Chapitre 104

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Layla

En ce deuxième jour de l'été, je m'attarde dans les allées du bois de Boulogne. L'air est doux, presque chaud, le vent apporte les senteurs des arbres et des massifs fleuris. La promenade est agréable. C'est un des rares week-ends que je passe seule à Paris en cette période, Alexis m'ayant rejointe pour la Pentecôte.

Mon rythme de travail est bien chargé, aussi profité-je le mieux possible des moments de détente que je peux m'octroyer, tant à Aizac qu'ici. Demain, j'envisage d'ailleurs d'aller à la piscine, assez tôt pour nager au calme. C'est à Paris que c'est finalement le plus difficile pour moi de lâcher prise : à Aizac, Alexis veille et nous avons aussi bien profité des belles journées de printemps pour randonner. C'est la saison idéale. Nous avons refait la route des crêtes, la randonnée de Craux, et une que nous n'avions encore jamais parcourue ensemble, à partir de Bise. Nous aurions pu profiter de la saison pour randonner dans le sud, mais Alexis voulait éviter de faire trop de route : une autre façon pour lui de me ménager alors que je fais beaucoup de déplacements entre Paris, Libourne et l'Ardèche.

Il n'est pas le seul à veiller : ce mois-ci, Laurent a décrété que ce serait lui qui assurerait la direction des réunions mensuelles à Libourne et non moi. Cela me permet aussi d'être un peu plus présente à Paris, auprès de toute l'équipe du siège social.

Alors que j'entreprends la dernière partie de ma promenade, revenant vers l'entrée du parc la plus proche de chez moi, mes pensées s'envolent vers Alexis. Deux années ont passé. Deux années à vivre à distance, à se voir autant que possible, à jongler avec nos emplois du temps, nos impératifs professionnels. Malgré cette difficulté, nos sentiments sont toujours aussi forts, notre entente aussi sereine et complémentaire. Professionnellement parlant, nous avançons, c'est vrai. Mais notre couple se construit aussi. Il fait tout autant partie de ma vie que l'Ardèche, mon village, ma maison. Il est l'autre pilier sur lequel je peux m'appuyer pour avancer encore, construire, rassurer, encourager, trancher, décider, assumer.

Il est aussi celui qui m'ancre dans cette réalité, un peu plus, quasi-quotidiennement. Celle de mon village, de ses habitants, de leur vie. Grâce à lui, je suis encore plus en phase avec les miens, encore et toujours proche d'eux.

Je viens de fêter mes vingt-neuf ans. Le moins que je puisse dire, c'est que cette décennie de ma vie aura été bien remplie : études, prise de fonction à la direction, projets, et finalement, vie de couple.

Je soupire en franchissant les portes du parc : il me manque. Même si nous nous sommes vus la semaine dernière et que je serai dès mercredi soir et pour cinq jours en Ardèche. J'ai hâte de le revoir.

Alexis

J'ai passé une grande partie de la journée à nettoyer les murettes. Il m'en reste une petite série, quasiment devant les ruines. Pour les autres, j'ai fauché. Jérémie m'a prêté le matériel adéquat et m'a montré comment faire. Ce n'est pas bien difficile, il faut juste être vigilant, comme toujours quand on travaille avec des outils. J'avais bien repéré les murettes les plus fleuries, proches de la maison, et dans deux des plus basses, j'ai carrément retourné la terre et désherbé, sur une assez belle surface : j'ai dans l'idée de préparer un petit potager. Je ne connais pas grand-chose au jardinage et encore moins à l'agriculture vivrière, et je compte bien demander conseil aux champions pour les variétés à planter en cette saison. Demain, j'ai prévu de me rendre au village dans l'après-midi pour la partie de pétanque. Quand je suis seul, je m'y rends au moins une fois par week-end, sauf exception.

Le soleil est encore haut, l'après-midi bien entamé. L'ombre du volcan commence tout juste à s'allonger. Nous sommes dans les jours les plus longs de l'année et il commence à faire bien chaud, encore à cette heure. Debout sur la terrasse, bien en sueur, je contemple avec une certaine satisfaction l'ouvrage accompli dans la journée. Puis je rentre dans la maison, sors une bière du réfrigérateur et vais m'asseoir sur le banc. Les premières gorgées, bien fraîches, glissent, délicieuses.

Je contemple la vue, ce paysage magnifique dont je ne me lasse pas. Plus de deux ans que je suis arrivé ici. Et pour rien au monde - sauf Layla - je n'en repartirais. Qui aurait dit qu'un titi parisien comme moi serait venu s'ancrer au cœur de ces montagnes, de ce pays ?

