Avant-propos

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Avant de démarrer toute étude approfondie sur six femmes qui ont marqué l'Histoire israélo-palestinienne, il apparaît essentiel d’expliciter la démarche de ce chapitre.

Au cœur du Moyen-Orient, il se niche un conflit centenaire, qui n'en finit décidément pas, et une haine qui n'en finit guère non plus. Cette haine entre les Israéliennes/Israéliens, notamment de confession juive, et les Palestiniens arabes, est due au colonialisme. En effet, le Royaume-Uni avait promis aux indépendantistes arabes de leur offrir un État, s'il détruisait l'Empire ottoman, tout en promettant un État aux juifs sionistes.

En outre, le sionisme est une idéologie politico-religieuse, à laquelle certains juifs adhèrent. Elle leur conférerait une lointaine terre promise, trouvée par le prophète Moïse. Ce lieu a été conquis, il y a près de 2000 ans par les Romains, au cours d'une bataille avec ses défenseurs juifs.

En-tout-cas, c’était deux promesses foncièrement contradictoires, dans le cadre de la stratégie de victoire du camp du Royaume-Uni pendant la Première Guerre mondiale, afin d’abattre l’Empire Ottoman. Toutefois, la Palestine sera bien gardée sous domination coloniale. Cela aurait pu être le cas de tout le Moyen-Orient, mais la Turquie de Mustapha Kemal a pris de force son territoire aux colonisateurs. Dès lors, le Royaume-Uni a voulu garder le contrôle sur la Palestine. Ainsi, le meilleur moyen a été de monter les Arabes contre les juifs. Diviser pour mieux régner. De là, une haine réciproque d'une intensité traversant le temps a commencé. Ce scénario a été pionnier de la stratégie colonisatrice d'autres pays européens, telle la haine entre Tutsis et Hutus, orchestrée par la Belgique, alors colonisatrice au Rwanda.

Par ailleurs, les chefs religieux palestiniens pendant la Seconde Guerre mondiale ont pu entretenir des liens auprès de l'Allemagne nazie. Au regard des considérations précédentes, les juifs étaient perçus comme les représentants de l'Empire colonial britannique par ces derniers. Cela s'est matérialisé par des échanges et des rencontres. Aucun passage à l'ignominie génocidaire allemande de la part de ces chefs religieux. Pourtant, le problème réside dans le fait que certains de ces chefs religieux seront à la tête des luttes pour les droits des Palestiniens. Il ne faut pas dire que c'était le reflet de tous les Palestiniens, évidemment, mais ils pourront exercer une influence.

(Petit point, il faut noter que c'est le grand patronat allemand et la droite capitaliste, notamment le puissant industriel Franz von Papen à sa tête, qui a porté Adolf Hitler au pouvoir. Sa nomination a été faite en janvier 1933 par le président de droite Hindenburg. Il n'a jamais été élu par le peuple. Le score du NSDAP était en baisse aux élections de novembre 1932, dernier scrutin avant la répression hitlérienne, alors que celui du KPD ou Parti communiste allemand montait. En effet, Adolf Hiltler n'a jamais réussi à percer électoralement dans le mouvement ouvrier, mais davantage au sein de la petite paysannerie, dont le conservatisme n'est pas chose nouvelle dans l'Histoire. Si bien que les syndicats nazis furent d'ailleurs de grands échecs, in fine, le NSDAP interdira tout simplement le syndicalisme, provoquant l'immense bonheur du patronat à qui on avait promis d'être les « Führer » de leurs entreprises. Cet argument sert bien souvent de couvert aux propos fallacieux envers une démocratie directe. Il est fortement nécessaire de lire l' « Ordre du jour » d'Eric Vuillard à ce sujet, ce prix Goncourt de 2017 est court et instructif.)

En proie à un grand malaise dans l'après-guerre, face à l'horreur de son impuissance, voire inaction lors de la Shoah, l'Europe cède une part de la Palestine aux juifs sionistes le 29 novembre 1947 (plan de partage de la Palestine de l'ONU), la nouvelle Israël. Tous les habitants de Palestine sont expulsés de leurs terres et maisons sur une partie du territoire désormais israélien en 1948. Ce qui est appelé par les Palestiniens la « nakba » (catastrophe, désastre). Les sionistes ont refusé une terre en Asie, puisqu'ils préféraient la terre de la construction mythique des premiers lieux religieux juifs, la Terre promise. Au vu de la peur de ce qu'ils venaient de vivre, et d'une haine des Palestiniens, ils ont pris sans ménagement cette terre. Quand je dis "ils", ce sont plutôt les élites juives, réfugiées au Royaume-Uni et aux USA, mais pas que, on y reviendra.

Israël, soutenu par un des plus puissants pays au monde, les États-Unis, ont dû imposer leur présence au Moyen-Orient dans les décennies suivantes, notamment contre l'Égypte, la Jordanie, l'Iran et le Liban. Ces pays n'ont pas accepté le sort réservé aux Palestiniens. De plus, les gouvernements au pouvoir étaient orientés à la gauche réformiste, au Moyen-Orient comme en Afrique du Nord. Ben Bella en Algérie (1962-1965), Bourguiba en Tunisie (1957-1987), entre autres, avec leurs dérives indéniables aussi. Le Président égyptien Abdel Nasser (1956-1970) a pris la tête de ce mouvement, ancré dans le panarabisme, un mouvement de solidarité sur fond de socialisme entre les peuples arabes. Ce mouvement porteur d'espoir fut coincé entre ces échecs militaires vis-à-vis d'Israël,, les volontés néocolonialistes, l'impérialisme des États-Unis et les coups d'États. Cela a amené vers le triomphe d'un islamisme très conservateur. C'était aux antipodes des aspirations des tenants de l'indépendantisme au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, autant pour Nasser que Mustafa Kemal avant lui, une idée de laïcité était au cœur de leur pensée. De sorte que l'arrivée de Khomeini en 1979 en Iran a anéanti ce projet de société. Sans compter que religion et haine sont le mélange le plus terrible possible. Cela se répercutera aussi sur la situation israélo-palestinienne.

Une similitude troublante saisit quiconque s'intéressera à l'Histoire israélo-palestinienne. D'une part, les idées de gauche ont bien nourri la construction de la résistance palestinienne, à l'image des luttes indépendantistes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Des femmes, travailleuses et/ou révolutionnaires, l'ont fait. Issam Abd al-Hadi l'a fait. Samiha Khalil l'a fait. De surcroît, les incarnations du sionisme, de ses prémices, à la création d'Israël, à aujourd'hui, ont été aussi ces mêmes femmes, éprises du socialisme. En témoignent les parcours d'Ada Maimon ou Shulamit Aloni.

Opposées, mais si semblables dans tant de leurs luttes, leur combat pour leur pays, leur combat pour leur émancipation.

Or, être juive ne veut pas dire soutenir Israël, Arna Mer-Khamis sera l'une d'elles, elle ne cherchera pas à intégrer le système politique israélien. Tandis que Beba Idelson essayera d'en faire l'outil de la libération des femmes.

Ces chapitres seront imaginés comme des dialogues fictifs en duo, relatant la vie de ces femmes, leurs oppositions, leurs différences. Leur public sera vous, et je me permets d'être leur interlocuteur, leur intervieweur.

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