Chapitre 3

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La maison est relativement propre. Je pourrais aller m’asseoir dans un de ces transats orange et bouquiner tran-quillement au soleil. Faire bronzer ma peau blanche. Mais je me dis que c’est céder à la tentation. Et puis, ça fera cer-tainement plaisir à Tom, de voir que je me suis donnée du mal pour rendre sa maison propre. C’est bête. Mais ça fait plaisir. De voir qu’on est là, qu’on se veille, que l’autre compte. Alors je m’y mets. Je frotte, j’aspire, j’astique, je passe à l’eau, prends les poussières. Je range, trie, remets les livres en place, les cadres photos un peu plus droit. Ce sont des photos de paysages principalement. Des alentours. Parfois de voyages un peu plus lointains. Mais jamais au-cune personne n’apparait. Sur sa vie familiale et amicale, je ne connais rien. Rien. Je ne sais pas s’il a un frère, une soeur. Ce que sont devenus ses parents, s’ils sont encore en vie. Je n’ai aucune idée de son passé. Bien sûr, j’ai déjà es-sayé de savoir mais lorsque je lui posais des questions sur sa vie antérieure, il me répondait doucement :

- Faustine, à quoi bon ressasser le passé ? C’est du passé, non ? Seulement des vieux souvenirs qu’on ne pourra changer. Qu’est-ce que ça changerait si je te racontais tout ? Rien. On perdrait notre temps. Alors qu’il y a tant de choses à faire. Je préfère vivre dans l’instant. Profiter. De toi, par exemple. Que nous réserve demain ? Nous n’en savons rien. Alors, je me délecte des rayons du soleil sur ma peau, du bruit des vagues, de mes pieds dans l’eau fraiche, de cette vue splendide, de ce coucher de soleil. Je profite de ces petits riens. Parce que c’est ce qui me fait vivre.

Que pouvais-je répondre à ça ? Il avait raison. Alors, oui, c’est intriguant. Oui, j’aimerais savoir. Savoir ce qu’il a vécu. De bien. De dur. De compliqué. Mais je n’insiste pas. J’ai bien compris. On vit à cent pour cent dans le présent avec lui. Et c’est bien. Mieux même.

J’ouvre la grande bibliothèque du salon. Elle est remplie de vieux livres aux pages jaunies par le temps. J’en ai lu quelques-uns. Des policiers principalement. Il y en a beau-coup. Je me demande d’où ils viennent puisque Tom ne lit jamais. Il est toujours sur l’eau. En train de réparer une voile. Ou toute autre activité. Toujours occupé à faire quelque chose sauf lire. Pourtant, on ne peut pas dire que cela est une perte de temps. Car croyez-moi, j’en ai lu des livres, j’en ai tourné des pages. Jusqu’à en être dégoutée. Je n’y arrivais alors plus. J’étais bloquée. Les livres me dégou-taient. Me ramenaient à une époque où j’étais forcée à pas-ser mes vacances à une table, à enchainer de gros ouvrages trop compliqués pour mon jeune âge. C’est depuis que je suis ici que j’y ai repris goût. Je les vois d’une autre façon. Au départ, je me forçais à prendre un livre et à m’asseoir, me poser. C’était un exercice compliqué. Mais je le voyais comme un défi personnel. Et j’en ai besoin. Chaque jour, j’ai besoin d’avoir un objectif, aussi infime soit-il. Parfois, ça m’obnubile, prend toute la place. Parfois, c’est plus petit mais pas pour autant insignifiant.

Je sors les livres de la bibliothèque, dans un élan de mo-tivation, en les gardant dans l’ordre dans lequel ils étaient classés. Alors que je retire la dernière rangée de livres, je découvre un tas de papier. Je jette un coup d’oeil rapide autour de moi sans savoir réellement pourquoi. Peur d’avoir mal fait les choses sûrement. Croyant que ce sont de vieilles pages qui sont tombées, je tends ma main et at-trape le petit paquet. La suite, je crois un moment délirer. Netflix aurait eu raison de moi. Car ce sont des lettres, maintenues par un cordon. Un paquet de lettres, toutes soi-gneusement mises dans une enveloppe vierge. Sans adresse ni nom. Je les redépose précipitamment là où elles étaient cachées, prends les poussières en quatrième vitesse, remets les livres en place et referme la bibliothèque à double tour.

Je continue ensuite mon ménage, plus perturbée qu’autre chose. Je me sens mal d’avoir trouvé ça. Comme si je n’avais pas le droit. Sans doute ne l’ai-je pas. Si c’est caché, c’est que ça ne devait pas être découvert. Et si c’est caché, c’est pour une raison, non ? J’essaie de me calmer. D’arrêter le tremblement frénétique de mes mains. De re-lativiser. Tom ne connait peut-être pas l’existence de ces lettres. Peut-être sont-elles quelconques. Arrivées là par ha-sard. Des lettres d’anciens propriétaires. Ou peut-être même pas des lettres. Il faut que j’arrête de me prendre la tête. Je lui en parlerai ce soir et il m’éclairera. Me dira qu’il n’était pas au courant. Ou que ce sont juste de vieilles fac-tures. Parce qu’il y a toujours une part de faux dans les films. Une part que l’on ne retrouve que très rarement dans la réalité. Une part qui arrive à n’importe qui mais pas à moi. STOP. Arrête. N’y pense plus. Tu te fais des idées. Maintenant, reprends-toi et continue ton ménage.

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