Le retour du printemps.

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Les États-Unis semblent se diriger vers une nouvelle page de l'Histoire, prenant des positions éloignées des considérations foncièrement néolibérales.

L'idéologie première du Président Joe Biden, clairement néolibérale au cours de son antique carrière, n'a pas véritablement disparu. Néanmoins, cela paraît s'équilibrer par les pressions conséquentes de l'aile gauche du Parti démocrate, oscillant entre social-démocratie et socialisme réformiste. La place de président du puissant Comité au budget du Sénat, pris par Bernie Sanders, incarne ce revirement, à l'image de la bataille culturelle emportée sur le terrain des idées par ce dernier au Parti démocrate.

À la faveur de la reconquête de la classe ouvrière et de la jeunesse, entrepris par les campagnes de Bernie Sanders, des figures, issues de l'organisation en relative expansion des «Democratic Socialists of America », s'imposent dans le débat public et au sein d'un milieu politique étriqué.

Alexandria Ocasio-Cortez, celle qui avait enchaîné en 2008 les emplois précaires, afin de faire vivre sa famille, et cela, juste après ces études.

Seulement quelques mois avant son élection, elle était encore serveuse, mais assurément engagée. Elle détrônera en juin 2018 l'influent troisième personne de la Chambre des représentants, Joe Crowley, un dérivé libéral du Parti démocrate.

Devenu depuis lobbyiste auprès du cabinet « Squire Patton Boggs », d'ailleurs très favorable au milieu des affaires, ironique envers un homme qui se targuait des accusations de complaisances vis-à-vis de ce même milieu. Toutefois, un parcours regrettablement courant pour un ancien membre du Congrès….

Rashida Tlaib, née dans une famille immigrante palestinienne de la classe ouvrière du très pauvre Michigan, élue représentante à partir du 3 janvier 2019.

Elle symbolise tout ce qu'une partie des États-Unis exècre, notamment le Parti républicain et certains au Parti démocrate aux attaques plus discrètes.

En dépit de cela, personne ne la fera taire.

Un plaidoyer au sujet la sécurité sociale ?
L'augmentation du salaire minimum ?
Une analyse sans concession du conflit israélo-palestinien ?
Une défense acharnée du droit à l'avortement ?
Un engagement antiraciste sans faille ?
Tout en étant de confession musulmane et féministe, bien évidemment.

Ce qui n'arrange pas ces détracteurs.... Ardu de l'accuser d'être une maléfique terroriste islamiste...

Sans compter sur ses remarques cinglantes, portant sur l'action de l'Arabie Saoudite au Yémen, au détriment des droits humains.

Déjà interdite de séjour en Israël, vous me direz qu'elle cherche absolument à obtenir une cible sur la tête ? Ce n'est pas faux, mais ce qu'elle arbore cette cible si fièrement et dignement...

Au regard d'une position honteusement peu favorable aux actes de M. Benyamin Netanyahou et ces alliés en Israël, il demeure la possibilité de faire porter à l'égard de cette aile gauche le blâme de l'antisémitisme, heureusement pour ses contempteurs ?

Excepté, qu'il est fâcheux, que celui qui a fait ces armes dans la lutte contre la ségrégation dans les écoles publiques de Chicago, en la personne du sénateur Bernie Sanders, n'a autre que grandi dans une famille de confession juive. Par ailleurs, l'immense partie fut assassinée à cause de la Shoah en Allemagne.

Cela n'empêche pas les alliées du sénateur d'endurer de virulents réquisitoires médiatiques à ce propos, même s'il est impossible dès lors d'y intégrer en tout point ce qu'est l'aile gauche.

Ce que la Présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, inscrivait au sein d'un simple « phénomène local », prend de plus en plus d'importance. De plus, cette fille d'élu, devenu élue démocrate à son tour, a une capacité indéniable à prendre des accents de gauche, avant de promouvoir les lois les plus néolibérales, au gré du vent de l'opportunisme.

Cette esquisse de révolution a notamment été portée par une jeunesse désireuse d'une alternative au néolibéralisme imposé par la « révolution conservatrice » de Ronald Reagan depuis les années 80.

Cela se construit à l'opposé de la présidence de Bill Clinton et ces « New Democrats » qui ne renieront point ce néolibéralisme, ainsi que ses tendances réactionnaires, dont la peu reluisante nouveauté est à questionner finalement. Barack Obama se proclamera lui-même « Nouveau démocrate », laissant un mandat pour le moins contrasté, entre aspiration d'assurer la protection des intérêts des responsables de la crise des « subprimes » en 2008, et l'assurance de santé « Obamacare » à l'ambition plus que minimal à l'échelle d'un si grand pays.

Tout cela serait du passé, et tout se terminerait bien ? Pas tout à fait.

