Chapitre 102

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Layla

- Hum, ça fait du bien...

Je tends les mains vers le feu. Même si le fond de l'air est doux en cette fin avril, Alexis a prévu et a relancé la cheminée ce midi, pour qu'à mon arrivée ce soir, je me fonde dans mon cocon. Serge et moi avons pris le premier train ce matin, puis il m'a conduite jusqu'à Ucel et Labégude pour que je puisse participer aux réunions de chantier hebdomadaires. Il m'a ensuite déposée à Antraigues où j'ai retrouvé Alexis à la fin de sa journée.

A Ucel, le chantier s'achève : il ne reste que des finitions dans les bureaux. La livraison des machines est prévue pour la semaine prochaine, avec leur installation dans la foulée. La phase de test devrait démarrer au cours de la semaine du 13 mai.

Pour ma part, une période un peu particulière s'annonce : je ne vais pas remonter à Paris avant un bon moment. En effet, ce week-end est celui de Pâques et nous allons recevoir la mère d'Alexis et son beau-père. Ils vont demeurer quelques jours avec nous. J'ai pris deux jours de congés pour profiter de leur séjour, j'assisterai à la réunion de chantier en fin de semaine prochaine, puis nous partirons pour Montussan pour y fêter l'anniversaire de maman et le mien, avec un peu d'avance. Alexis a prévu à son tour de prendre quelques jours de congés pour faire le pont du 1er mai. Il s'est arrangé avec les médecins de Vals, ils ont pu se répartir les ponts de mai entre eux trois, un peu comme ils l'avaient fait à Noël. Je resterai à Libourne jusqu'au 7 mai, pour les réunions mensuelles, et je reviendrai à Aizac pour le week-end prolongé du 8 mai. Me voilà donc loin de Paris pour au moins trois semaines.

Les bras d'Alexis s'enroulent autour de ma taille, il me serre tendrement contre lui. Je ferme les yeux et savoure. Puis je me retourne, noue mes bras autour de son cou et l'attire vers moi. Nos lèvres se trouvent sans s'être cherchées et notre baiser se fait profond, délicieux.

La chambre nous accueille sans tarder, nos vêtements finissent vite éparpillés sur le sol. Nos corps se frôlent, nos mains les parcourent avec une lenteur mêlée d'impatience.

Je le pousse doucement vers le lit, il s'assoit et me fixe. De ce regard chargé d'amour, de désir, de tendresse. De ce regard qui me fait fondre et me met à genoux.

D'ailleurs, à genoux, j'y suis. Je lève les yeux vers lui, notre échange muet dit tout : l'attente, le désir, l'espérance, le respect.

Et l'amour.

Alexis

- Ils arrivent.

Layla tourne la tête vers moi, sa main glisse dans la mienne. Nous nous trouvons à Antraigues, assis à la terrasse de "La Montagne" et profitons de ce doux soleil de fin avril. Ma mère et Hans ont atterri ce matin à Lyon et après avoir récupéré une voiture de location, ils ont pris la route. Ils vont arriver par Privas, c'est l'itinéraire le plus court, mais pas forcément le plus facile, avec beaucoup de virages.

Nous avons fait quelques courses ce matin, Layla et moi, prenant notamment pas mal de provisions à Julien : Hans, en bon Allemand, aime la viande. Puis nous nous sommes installés chez Mariette pour un petit café, attendant l'appel de ma mère pour nous prévenir qu'ils approchaient. Nous quittons donc la terrasse et descendons jusqu'au cabinet médical : c'est là que nous nous sommes donné rendez-vous : j'ai précisé à ma mère que ce serait facile à trouver, en bas du village.

Ils arrivent en effet peu après. Cela fait des années que je n'ai pas vu ma mère et c'est assez bizarre comme sensation. Un peu émouvant aussi. Elle sort la première de la voiture et s'avance aussitôt vers nous. Nous nous faisons la bise, puis je lui présente Layla :

- Maman, voici Layla. Layla, maman.

- Enchantée, Madame Dieter. Avez-vous fait bon voyage ?

- Enchantée de faire ta connaissance aussi, Layla. Oui, le voyage s'est bien passé. La fin de route un peu tortueuse, mais nous nous y attendions. Et c'était très joli.

Hans s'approche alors, me serre la main. Je lui présente Layla à son tour. Il parle un peu français, pas très bien, mais arrive à le comprendre. Pour ma part, je baragouine juste un peu d'allemand, ce qui fait que ma mère s'emploie à traduire lorsque nous sommes en présence l'un de l'autre. Layla quant à elle parle bien allemand et cela va faciliter les choses, Hans se sentira moins à l'écart, je pense.

