« Je suis, la vôtre, au nom de la justice »

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Sarah Bagley est devenue une figure incontournable de la scène syndicale du Massachusetts, qui a occupé l'une des cinq vice-présidences de la « New England Working Men's Association », ainsi que la mission de rédactrice en chef du journal y étant affilié « The Voice of Industry » pendant plusieurs mois.

Une convention des travailleurs et travailleuses s'est tenue le 4 juillet 1945, au cœur d'un bosquet de la ville de Woburn. De nombreuses déléguées et nombreux délégués affluèrent alors, dont Sarah Bagley, accompagnée de près de 1999 autres, plus particulièrement de Lowell, Boston et Lynn.

La meneuse syndicale donna de la voix à cette occasion, fustigeant la propriété de William Shouler, « The Offrande Lowell », à laquelle l'ouvrière Harriet Farley était la rédactrice en cheffe. Il était loin le temps, où une Sarah Bagley avait l'autorisation de se livrer à des envolés lyriques sur les moulins à l'intérieur de ce journal, puisqu'elle semblait considérée comme suffisamment domptée et passive. Désormais, afin de reprendre son discours, elle ne serait plus la chose bienséante et plaisante de « ce porte-parole des entreprises ».

Une querelle publique éclata, sous forme de lettres finement écrites par Sarah Bagley, qu'elle échangea à l'endroit de la rédaction de « The Offrande Lowell », notamment son cher propriétaire M. Schouler.

Il est fort intéressant de reprendre quelques passages d'une réponse du 17 juillet 1954 de Sarah Bagley à l'égard de la rédaction.

Elle révoquera le statut de porte-parole des travailleuses de Lowell que se conférait le journal ainsi :

« … nous… souhaitons que l'Offre repose sur son propre fond, au lieu de se présenter comme la voix unie des Opérateurs de Lowell, alors qu'elle porte le cadenas de la Société et que leurs excuses détiennent les clés ».

Elle évoquera ensuite de manière édifiante la fièvre de la censure qui faisait rage, au mépris de ce qu'avait pu être ce journal à ses débuts :

« En parcourant le Courrier de mercredi dernier, nous avons trouvé notre nom en rapport avec l'Offrande Lowell en disant que nous n'avions jamais présenté un article qui avait été refusé, puisque Miss Farley en était la Rédactrice. Eh bien, comme nous n'avons pas dit que nous avions, nous ne voyons aucune chance de controverse. Mais nous avons dit (et nous nous sentons responsables) que nous avons écrit des articles pour l'Offrande qui ont été rejetés parce qu'ils rendraient l'Offre "controversée" et changeraient sa "conception originale", qui était qu'il y a "l'esprit parmi les fuseaux".

Si quelqu'un prend la peine de regarder le n° 2, exemplaire spécimen, qui a été publié avant le début du volume 1, ils découvriront que la controverse n'a pas toujours été soigneusement évitée et que la défense invoquée était contre OA Brownson et non contre les règles de l'entreprise, ce qui changerait très sensiblement le bien-fondé de la « controverse ».

La militante prendra soin d'épargner le plus possible la rédactrice en cheffe, elle avait été elle-aussi à cette position servile à une époque :

« Nous avons préféré ne pas accuser Mlle Farley, nous avons parlé respectueusement d'elle ».

Harriet Farley n'était qu'un soldat malléable pour les propriétaires, qu'ils envoyaient au front, contemplant leur création, ce chimérique jardin d'Éden. Or, même si cette dernière ne sera pas en marge de certaines luttes audacieuses, elle a été à l'image de tant de femmes ouvrières cherchant juste à survivre, avec ces répercussions patentes.

Elle formulera que ce journal n'était tout bonnement pas le journal des travailleuses :

« Nous avons déclaré qu'il n'avait jamais été un organe par lequel les abus de règles oppressives ou d'horaires déraisonnables pouvaient être plaints ».

