Ma bretagne.
Je lui filait des coups de pieds
Comme on renverse une barque
Et devant elle, je n'ai que les mains liées
Comme si j'étais complètement barge
Et toi tu n'as que ton regard de méduse
Qui s'en va et qui revient
De ta jetée je sens que tu m'abuses
Si le vol de ton écume me fait planer
C'est que je suis heureux de m'y abandonner
Tu lâches chaque fois les chiens
Ceux qui hurle comme on hurle à l'aide
Tandis que les moqueurs du ciel battent de l'aile
Chaque fois que je t'embrasse
Je risque la noyade
Mais pas un seul jour ne passe
Sans que je ne veuille étreindre ta danaïde
Qu'elle m'enveloppe de ses bras
Les gargouillis incessants qui ressassent
La rupture perpétuelle qui en vibra
Moi qui traine ma pierre si lourde
Tu ne fais que cracher ta rage
Contre ma carapace ma palourde
Si difficile à supporter quand je te nage
Ni voit là rien de colérique
Pour la fascination de ta venue chimérique
L'insistance de tes revenances
Décider à me faire tomber
Témoignages de ta désobéissance
Ta persévérance à m'entuber
Le sel que contient ton arôme
Répandu par le trois-mâts condamné
La tournée du bateau fantôme
Celui du Hollandais Volant abonné
Et si tu guides les marins noyés
Pour leur faire atteindre les Bienheureuses
Leurs âmes incapables de franchir les étendues aqueuses
Les Îles Fortunées sauront les choyés
La boucle d'oreille d'or porté
En prévision d'un décès loin de leurs foyers
Et la pièce afin que le batelier de la mort
Soit appâté par l'idée de les emporter
Oh combien ne sont pas rentrés au port ?
Tant de marins, tant de maris en sont la preuve
Le regard dur et froid de leurs veuves
Occupées à ramasser les coquillages
Les os des perdus échoués sur le rivage
Arpentant le sillon du Talbert
Oubliés, comme à la pointe du Finistère
Engloutie par les flots, la cité d'Ys
Par la faute du seigneur des vagues, Taranis
Mais si parmi tout ce chahut
La beauté existe sous le nom de Dahut
Ma sirène, fascinante et volage
Toi qui use de ton chant et de ton charme
Mystérieuse du bout de ta voix et de ce que tu incarnes
Tu es la responsable de mon naufrage
Tes écailles et ton écrin
Me guide vers les îles de Lérins
Le digne propriétaire du Diable brun
Elle m'appelle sans cesse
Et je lui réponds de justesse
A cette cohorte des retours salés
La marée qui monte et moi étalé
Les yeux dans la mathématique bleue
Les pieds perdus peu à peu
Les mains dans le sable désert
Le corps qui s'enfonce dans cette terre
Pour elle c'est une habitude
Mais pour moi, elle est ma solitude
Aide-moi ma cocagne
Accompagne-moi le long de mon bagne
Pour qu'enfin je regagne
Le lit de ma Bretagne
Celle qui fut ma compagne...
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