Nous ne nous attardons pas à Antraigues, nous y repasserons dans l'après-midi, et nous partons pour les Auches. Layla conduit, sans se presser pour qu'ils puissent nous suivre aisément tout en admirant le paysage. En arrivant à la maison, je vois bien que ma mère est impressionnée.

- C'est vraiment très beau... Quelle belle maison !

- Et encore, maman, tu n'as pas vu l'intérieur, souris-je. Layla l'a très bien fait restaurer. Entrez donc. On prendra le repas sur la terrasse, vous pourrez admirer la vue plus longuement.

Nous les faisons entrer et visiter la maison. Ils vont dormir dans la chambre de Tantine.

- C'est une belle restauration, dit maman alors que Hans approuve.

- Merci, dit Layla. Cela me tenait à cœur de garder cette maison et de la rendre agréable à vivre, tout en conservant ce qui faisait son charme et aussi, comme le dit Alexis, son âme.

- C'est une maison familiale ? demande Hans en s'adressant directement à Layla.

- Oui, répond-elle. C'était la maison des grands-parents de mon père et surtout de ma grand-tante. Je tenais à la garder.

Hans me semble impressionné par la grande cheminée : nous y referons du feu si nécessaire, mais le temps s'annonce beau pour le début de leur séjour. Néanmoins, une petite flambée le soir est toujours agréable. Nous les invitons ensuite à s'installer pendant que nous préparons le repas. C'est rapide : grillades, salade de pommes de terre et tarte aux fraises que nous avons achetée à la boulangerie ce matin.

Puis nous gagnons la terrasse, leur réservant les places qui offrent la plus belle vue.

**

L'après-midi, nous leur faisons faire un petit tour des alentours : Aizac, la vallée de la Besorgues, Vals-les-Bains, puis retour à Antraigues. Les champions sont là et alors que Layla discute avec ma mère et son mari, à la terrasse de "La Montagne", j'accepte de faire une ou deux parties. Pas plus, mais cela faisait un moment que je n'avais pas joué et je suis toujours heureux de leur accorder un peu de mon temps. Puis je rejoins les miens.

- Le musée sera ouvert dans la semaine ? demande maman et désignant la belle bâtisse qui abrite le musée Jean Ferrat.

- Oui, dis-je. Vous pourrez y aller un matin, si vous voulez.

- Le village est très joli, dit Hans, se hasardant à parler en français. Très beau.

Layla sourit : elle est toujours heureuse d'entendre des compliments sur son pays, surtout que je sens que Hans est vraiment sincère. C'est très différent de chez lui, même s'il y a aussi de très jolis villages et belles maisons anciennes en Allemagne.

- Quel est le programme des jours à venir, Alexis ? me demande maman. Tu me disais que tu travaillais en début de semaine...

- Oui, nous avons convenu Layla et moi que comme elle était en vacances jusqu'à mercredi, elle vous accompagnerait pour des balades. Vous ne pourrez pas avoir meilleure guide. Quant à moi, je ne travaillerai pas jeudi et vendredi, on se relayera ainsi et je pourrai être avec vous pour la fin de votre séjour. Cela m'arrangeait d'ailleurs, car comme je ne pourrai pas passer à la maison de retraite la semaine prochaine, puisque nous serons à Montussan, je pourrai le faire demain. En cette saison, c'est surtout du suivi de pathologies lourdes que je fais.

- Cela te plaît toujours ?

- Oui, bien sûr. Je vois des cas différents : des personnes âgées, comme des plus jeunes. Et je peux faire un vrai suivi de mes patients, c'est très appréciable. Cela me convient bien mieux que les urgences.

- Alors, c'est bien.

Layla repose son verre et dit :

- Demain, nous irons faire le marché à Vals, vous verrez qu'il est assez typique, d'autant qu'avec la belle saison, il est plus achalandé qu'en hiver. Les commerçants de la vallée du Rhône commencent à arriver avec leurs productions. Puis nous vous emmènerons sur le plateau, vous verrez des paysages différents. Lundi, je vous ferai voir la haute vallée, vers Jaujac, le pont du Diable, Thuyets. Et mardi, nous irons faire les gorges : en cette saison, c'est très agréable et en milieu de semaine, il y a peu de monde. Si vous le souhaitez, nous pouvons réserver pour la visite de la grotte préhistorique.

