« Si les travailleurs s'unissent, rien ne pourra nous arrêter ! ».

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L'intensivité des grèves, menées entre autres par Elizabeth, et cela, en dépit des interdictions qui pleuvaient, a retiré sa ressource financière unique à cette mère de neuf enfants : son travail à l'usine. Tout comme les ouvrières grévistes au temps de Sarah Bagley, celles au temps de Marie Couette, celles au temps d'Elizabeth Mafekeng payaient le tribut de leur résistance. Le syndicat ne pouvait se permettre que de lui offrir un salaire de £2 par semaine, alors secrétaire à temps plein de la branche de Paarl de l'AFCWU.

La responsable syndicale dira sûrement dans cette période, opérant déjà une rétrospective de son existence :

« J’avais l’habitude de penser que l’éducation était la seule chose nécessaire pour changer les conditions de travail dans l’usine, mais aujourd’hui, je sais que l’éducation n’est pas tout. Lorsque j’ai été élue vice-présidente de mon Syndicat en 1947, j’ai expliqué mon niveau d’éducation, parce que je pensais que je ne pouvais pas diriger des travailleurs sans éducation, et je n'avais pas pu obtenir l’éducation quand j’étais enfant. Les travailleurs ont répondu qu’ils ne voulaient pas de mon éducation, mais là, ils avaient besoin de mon leadership, j’ai accepté le leadership, parce que j’ai vu que la nation était en proie à la pauvreté ».


Elle fut bien assaillie de doutes, comment une femme de sa condition aura-t-elle pu légitimement s'exprimer et prendre d'assaut l'espace public ? Elle ne se considérait ni assez éduquée ni même assez talentueuse. Sa verve passionnée et ses qualités indéniables, crées au contact du réel, de son expérience et non au cœur des établissements ségrégationnistes que sa race sociale lui prescrivait, voici ce que les travailleuses et travailleurs lui exhortaient de faire profiter à toutes et tous. N'en déplaise aux autorités sud-africaines qui aspiraient à la bâillonner, en lui ôtant la possibilité d'entreprendre une tournée étrangère, elle voyagera avec ou sans passeport.

La conférence syndicale internationale des travailleurs, à Sofia en Bulgarie, en date de 1955, sera l'occasion qu'elle révéle la répression qui assaillait la classe ouvrière et les militants anti-apartheid en Afrique du Sud. Tout comme ses déplacements en Chine, en Tchécoslovaquie, en Grande-Bretagne, en Suède, en URSS, en Pologne, notamment. Elle constatera de ses yeux, qu'il existe des sociétés, où la ségrégation ne faisait pas rage, voire une plus importante considération des travailleuses et travailleurs. Cela ne niera pas l'existence d'un racisme certain ou bien d'un sexisme d'ailleurs, ainsi que des passés coloniaux ou des présents néocoloniaux.

Inspirée par ses séjours, elle déclarera de toute l'éloquence qu'il la caractérisait, ce qui demeura une de ses illustres phrases :

« Si les travailleurs s'unissent, rien ne pourra nous arrêter ! ».


Excès d'optimisme ou exigence de redonner sa force à un mouvement ouvrier/anti-apartheid de plus en plus amputé et ostracisé ?

Inévitablement, la police a su l'accueillir à son retour en Afrique du Sud, mêlant intimidations et brutalités aux interrogatoires. Ce qui ne fera qu'accroître la ferveur révolutionnaire d'Elizabeth. À l'instar de son rôle dans la marche des femmes (Women’s March en anglais) du 9 août 1956, en face des Union Buildings, siège du gouvernement à Pretoria. De 10 000 à 20 000 femmes manifestent à l'appel de la Fédération des femmes sud-africaines, dans la perspective déjà évoquée, de forcer le gouvernement du Premier ministre d'alors Johannes Strijdom, à arrêter l'utilisation des laissez-passer.

Vice-présidente de l'ANCWL (Ligue des femmes de l'ANC), à partir de 1957, elle impulsera encore la lutte des travailleuses, par le prisme de leur oppression en tant que femmes et ouvrières. Elle occupera un siège au puissant comité régional de l'exécutif national du Congrès sud-africain des syndicats (SACTU), consacrant sa stature prise au sein du milieu syndical. Cette membre du Comité national exécutif de la Fédération des femmes sud-africaines (FEDSAW) s'attachera à animer ce comité syndical au sujet des difficultés des femmes.

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