Papa t'aime...

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Au petit matin, à la campagne, le chant du coq annonce le début d'une nouvelle journée. La maisonnée, encore enveloppée par la quiétude nocturne, s’éveille doucement. Les premiers levés sont, comme toujours, les anciens. Jacques s’affaire déjà dans la cuisine, surveillant le lait qui chauffe doucement sur le feu et préparant l’eau pour le thé et le café. À ses côtés, Marie enfourne avec soin les croissants qu’elle a façonnés la veille, leur pâte ayant levé tranquillement pendant la nuit.

Un peu plus tard, Monique et Claude se lèvent, encore somnolents mais déjà prêts à contribuer. Une toilette rapide et les voilà qui rejoignent les premiers dans la grande cuisine. Peu après, Madeleine, puis Suzanne, Thérèse et Francis font leur apparition, suivis de près par Tom et Juliette, et enfin Quentin et Mathilde, leurs mines encore marquées par les événements de la veille.

Autour de la longue table, les premiers échanges se font en sourdine, chacun conscient du malaise laissé par la soirée précédente. Mais la conversation finit par s’animer, et, naturellement, le sujet central s'impose : Mathis, Yohan, et ce qui s’est passé avec Bernard.

— On est tous d’accord, commence Monique d’une voix posée mais ferme. Inutile d’embarrasser davantage Mathis et Yohan. Laissons-les venir à nous s’ils souhaitent parler.

Claude hoche la tête en signe d’approbation, et Marie, qui verse un café fumant à Thérèse, ajoute avec douceur :

— Mathis est le même, non ? Rien de ce qui s’est passé hier ne change ça. Il est notre neveu, notre petit-fils, notre cousin. On l’aime, c'est tout… je ne veux rien entendre de plus !

Un murmure d’assentiment parcourt la table. Madeleine, les mains croisées devant elle, conclut avec un sourire tendre :

— Sa vie intime ne regarde que lui.

Jacques, habituellement silencieux, décide de se joindre à la discussion, une pointe d’humour dans la voix :

— Et Bernard, hein ? Ce gros lourdaud a encore trouvé le moyen de mettre les pieds dans le plat ! Nicole a eu le nez fin de nous le dégoter c'lui là !

Les rires qui suivent sont légers, presque soulagés. Claude, plus sérieux, prend le temps de répondre :

— Ce n’est pas un mauvais bougre. Je pense même qu’il est d’accord avec nous, au fond. D'ailleurs, il a essayé de le dire avec sa maladresse. Son éducation chez les intégristes catholiques y est pour beaucoup, mais il est loin de partager leur vision. D'ailleurs, il a coupé les ponts avec cette famille si néfaste, non ? Il ne voulait pas de mal, juste… il ne réfléchit pas avant de parler.

— Comme toujours, ajoute Jacques avec un sourire malicieux.

La table éclate d’un rire bref mais sincère. Malgré tout, chacun sent que les choses sont plus claires, plus apaisées. Les tensions de la veille semblent déjà s’estomper, remplacées par une détermination commune : préserver l’harmonie de la famille et offrir à Mathis et Yohan tout le soutien qu’ils méritent, dans le respect et l’amour.

Les croissants sortent du four, embaumant la pièce de leur parfum chaleureux, et les conversations bifurquent doucement vers des sujets plus légers. Mais dans le fond, chacun reste attentif, prêt à épauler Mathis et Yohan dès qu’ils seront prêts.

Le soleil se glisse délicatement entre les rideaux, et un rayon vient caresser le visage de Mathis. Clignant des yeux, il est le premier à s’éveiller. Encore enveloppé dans la chaleur du lit, il tourne la tête et laisse son regard se poser sur Yohan, toujours profondément endormi.

