Texte originellement écrit pour un défi qui consistait à faire une déclaration à un personnage fictionnel. J'ai décidé de l'intégrer à cette suite de texte par la suite.

"Thaïs,

je ne sais quelle névrose m'a poussé à te créer.
Je ne sais pas non plus quel amour dérangé m'a conduit à t'aimer en te faisant tant souffrir.
Je t'ai imaginée violée, martyrisée, isolée dans ta chair et dans ton âme, mue par le seul désir de venger celles qui ont subi cette violence tout autant que toi.
Je t'ai fait avorter du bout d'aiguille d'autres femmes, dont la souillure a fait pousser dans leur corps des engeances redoutées. Je t'ai fait prendre l'âme de fœtus pour les insérer dans des pantins, et transformer la dépravation et l'indicible en vie dévoyée.
Je t'ai aussi fait pousser dans tes iris des fleurs qui t'ont révélé à toi-même.

Je sais que tu es la synthèse de ces femmes que j'ai rencontrées, toutes celles qui ne disaient rien par leurs mots, mais par les regards et les gestes. Elles avaient diverses manières de le dire, certaines se prostraient dans le rangement et le nettoyage, d'autres dans les addictions et les conduites à risque, d'autres sublimaient leur noirceur dans l'âme.

Et quoi que je fasse, pardon, quoi que je te fasse, tu me reviens en boomerang, incapable d'être heureuse, incapable de te laisser libre de tout ce qui me torture et me pousse à te dévoyer.

N'aurais-je de répit de te prendre comme un jouet, et m'amuser avec toi comme un manipulateur ? Aurais-je un jour pitié pour tout ce que tu as subi entre mes mains, dans toutes les itérations que j'ai fait de toi ?

Peut-être est-ce toi, après tout, qui me reviens. Rejouant sans cesse les mêmes traumatismes pour un jour espérer t'en libérer, comme tant d'autres avant toi, qui sont revenues dans les bras de leurs bourreaux, en attendant qu'ils les libèrent ?

Prisonnière de la souillure, ne serait-il pas juste qu'un jour, je t'en libère...


... Ou que je fasse en sorte que, pour une fois, tu ne sois démiurge et moi le jouet ?"