Une femme noire ouvrière

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Le 11 septembre 1918, née l'innocence d'une Elizabeth Mafekeng, qui méconnaissait que la société où le sort avait souhaité la faire naître, ne pourra qu'être hostile à son existence même, celle d'une femme noire ouvrière. Cela fut une ville de la province du Cap, au bord des rives du fleuve Tarka, nommée Tarkastad, qui accueillera cette naissance.

Elle n'a guère eu le temps de connaître son père, emporté par ce sort précédemment évoqué. Ainsi, c'était le reflet de l'acharnement qu'une telle famille devait affronter, et cela, en espérant survivre. La mère dut prendre un emploi, probablement de cuisinière auprès d'un hôtel à Kimberley. Toute la maisonnée est alors allée s'installer à Aliwal-Noord, ce qui amena la plus jeune de cette famille de cinq enfants à être élevée par sa grand-mère, Marther Mafekeng. Cela ne suffisait que peu. Dès son adolescence, aux alentours de ces 14/15 ans, l'école ne semblait plus qu'un souvenir s'éloignant, elle travaillait déjà à Paarl. La nécessité de manger supplantait largement celle de s'éduquer, autant la concernant que pour sa grand-mère. D'ailleurs, s'éduquer, au cœur d'un État qui déclarait sa prétendue infériorité raciale, depuis que des hommes européens avaient enchaîné ses ancêtres, estimant que leur ignorance, profondément ancrée dans leurs préjugés, faisait transparaître une lueur de vérité sur la nature humaine.

75 centimes par semaine. Sortie d'un système éducatif qui l'avait assigné à une école différente des enfants blancs, voici le salaire d'une enfant exploitée par une usine de conserverie en 1922/1923. Sans préciser que la réglementation du droit du travail ne paraissait que chimérique...

Travail, travail, travail... Tel fut placé sous le signe les années qui suivirent de la vie d'Elizabeth. Perpétuant la suite d'une existence commune à la classe ouvrière noire d'Afrique du Sud, elle se maria en 1938, âgée de 20 ans, et son premier-né arriva la même année. Elle l'avait porté presque jusqu'à son terme, tout en poursuivant son labeur. Puis, elle continuera à le porter sur son dos à l'usine. Le couple s'est ensuite rapproché du Syndicat des travailleurs de l'alimentation et du fourrage (Food and Canning Workers Union ou FCWU).

Celle qui était à l'œuvre derrière ce syndicat, n'était autre qu'une femme, Rachel Alexandrowich (dit Ray Alexander Simons). Réfugiée au Cap dès 1929, elle fuyait son pays, la Lettonie, devenue une dictature fasciste, tenue fermement par le dirigeant Kārlis Ulmanis. Une féministe revendiquée, parée de l'opprobre de sa judéité familiale et sa pensée marxiste, n'avait que la fuite comme dénouement. Elle sera une militante anti-apartheid, syndicaliste, membre du Parti communiste sud-africain, et exilée pour ses faits de résistance. Elle pensera notamment la complexité du rapport entre classe et race sociale en Afrique du Sud, en co-écriture avec son mari Harold Jack, au sein de l'ouvrage « Class and Colour in South Africa 1850-1950 », daté de 1969. Le prochain chapitre sera l'occasion de revenir sur l'analyse portée par cette penseuresse, qui recevra le prix Isithwalandwe (« celui qui porte les plumes de l'oiseau rare ») en 2004, plus haute distinction de l'ANC, dans l'optique de mieux discerner l'organisation sociale à laquelle sera confrontée Elizabeth Mafekeng.

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