Pas la peine de mourir pour connaître l’enfer.

Voilà deux ans que Délie y était et son châtiment personnel n’était pas de brûler dans des flammes éternelles. Pour elle, c’était pire.

Dans l’impossibilité de se lever, elle posa les mains sur son ventre proéminent. Comme d’habitude, elle sentit les coups de pieds et cela lui donna envie de vomir. Sans parler des vagues de douleur qui parcouraient tout son corps et la paralysaient d’autant plus. Chaque jour, elle s’affaiblissait mais jamais ne mourrait, et cela la plongeait d’autant plus dans le désespoir.

Deux ans d’enfer. Deux années qu’elle était dans cet état et qu’elle portait cette chose qui grandissait lentement en la dévorant de l’intérieur.

Tout cela à cause d’un béguin d’adolescente pour l’un de ses voisins. Elle qui rougissait en le croisant dans la rue ou même en pensant à lui, voilà qu’aujourd’hui son souvenir n’éveillait rien de plus que le début de son cauchemar.

Elle s’était débrouillée pour qu’ils fassent leurs devoirs ensemble, chez lui, et elle n’avait pas résisté à l’envie de lui voler une babiole quelconque. Elle souhaitait simplement avoir quelque chose du garçon pour qui elle craquait. Elle avait choisi deux pierres noires aux arêtes tranchantes, ce qu’elle avait pris pour de simples obsidiennes parmi une collection de cristaux.

Si seulement elle avait su qu’elle avait dérobé des pierreries maudites…

Ce qui y vivait n’avait pas hésité bien longtemps. Chaque nuit, Délie avait subi ses attaques et réveillait toute la maison avec ses hurlements. Et chaque matin, personne ne la croyait. Elle avait continué à endurer en étant en plus prise pour une folle.

L’entité l’avait torturée, brisée pendant des semaines, et elle avait un jour cru qu’on venait la sauver lorsque des inconnus étaient venus récupérer les pierres maudites. Elle avait été embarquée quelques jours plus tard, pas par des médecins même s’ils avaient prétendu le contraire. Ses parents y avaient cru ou avaient fait semblant d’y croire, et l’avaient laissée partir. Elle avait compris une fois sur place, en voyant les symboles ésotériques sur les murs et les chants sinistres qui résonnaient partout autour d’elle.

Deux années plus tard, donc, elle y était toujours et souffrait d’une très lente grossesse que ses ravisseurs voyaient comme un sombre miracle. Chaque jour, ils posaient les mains sur son ventre et espéraient assister à l’infernale mise au monde. Délie en venait à l’espérer aussi, qu’importait si elle n’y survivait pas. L’enfer n’était pas de l’autre côté, mais bien ici.

Et tant pis si l’enfer s’abattait sur le monde une fois cette chose sortie de son ventre.