Une petite musique discrète me tire de ma contemplation, j'abandonne ma bière sur la table pour rentrer dans la maison et récupérer mon téléphone, posé sur le rebord d'une fenêtre. Je décroche et la petite voix joyeuse d'Aglaé retentit :

- Alexis ! C'est Aglaé ! Bonjour !

- Bonjour, Aglaé ! Content de t'entendre ! Tu vas bien ?

- Oui ! J'ai deux grandes nouvelles à t'annoncer !

- Deux ?

- Oui !

- Je t'écoute !

- La première, c'est que maman a tout réglé ici et qu'on va bientôt déménager ! On va pouvoir venir habiter à Antraigues ou à Aizac, enfin, là où on trouvera une petite maison pas trop cher...

- D'accord. Dis à maman que je vais me renseigner.

- Julien a dit qu'il avait déjà deux ou trois adresses à proposer.

- Il connaît mieux le coin que moi, c'est aussi bien qu'il conseille maman. Et l'autre nouvelle ?

- Je passe en sixième !

Je souris.

- Bravo ! Félicitations ! Tu as bien travaillé...

- Ca me fait un petit peu bizarre de quitter mes copines de Paris, mais je leur écrirai. Et peut-être qu'un jour, elles viendront passer des vacances en Ardèche aussi...

- Ce sera certainement possible, dis-je. Ici, tu vas retrouver plusieurs amies...

- Oui ! Il faut qu'on fasse aussi les papiers pour m'inscrire au collège à Vals. Maman a téléphoné et on va lui envoyer le dossier.

- C'est bien.

- Et toi, tu vas bien ?

- Oui, très bien. J'ai passé une partie de la journée à nettoyer les murettes devant la maison. J'ai laissé les fleurs, bien entendu. Et je pense préparer un petit potager.

- Oh super ! Quand on sera à Antraigues, je viendrai t'aider.

- Merci, c'est gentil.

- Bon, je te passe maman... Tu embrasses Layla de ma part et à bientôt !

- A bientôt, Aglaé !

Quelques secondes plus tard, j'entends la voix de Pauline :

- Bonjour, Alexis. On ne te dérangeait pas ?

- Pas du tout. Bonjour, Pauline. Je prenais ma pause après avoir bien avancé le nettoyage des murettes, comme je le disais à l'instant à Aglaé. Alors, ça se précise de votre côté ?

- Oui... J'ai reçu la réponse pour le préavis pour le logement. On va pouvoir partir pour la fin juillet. Il faut que je trouve un logement à Antraigues, mais Julien m'a envoyé quelques adresses. Et faire les cartons...

- Vous allez être bien occupées dans les prochaines semaines. Dommage que le 14 juillet tombe un dimanche, sinon, je serais monté à Paris pour vous aider.

- Cela ira, répond-elle. D'autant que tu as déjà prévu pour les déménageurs... Merci, Alexis.

- Je peux le faire, Pauline, tu sais bien. Et ça me fait plaisir que vous arriviez bientôt ici ; tu vas t'y plaire, Aglaé également.

- Julien va venir pour le tout premier week-end de juillet, après, il ne pourra pas, car il profite aussi de la saison touristique pour faire du chiffre.

- C'est logique, comme tous les commerçants du coin, dis-je. Il doit être heureux de la nouvelle lui aussi... Je ne l'ai pas croisé cette semaine, mais je le verrai certainement mercredi. Layla vient en fin de semaine prochaine, je ferai quelques provisions.

- Oui, il est heureux... Et moi aussi.

Elle marque un petit temps de silence, puis j'entends un léger soupir, avant qu'elle ne reprenne :

- Alexis... J'ai encore des affaires de ton père... Est-ce que tu voudras les récupérer ?

- Garde tout ce qui te sera utile ou ce à quoi tu tiens, dis-je. Pour le reste, je verrai. Je n'ai pas trié du tout ce que j'ai ramené de Paris, papiers, photos... Je pourrai le faire avec ce que tu ne conserveras pas.

- D'accord. Je vais mettre cela dans des cartons à part.

La voix de Pauline est empreinte d'une légère tristesse, bien compréhensible. Le fait de ranger les affaires de mon père qu'elle conservait encore va l'aider à franchir un pas de plus et, je l'espère, se rapprocher de Julien. Je comprends aussi qu'elle ait fait le choix de ne pas habiter chez lui, pas encore. Lui doit aussi penser à pérenniser son activité et Pauline devra se faire à son nouvel environnement, même si Aglaé et moi-même l'aiderons bien, sans oublier l'appui de Layla et son aide indirecte pour du travail. Je souhaite aussi que Pauline se plaise à l'usine, qu'elle y fasse des connaissances, voire qu'elle puisse y nouer des amitiés.

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