à Paris, avant de pouvoir souffler. Avec là aussi, un comité central d'entreprise, bien plus important que celui de Libourne, puisqu'il concernera tout le groupe.

Quand je raccroche, mon regard se perd un moment dans les flammes du poêle. Du fait d'une fin d'année bien chargée, Layla n'a pas pu revenir à Antraigues depuis le lancement du chantier, c'est à chaque fois Maïwenn qui a fait le déplacement et le relais entre elle, le maître d'œuvre, le responsable de chantier et les artisans. Mais dès le début janvier, elle pourra venir régulièrement.

Et cela me rend très heureux.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Pom&pomme ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0