Le visage de son amoureux est paisible, presque angélique, et cette image le rend heureux simplement. Mathis sourit. Il ne le réveille pas, pas tout de suite, il veut en profiter, s'imprégner encore davantage de la sensation de bien-être qu'il ressent en l'observant, si vulnérable, si beau et si attendrissant dans ce sommeil paisible. Avec une tendresse infinie, il finit par se résoudre à tendre la main. Il attrape une mèche des cheveux de Yohan, qu'il enroule doucement autour de ses doigts. La texture douce, familière, éveille en lui une sensation de calme et de bonheur. Il apprécie ce contact si délicat, il n'ose le réveiller et continue de savourer pleinement l'instant.

Peu à peu, Yohan commence à remuer. La sensation de Mathis jouant avec ses cheveux le tire doucement de son sommeil. Il cligne des yeux, encore engourdi, et la silhouette de Mathis se précise devant lui. Un sourire instinctif éclaire son visage alors qu’il ouvre enfin les deux yeux, croisant immédiatement le regard attendri de son amant.

— Bonjour, mon cœur, murmure Yohan d’une voix encore chargée de sommeil. As-tu bien dormi ?

Mathis répond par un sourire radieux.

— Oui… Et toi ?

Yohan s’étire doucement, ses bras venant naturellement entourer Mathis, le ramenant contre lui.

— Comme un bébé, souffle-t-il avant de déposer un baiser léger sur son front.

Leurs regards s’accrochent, et pendant un instant, ils restent là, à savourer le silence du matin, le chant lointain des oiseaux et, surtout, la chaleur rassurante de l’un contre l’autre. C’est un nouveau jour, qui débute de la plus belle des façons : ouvrir les yeux et voir celui qu’on aime.

Soudain, une pensée traverse l’esprit de Mathis et le fait tressaillir. Il baisse la tête, son visage revêtant une légère rougeur.

— Yohan, tu vas te moquer de moi, mais ton chevalier est en fait un froussard. Je… je … n’ose pas ... descendre … et affronter ... le regard des autres.

Sa voix est basse, presque un murmure, tandis que ses doigts s’attardent nerveusement sur les draps. Yohan, toujours allongé, l’observe avec une douceur infinie. Il tend la main, effleure sa joue et l’incite doucement à relever le visage pour croiser son regard.

— Mathis, tu n’es pas plus froussard que moi alors. Ce que tu ressens, c’est simplement être humain, rien de plus. L’embarras que tu ressens… je le partage avec toi.

Il marque une pause, cherchant les bons mots, ses doigts toujours posés avec tendresse sur le visage de Mathis.

— Ce n’est pas facile. Ce ne sera peut-être jamais complètement facile. Mais tu n’es pas seul, mon amour. Moi, je suis là. Et même si le monde entier te tourne le dos, sache que je resterai à tes côtés.

Mathis laisse échapper un soupir, mêlé de soulagement et de tristesse.

— Tu es trop parfait, murmure-t-il, ses lèvres esquissant un sourire timide.

Yohan rit doucement, son rire résonnant comme une mélodie apaisante.

— Je ne suis pas parfait, Mathis. Je suis juste quelqu’un qui t’aime, profondément. Alors, que dirais-tu qu’on affronte cette journée ensemble, l’un avec l’autre ? Si tu n’es pas prêt maintenant, ce n’est pas grave. Mais rappelle-toi, je suis là.

Mathis sent son cœur se gonfler de gratitude et d’amour. Il hoche doucement la tête.

— Merci… Merci d’être toi.

Yohan l’embrasse doucement sur le front.

— Toujours.

Mathis et Yohan finissent par se lever, leurs mouvements encore empreints de la douceur et de la complicité de leur échange. Après un rapide détour par la salle d’eau pour se rafraîchir, ils s’habillent en silence, mais les regards échangés parlent pour eux : un mélange de nervosité et de réconfort mutuel.

Avant de quitter la chambre, Mathis s’arrête et prend la main de Yohan.