Maman traduit pour Hans qui accepte bien volontiers. Layla poursuit :

- Et mercredi, je vous emmènerai au château de Boulogne et vers le col de l'Escrinet. Comme vous y êtes passés ce matin, nous reviendrons par une autre route. Et en fin de semaine, Alexis vous emmènera plutôt dans la vallée, voir les villages de Voguë, Balazuc, Ruoms, Alba et son site gallo-romain, Saint-Thomé... Vous aurez ainsi un bon aperçu de la région, des villages et des différents types de paysages qu'elle offre.

- C'est un beau programme, dit Hans avec le sourire.

Layla

J'ai bien senti plus de distance entre Alexis et sa mère notamment, qu'avec son oncle et sa tante, lorsqu'ils étaient venus l'été dernier. Ils agissent comme des personnes qui ont un lien, sans se connaître vraiment. J'ai un peu l'impression que nous nous comportons les uns et les autres avec diplomatie et urbanité, mais sans réelle chaleur. Ils sont cependant agréables et Hans est loin d'être antipathique. Il a été visiblement soulagé d'apprendre que je parlais bien allemand et je n'hésite pas à échanger avec lui. Lors des journées que je vais passer avec eux, c'est d'ailleurs en allemand que se fera l'essentiel de la conversation. Il se montre curieux de mon pays, plus que je ne m'y attendais. Et plus que la mère d'Alexis d'ailleurs, même si l'endroit lui plaît.

J'ai néanmoins le sentiment qu'ils sont venus là un peu par obligation, pour voir Alexis, et aussi pour faire du tourisme. Je pense cependant qu'il était important qu'Alexis puisse voir sa mère et qu'elle puisse prendre la mesure de la nouvelle vie de son fils, ici, en tant que médecin, mais aussi en étant mon compagnon. Faire la connaissance de Marie-Claire et de Hans était devenu une nécessité, voire une obligation, à mon sens.

Nous avons passé une bonne journée sur le plateau, dont les paysages les dépaysent moins, avec leurs pentes douces, les monts qui surgissent, les champs et les forêts qui ne sont pas sans rappeler les forêts allemandes. Le fond de l'air est encore bien frais en altitude, ce qui ne nous empêche pas de faire quand même de jolis arrêts et quelques balades, notamment au Mont Mézenc, à Issarlès et à Sainte-Eulalie. Nous rentrons par la route de Burzet et nous arrêtons à la cascade du Ray-Pic.

La soirée se déroule agréablement, mais nous ne nous attardons pas : nous avons fait beaucoup de route aujourd'hui, de nombreux arrêts et je sens bien que mes "beaux-parents" sont un peu fatigués.

**

- Ca va ?

Alexis se tourne vers moi et me regarde, un peu pensif. Nous sommes dans la chambre, allongés dans le lit et plongés dans nos pensées, après l'amour.

- Oui, ça va. Ca se passe plutôt bien, non ?

- Oui, je trouve. Hans et ta mère ne sont pas des gens désagréables, dis-je. Et ils ont l'air d'apprécier ce qu'on leur propose.

- Tu ne vas pas t'ennuyer avec eux les jours prochains ?

- Je ne pense pas. J'aime toujours faire découvrir mon pays et ils semblent intéressés, donc ça ira. Je reconnais cependant que les sujets de conversation sont vite épuisés.

- Tu vois donc que je n'ai pas tellement d'atomes crochus avec eux...

- Tu me l'avais dit et c'est vrai. Mais c'est cordial et sincèrement, Hans n'est pas inintéressant. Je comprends que tu aies plus de mal avec lui, car il ne parle pas bien français et toi pas bien allemand : ça limite vite les échanges...

- C'est très juste. Tu seras plus à l'aise que moi...

- Et j'ai moins de passif aussi, avec eux. Je suis certaine que ça se passera bien.

Je me redresse un peu et caresse son torse.

- Je le pense aussi, me dit-il. Déjà, ils ont fait l'effort de venir, c'est appréciable, je le reconnais. Et tu peux ainsi faire leur connaissance. Ca me paraît quand même un peu fou, Layla, qu'on se connaisse depuis deux ans bientôt et que tu ne voies ma mère et son mari pour la première fois que maintenant !

- Ce n'était pas évident de s'organiser non plus pour aller les voir en Allemagne. Il aurait fallu envisager ce voyage avant que tu ne travailles, mais tu as eu vite à faire ici aussi, sans oublier de t'occuper de la vente de ton appartement. C'était plus facile de faire la connaissance de ton oncle et ta tante, par exemple, sans oublier Pauline et Aglaé.

- C'est vrai.

Alexis n'ajoute rien, se rallonge sur le dos. Il fixe le plafond, songeur. Je n'ose le tirer plus de ses pensées. Ma main glisse sur son torse, j'appuie ma tête contre son épaule. Et je m'endors.

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