30 - Vide
La psychiatre essayait vraiment de comprendre ce que pouvait ressentir son patient. Voilà plusieurs séances qu’elle s’attelait à lui poser des questions, à essayer de créer un lien grâce au pouvoir de la parole, à se montrer douce et patiente. C’était certes la base de son travail, mais c’était d’autant plus difficile dans son cas de figure. Elle n’avait que quelques années d’expérience et jamais elle n’avait eu à traiter un patient aussi jeune.
Le garçon entrait tout juste dans l’adolescence, un âge critique au niveau des émotions, qui pouvaient pousser à des actes… compliqués, surtout si l’environnement n’était pas sain. Ou qu’une instabilité psychologique était nichée quelque part dans le cerveau.
Ceci, elle n’en doutait pas au vu du dossier qu’on lui avait présenté. Pour ce qui était des émotions, en revanche, elle ne savait pas sur quel pied danser car le garçon n’en avait exprimé aucune. Certains patients se mettaient en colère, pleuraient, s’animaient, face à certaines questions ou lorsqu’on leur reparlait de leur vie. Pas lui.
À quoi pensait-il après avoir assassiné toute sa famille, de ses jeunes frères jusqu’à sa mère enceinte, avant d’attendre devant la maison silencieuse, les mains couvertes de sang ? Que s’était-il dit alors qu’il était assis sur les marches du porche, comme s’il attendait un copain ? Que ressentait-il depuis ?
Un grand vide.

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