— Attends…

Il se tourne vers lui et l’enlace avec une tendresse débordante. Leurs lèvres se trouvent, s’unissent dans un baiser profond, empreint de tout l’amour et la force qu’ils s’offrent l’un à l’autre. Un baiser qui semble dire : On est ensemble, quoi qu’il arrive.

Yohan murmure, un sourire rassurant aux lèvres :

— Prêt ?

Mathis inspire profondément et acquiesce.

— Prêt.

Ils descendent alors les escaliers, main dans la main, leur appréhension dissimulée sous une détermination nouvelle. Arrivés en bas, le murmure des conversations matinales les atteint, mêlé à l’odeur chaude des croissants et du café.

En franchissant le seuil de la pièce principale, tous les regards se tournent vers eux. C’est un moment où chacun jauge l'autre et attend sa réaction, un moment où chacun attend que la glace soit brisée mais par l'autre. Mathis serre un peu plus fort la main de Yohan. Pour eux, se présenter ainsi main dans la main est une preuve de courage et leur manière de leur dire : Oui, on s'aime … et … alors ?

Tom, ce grand frère protecteur le remarque immédiatement et ne veut pas laisser le silence réduire leur effort. Debout près de la table,il leur adresse un large sourire et s'évertue à mettre tout le monde à l'aise :

— Enfin ! J’allais envoyer une équipe de secours. Vous avez raté les croissants chauds, mais il reste du café.

Des rires légers éclatent autour de la table, dissipant la tension. Mathis sent son cœur se relâcher. C’est comme si tout le monde avait décidé, en silence, de leur offrir un accueil simple et sans jugement. Monique leur tend deux tasses, et Claude pousse une chaise avec un sourire chaleureux.

— Venez, installez-vous. Vous devez avoir faim. Ton frère te taquine, bien sûr qu’il reste des croissants, dit Monique en souriant. Ta grand-mère aurait été capable de tuer pour t’en garder de côté, ajoute-t-elle, un clin d’œil complice illuminant son visage.

Un léger éclat de rire parcourt la table, et Mathis sent un poids supplémentaire se détacher de ses épaules.

Les deux jeunes hommes échangent un regard qui en dit long avant de s’asseoir. La chaleur de l’accueil, l’odeur réconfortante des viennoiseries et du café, la familiarité des visages autour de la table : tout cela leur donne un sentiment de paix qu’ils n’auraient pas cru possible la veille. À ses côtés, Yohan serre toujours sa main sous la table, un geste discret mais rempli de soutien.

Claude, observant son fils avec une affection retenue, brise le silence :

— Alors, bien dormi ?

— Très bien, papa, répond Mathis, sa voix un peu hésitante mais sincère.

— Tant mieux, répond Claude. Aujourd’hui est une belle journée.

Un nouveau jour, en effet. Mathis le sent, profondément. Un jour où l’amour, sous toutes ses formes, prend enfin sa place naturelle dans cette maison. Tout semble enfin dissiper les tensions de la veille.

Le petit déj' se termine et tous remercie leurs hôtes. Jacques, un sourire affiché sur le visage, se lève brusquement de sa chaise et claque dans ses mains pour attirer l’attention de tous :

— Bon, écoutez-moi, les sportifs, les marmottes et les autres… Il fait un temps superbe, l’eau est à 29°, j’ai vérifié le chlore et le pH ce matin : tout est parfait. Alors voilà ce que je propose… on enfile nos maillots, et on se retrouve tous à la piscine !

Un éclat de joie traverse la table. Madeleine, pourtant la plus âgée, est la première à s’exclamer :

— Eh bien, c’est une excellente idée, Jacques ! Avec cette chaleur, ça ne peut pas faire de mal de piquer une tête.

— Et toi, Tom ? Tu te charges des bombes dans l’eau ou tu laisses ça à Mathis cette fois ? plaisante Claude, déclenchant un rire général.