En effet, les récentes grandes annonces étonnantes du Président Joe Biden matérialisent la peur des néolibéraux démocrates de cette montée irrésistible venue de la gauche, ainsi autant céder juste un brin de terrain à quelques idées.

Bien entendu, que les réflexions de l'aile gauche ne seront pas davantage approfondies, à l'image du « Green New Deal », cette nécessaire transformation écologique et sociale de la société.

N'occultons pas que nous sommes dans le pays du penseur de l'ultralibéralisme Herbert Spencer, mêlant drôlement mépris social et darwinisme social.

Ce réveil d'une gauche, enterrée lors du virage néolibéral des « Nouveaux démocrates » sous Bill Clinton, s'ajoute à une forme de renouveau syndical.

À savoir qu'à une époque, le sénateur Bernie Sanders n'était pas le plus à gauche de son parti, c'est en lien avec la bien longue et complexe Histoire du Parti démocrate.

Celle que chacun de vous connaît ou boycotte, en l'occurrence l'entreprise Amazon, troisième employeur du pays évoqué, a dû, au comble d'un cauchemar, être forcé d'accepter un référendum sur la création d'un syndicat le 9 avril 2021.

Une campagne des syndicalistes du « Retail Wholesale and Department Store Union », menée de concert avec les appuis significatifs d'Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib, Bernie Sanders, même Biden, ainsi que le sénateur républicain Marc Rubio (en rupture de ses positions habituelles et en recherche d'électorat par ailleurs).

De surcroît, ce référendum a eu lieu dans un entrepôt, où les employées et employés sont largement et majoritairement afro-américains, organisé par un syndicat attaché historiquement au combat des droits civiques. Si bien que cela a amené le soutien d’Angela Angel, responsable locale du mouvement « Black Lives Matter », dont il faut reprendre les termes : « Les vies noires comptent. Pas seulement dans le système judiciaire, mais aussi au travail ».

De sorte que cela porte bien sur une authentique lutte à la croisée des chemins de différentes formes de domination et d'oppression.

Aux frontières de la légalité, voire l'outrepassant clairement, l'entreprise fondée par Jeff Bezos n'a reculé devant aucune limite, afin de heurter cette soif de droits au mur de ses pouvoirs innombrables. Jeffs Bezos, n'est-ce pas le William Schouler des syndicalistes étasuniens de nos jours ? Vous vous demandez peut-être l'identité de cet homme, il sera possible d'y revenir bien assez vite, patience.

Ce vote à la dimension forte des 5 600 employés de l’entrepôt d’Amazon à Bessemer, au sein du conservateur Alabama, s'est in fine conclus par un non, tout en exposant de manière édifiante les conditions alarmantes de travail des employés.

Petit rappel, on demeure toujours dans le pays d’Herbert Spencer, William Soucher et Jeff Bezos, le mouvement syndical a par conséquent perdu ces marques, et son ampleur est dès plus limitée.

Les ouvriers ont d'une part délaissé les syndicats au XXe siècle, dont il existe une part de responsabilité au vu des accommodements troublants vis-à-vis du patronat, quant aux grandes entreprises, elles en ont profité d'une autre part.

Les fameuses « Right to work laws » ont fleuri dans tout le pays de l'Oncle Sam, en d'autres termes, ce sont des limitations considérables des droits syndicaux, concernant les États aux populations les plus pauvres des États-Unis.

Par ailleurs, un droit du travail aux contours variables et plus ou moins protecteurs, voire foncièrement anti-syndicats et favorable au patronat, existent dans seulement 27 États de l'illustre « Monde libre ».

(Cela témoigne de sucroît de l'exigence en France de préserver le dessein de notre Code de travail, conquis par la classe ouvriére et le syndicat de la CGT en 1910, se substituant enfin au contrat d'ouvrage, bien que les réformes successives en la matiére semble lui faire perdre de plus en plus de fragments de son âme)

Le dernier en date, le fort républicain Michigan, a adopté un droit du travail le 8 mars 2013.

Serait-ce un miracle ? Le Parti républicain qui se métamorphose en libérateur des travailleurs ! Pas avec un droit du travail incontestablement opposé au syndicalisme et aux droits de ces derniers...

Je vous prie de m'excuser pour cette pointe d'espoir.

Or, une femme de la classe ouvrière a conquis récemment cet État, c'est évidemment Rashida Tlaib, étant donné la certaine percée de l'aile gauche du Parti démocrate. À nuancer puisque c'est au sein d'une circonscription résolument démocrate de Détroit. Cela semble tout de même révélateur d'une tendance nouvelle.

Vous remarquerez que le terme renouveau signifie de manière littéraire un retour du printemps, et cela, dans la mesure où Rashida Tlaib et d'autres s'inscrivent dans la lignée des combats entrepris presque deux siècles auparavant par des ouvrières, telle que Sarah Bagley.

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