Comment le pourrait-il, Sarah Bagley réitéra encore la négation au fondement de ce journal prétendument des travailleuses :

« Nous avons posé la question, quel genre d'organe de défense, les agents trouveraient-ils avec M. Schouler comme propriétaire et éditeur ? »

Au terme de sa démonstration argumentée, elle se laissera aller à une métaphore poétique, tel un reflet inversé de sa prose de jadis :

« Nous répétons cette question, et si quelqu'un cherchait un article dans les colonnes de l'éditeur, il trouverait quelque chose comme ce qui suit :

Lowell est le jardin d'Éden (sauf le serpent) dont les portes sont en or fin. L'arbre de la connaissance du bien est là, mais le mal est évité grâce à la gestion judicieuse des surintendants. Les femmes peuvent travailler dix-neuf ans sans craindre de nuire à leur santé ou d'altérer leurs facultés intellectuelles et morales. Elles peuvent accumuler de grandes fortunes, marier et éduquer des enfants, construire des maisons et acheter des fermes, et tout en étant des travailleuses ».

S'écartant de toute figure de style dans une lettre du 23 juillet 1845, elle exhumera les épreuves de celles qui n'avaient pas le privilège de figurer au sein du « The Offrande Lowell » :

« Mlle Farley a été une défenderesse des droits des agents, semble-t-il, car elle les a non seulement défendus, mais a dénoncé "tous les abus qu'elle a connus". Il est un peu étrange que les agents n'aient pas mieux apprécié son travail dans ce département.

Elle s'est plainte de "tous les abus qu'elle a connus". — Trois sœurs sont venues du New Hampshire pour travailler à l’usine. Ils ont été placés par la mère sous la garde de sa sœur, qui, soit dit en passant, vit de l’autre côté de la rue de la Société. Peu de temps après qu’une enquête a été faite par l’agent, pour trouver ceux qui n’ont pas embarqué dans les bâtiments de la Société. On a découvert que le lieu d’hébergement des sœurs se trouvait à l’extérieur de la Société, et on les a avisés de se rendre dans l’une des pensions de la Société ou de quitter immédiatement leur emploi. La sœur aînée est allée voir l’agent — lui a dit les circonstances — et on lui a dit que c’était une règle universelle à laquelle il ne s’écarterait pas. Elle lui a dit qu’elle aimerait quitter son emploi, pour lequel elle a reçu l’assurance consolatrice qu’il la signalerait à chaque Société de la ville et l’empêcherait de travailler si elle quittait son emploi !

L’Offrande, a-t-elle déjà réprimandé un tel exercice du pouvoir ? Ses colonnes, ont-elles déjà lutté contre l’oppression ou les abus sous quelques formes que ce soit ? Si c’est le cas, j’aimerais lire le numéro qui contient un tel article, non pas parce que je veux que de tels faits existent, mais parce qu’ils existent et ne devraient pas être négligés. L’Offrande, éditée par un agent (ou, celui qui a été et conserve toujours le nom), devrait être la communication appropriée à la communauté de tous les abus qui existent.

Miss Farley, dit que ceux qu'elle connaît sont exposés. Que disent les pages de l'Offre ? Ceux qui lisent peuvent comprendre ».

Telle une continuité de la métaphore précédente, elle répliquera cela à la rédaction :

« En conclusion, Miss Farley m'appelle, avec toutes les autres sœurs opérantes, "à bénir l'auteur de l'Offrande". Maintenant, comme Miss Farley le dit de moi, alors je dis d'elle, je ne peux pas faire tout ce qu'elle peut. Elle peut être reconnaissante pour les "impressions erronées" et leur circulation ; mais en raison d'une certaine incapacité constitutionnelle, je n'ai jamais pu remercier Dieu ni Miss Farley pour le mensonge, ni les "impressions erronées", sous quelques formes que ce soit

Je suis, la vôtre, au nom de la justice ».

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