Mathis, vers qui les regards attentifs se tournent naturellement, prend la parole avec un sourire en coin :

— Si Yohan est partant, moi aussi, dit-il en lançant un coup d’œil complice à son amoureux.

— Partant ? À 29°, j’y suis déjà … enfin … presque ! répond Yohan, déjà sur le point de se lever.

Rapidement, les chaises raclent, et chacun se lève dans une joyeuse effervescence. Les enfants courent déjà vers les chambres pour enfiler leurs maillots, pendant que les adultes débarrassent la table.

— Attention, prévient Jacques, je veux voir des plongeons dignes des Jeux olympiques, sinon, pas de barbecue ce midi !

L’atmosphère légère et complice revient en un instant, portée par cette promesse de détente partagée. La piscine attend, et avec elle, un moment d’unité et de rires à savourer sous le soleil estival.

La piscine devient rapidement le théâtre de la matinée parfaite. Sous le soleil éclatant, l'eau scintille comme une invitation irrésistible. Les premiers à arriver, les enfants, plongent avec des éclats de rire, envoyant des éclaboussures dans toutes les directions. Jacques, en maître de cérémonie, observe depuis le bord, un sifflet en plastique à la main, jouant à l’arbitre des plongeons improvisés.

— Attention, tout le monde ! On commence le concours de plongeons ! Qui veut défier le maître du "couteau parfait" ? lance-t-il en gonflant la poitrine, déclenchant des rires.

Tom ne résiste pas au défi et se hisse sur le plongeoir. Avec une concentration exagérée, il mime un athlète olympique avant de sauter… dans une bombe éclatante qui éclabousse tout le monde, y compris Madeleine, tranquillement installée sous un parasol.

— Oh, celui-là, il va le payer ! s'exclame la grand-mère, levant une main menaçante mais rieuse.

Mathis et Yohan, arrivés entre-temps, se joignent à la compétition, encouragés par des applaudissements. Mathis, malgré ses hésitations initiales, réalise un plongeon gracieux qui surprend tout le monde.

— Eh bien, petit frère, tu nous cachais ça ! s’exclame Tom.

Yohan, lui, opte pour un plongeon maladroit mais hilarant, déclenchant des éclats de rire général.

Pendant ce temps, sous les parasols, Monique et Thérèse discutent tranquillement, sirotant une limonade fraîche. Claude, les pieds dans l’eau, fait tournoyer un ballon que les enfants réclament bruyamment. Il le lance dans la piscine, déclenchant une partie improvisée où adultes et enfants s’affrontent dans un joyeux désordre.

— À qui le prochain point ? rugit Jacques, gonflé d'enthousiasme en se joignant à l’équipe des plus jeunes.

Madeleine, toujours installée dans un transat, surveille la scène avec tendresse. De temps à autre, elle tend une serviette ou ajuste un chapeau pour éviter une insolation.

Plus tard, alors que la chaleur monte, certains choisissent le farniente. Monique s’allonge dans un transat, un roman à la main, pendant que Mathilde et Juliette discutent tranquillement en trempant leurs pieds dans l’eau. Tom et Yohan s'éclipsent un instant pour préparer un plateau de fruits frais et des boissons qu’ils déposent près des parasols, ravis de contribuer à cette matinée idyllique.

Des rires fusent, des jeux d’eau éclaboussent encore, et au-dessus de tout cela, le soleil continue de briller sur cette famille enfin en paix, profitant de la douceur de ce matin joyeux.

Marie, les mains sur les hanches, observe les enfants en train de jouer près de la piscine, un sourire amusé sur le visage. Elle secoue doucement la tête, sachant qu'il est grand temps de se mettre à table.

— Hé, mes petits nageurs, c’est le moment de sortir de l’eau et de laisser sécher vos maillots, annonce-t-elle d’une voix joviale mais autoritaire. Le repas est pour bientôt, et on ne veut pas faire attendre le barbecue de Papi, alors filez m’aider un peu !

Les jeunes et les moins jeunes laissent là leur occupations et quittent le coin piscine. Ils se dirigent vers le jardin, sous l'ombre du grand chêne où la table a été installée. Jacques, tel un chef d'orchestre, ajuste avec soin les braises du barbecue, un large sourire aux lèvres et un tablier humoristique qui porte fièrement l’inscription : Chef des grillades.

— Attention à vos assiettes, je ne tolérerai aucun faux pas, prévient-il d'un ton solennel, brandissant une pince, tout en lançant un regard complice à Claude, qui s’apprête à l'aider. Pas question de servir des merguez carbonisées, hein ?!

À proximité, Monique et Madeleine s’affairent près de la cuisine extérieure, découpant des légumes frais et préparant une grande salade de pommes de terre qui emplit l'air d'une douce odeur de vinaigrette. Juliette et Mathilde arrivent en courant avec des assiettes et des couverts, prêtes à installer la table. De leur côté, Tom et Yohan ont fait un petit détour par la cave pour récupérer les boissons, ramenant des bouteilles de jus de fruit et de rosé bien frais.

— Tout est presque prêt, annonce Tom en passant un torchon sur son épaule. Mathis, tu peux dresser les serviettes avec Quentin, s’il te plaît ?

Mathis, tout sourire, hoche la tête et avec Quentin il plie soigneusement les serviettes. Mathis lui montre comment faire un pliage simple et rapide qui est sobre et beau : la pochette. Ils les garnissent d'un ou deux épis de blé et commencent à les disposer dans chaque assiette avec soin. Les enfants, appelés à l’ordre par Marie, secouent la tête, les gouttes d'eau tombant de leurs cheveux, avant de se précipiter vers la maison pour se changer rapidement.

— Dans dix minutes, tout le monde à table ! lance Jacques, satisfait en ajustant une brochette sur le grill. Les braises crépitent et l’odeur délicieuse des grillades envahit déjà l’air, suffisant à mettre tout le monde en appétit.

Les rires des jeunes qui chahutent dans le jardin, résonnent joyeusement pendant que les adultes finissent de dresser la table, ajoutant des petites touches de couleur avec des fruits coupés, des sauces et du pain fraîchement cuit.

Lorsque tout est enfin prêt, Jacques annonce triomphalement que la première fournée de grillades est prête. La table s'emplit en quelques secondes de toute la famille, impatiente de savourer les merveilles du barbecue. L'été, avec ses journées sans fin et ses instants de pur bonheur, semble bénir cette réunion de famille, remplie de rires et de chaleur, les âmes apaisées et réunies autour d’un repas simple mais délicieux.

La table est un véritable festin, débordant de plats et de sourires. Les éclats de rire fusent de tous côtés tandis que Papi, le roi incontesté du barbecue, se fait une fois de plus remarquer pour ses talents de grilleur. Les ados, particulièrement, n'hésitent pas à le complimenter bruyamment.

— Papi, t'es vraiment le roi de la grillade ! s'exclame Mathis, les yeux pétillants de fierté.

— Oui, c'est sûr ! T'es le meilleur, Papi ! renchérit Yohan, avec un grand sourire.

Les adultes acquiescent, plaisantant entre eux tout en savourant chaque bouchée.

— Et Mamie, elle, ses salades sont divines, ajoute Juliette, en avalant une bouchée de salade de pommes de terre.

Tout le monde rigole et se régale à l’unisson. Le repas se transforme en un moment de franche camaraderie, où chacun semble pleinement savourer la chance de se retrouver ensemble, au cœur de cette journée ensoleillée. Les grillades sont parfaites, la salade est fraîche et les rires d’enfants se mêlent aux discussions animées des adultes.

Une fois le déjeuner terminé, et après avoir partagé quelques anecdotes et éclats de rire, les derniers morceaux de gâteau de la veille sont servis.

— Allez, un petit café ? propose Jacques, en se levant pour aller préparer les tasses.

— Oui, oui, allons-y, répond Monique en se levant aussi, un léger sourire aux lèvres. On a bien besoin d'un café pour digérer tout ça !

Les tasses sont vite servies et tout le monde prend un dernier moment pour savourer cette chaleur conviviale, la douceur de l'instant. Puis, peu à peu, l'excitation de la matinée cède la place à une douce torpeur.

Certains partent se reposer à l'intérieur, d’autres filent s'allonger dans les hamacs du jardin, bercés par la brise légère et le chant des oiseaux. Le calme s’installe peu à peu, tandis que tout le monde se laisse aller à une sieste bien méritée.

Mathis et Yohan, après avoir partagé un moment agréable autour du déjeuner, décident de s’échapper un instant pour profiter de la quiétude de la campagne. Loin de l’agitation de la maison, ils s’aventurent dans les champs voisins, main dans la main, savourant la douce chaleur de l’après-midi.

Ils marchent tranquillement à travers les prairies, les pieds effleurant l’herbe haute, jusqu’à ce qu’ils arrivent devant un champ de maïs. Les grandes tiges, d’un vert éclatant, forment un rempart naturel, offrant une intimité parfaite pour ceux qui cherchent un peu d'isolement. Ils se glissent alors à l’intérieur du champ, se laissant envelopper par l’ombre des plantes, où la lumière filtre doucement à travers les feuilles.

L’endroit est tranquille, presque magique. Un silence apaisant règne autour d’eux, seulement perturbé par le léger bruissement du vent dans les tiges de maïs. Mathis et Yohan s’arrêtent, ils se font face. Mathis met ses bras autour du coup de Yohan qui le prend par les hanches. Ils s'observent sans rien se dire juste un sourire qui dit tout.

Sans un mot de plus, Mathis se rapproche de Yohan, son cœur battant plus fort à chaque pas. Yohan, tout aussi attentif, l’attire doucement vers lui en joignant les mains derrière son dos pour resserrer son étreinte. Leurs lèvres se rencontrent, d’abord doucement, puis avec plus d’intensité. Leur baiser devient plus passionné, un échange de tendresse et de désir, loin des regards, loin des préoccupations du monde extérieur qui ne leur est pas que favorable.

Dans ce champ, à l’abri des regards, le temps se suspend. Les deux jeunes hommes se laissent aller, oubliant tout ce qui pourrait les tourmenter. Ils sont l'un et l'autre tout ce qu'ils souhaitent, tout ce dont ils ont besoin.

Finalement, après un long moment passé à savourer ce moment rien qu'à eux, à l'écart, ils s’éloignent doucement du champ, main dans la main, le cœur serein, prêts à retourner parmi leurs proches.

L'après-midi est arrivé, et avec lui, une nouvelle vague de nervosité pour Mathis et Yohan. Après un matin de calme, de rires et de jeux, le moment tant redouté est arrivé : les convives de la veille sont de retour, remplissant la maison et le jardin de voix, de rires et de bonne humeur. Certains d'entre eux sont déjà rentrés chez eux pour la nuit, mais d'autres ont pris un gîte ou une chambre d'hôte dans les environs.

Jacques et Marie accueillent chaleureusement chaque famille, les sourires sont nombreux et les retrouvailles emplies de joie. Pourtant, Mathis, bien qu’entouré de son amour pour Yohan, ne peut s'empêcher de ressentir une certaine pression. Les mots de son cœur, encore tout chaotiques après la soirée de la veille, le hantent. Il craint la réaction de ceux qui ne partagent pas son amour, ceux qui ne comprennent pas encore ce qu'il vit et qui n'acceptent pas ce qu'il est tout simplement.

C’est alors que Mathis, dans un élan de courage inattendu, prend une décision. Il se glisse discrètement vers la sono, allume l’appareil, et s’empare du micro. Il s'assoit derrière une grande enceinte, se cachant ainsi des regards tout en laissant sa voix résonner. L’adrénaline lui fait battre le cœur à toute vitesse, mais il sait qu’il doit faire face. D’une voix un peu tremblante mais résolue, il commence :

— Un deux, un deux… Dit-il, son ton hésitant pour capter l'attention.

Il attend un instant que le silence s'installe autour de lui. Puis, il poursuit.

— J'ai votre attention ? Je crois que oui… Voilà, ne me cherchez pas, je suis caché, mais écoutez bien les mots que je m'apprête à vous dire…

Le silence est total. Mathis laisse une profonde inspiration, rassemblant ses pensées avant de continuer.

— Hier soir, c’était un moment intense pour maman. Elle réunissait pour la première fois toute sa famille, pour la présenter à celle de papa. Malgré les appréhensions, tout se passait à merveille. Et pour cela, je vous suis reconnaissant. L'ambiance était tellement agréable, que grisé par elle et ... par le champagne, je me suis laissé emporter, sans vraiment réfléchir… en entendant la mélodie de ce slow magnifique, je n’ai pas … pas mesuré la gravité de mon geste... j’ai agi sur un coup de cœur, … sur un rêve d’un monde sans préjugés, sans jugements… J’ai alors invité Yohan … celui avec qui je partage une relation si … magique ... unique ... que je vous souhaite de connaître ce bonheur. Je suis peut-être stupide… mais je vous prie de m’en excuser ... je ne voulais pas gâcher ce beau jour pour maman... Je regrette d’avoir retrouvé, le temps d’un instant, la candeur de mon enfance… d’avoir cru … cru que l’on pouvait exister … sans masque, sans crainte… juste soi, être soi ...

Il marque une pause, sentant ses émotions l'envahir. Le public, silencieux, écoute attentivement. Mathis respire profondément avant de conclure, son ton devenant plus ferme, plus assuré.

— Si je vous déçois, je suis désolé... Mais je suis encore plus désolé de vous dire que cela ne changera pas... J’aime les garçons... Je suis fait ainsi… Pourquoi ? Allez savoir … moi même … je ne le sais ... Et plus encore, j'en aime un… Yohan … je l'aime éperdument... Le meilleur, le partenaire qu’on ne peut espérer, tant il est parfait... Je suis heureux comme ça, que cela plaise ou non...Je ne souhaite m’imposer à personne, et sachez que si vous me fermez vos portes, je ne vous en voudrai pas... J’aurai juste de la peine pour vous... Votre étroitesse d’esprit m’attristera... et surtout vous me manquerez, malgré tout. Voilà, je ne sais plus quoi dire… Si ce n’est : papi, mamie, je vous aime… tontons, tatas, je vous aime… cousins, cousines, je vous aime… papa, maman, je vous aime… Tom, le meilleur des frères, je t’aime… et enfin, Yohan, mon amour, je t’aime.

Mathis se lève alors, une émotion profonde dans les yeux, et rassemblant tout son courage, il se tient là faisant face à toute la famille, son cœur battant la chamade. Ses yeux, emplis de larmes et d'une angoisse palpable, semblent chercher un signe, une réaction, après avoir dévoilé ses pensées les plus profondes.

À ce moment-là, un cri de Claude, son père, déchire le silence.

— Papa t’aime, mon chéri ! Je suis tellement fier de toi !

Claude s’élance alors dans une salve d'applaudissements frénétiques, bientôt rejoint par tous les membres de la famille. Mathis se laisse emporter par les larmes qui coulent sur ses joues, une vague de soulagement et de joie traversant son être. Il regarde Yohan, les yeux brillants, puis rejoint son amour et le reste du groupe dans la cour, là où, hier soir, tout s’était brisé. Mais aujourd’hui, la paix et l’amour ont repris leur place…

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