Presque Mort

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Nous sommes le 15 janvier 2019, dans un couloir interminable en béton, sombre et lugubre, deux médecins parcourent, en courant, les centaines de mètres qui les séparent de la salle d’opération. Chemises longues, d’une blancheur immaculée, badges frappants les torses au rythme des pas, chaussures vernies d’une marque prestigieuse pour l’un et escarpins vert émeraude, pour l’autre.

— Comment est-il ? Questionne l’homme d’une voix grave et inquiète.

— Il est dans un état critique. Plusieurs côtes brisées, les bras lacérés, le poumon perforé, et les genoux pas mieux, le rythme cardiaque est lent, et son activité cérébrale est presque éteinte !

— Il faut le ramener, quoi qu’il en coûte. Ordonne l’homme en franchissant une grande porte sécurisée.

Là, autour d’une table d’opération, des infirmiers s’affairent à brancher les perfusions. Un homme est couché, vingt-cinq ans, brun, le visage tuméfié, la respiration saccadée. Le médecin se penche au-dessus de lui et examine rapidement son état général.

— Comment cela s’est-il passé ?

— Nous ne savons pas. Il a été trouvé prés de la porte et amené aussitôt.

— Je veux un scanner du corps entier. Faites en sorte de le ramener parmi nous. Nous ne pouvons pas le perdre, c’est le dernier.

— Je ne pense pas qu’il s’en sorte.

Le médecin empoigne violemment sa collègue par l’épaule.

— Il me le faut vivant, sur pied et prêt pour poursuivre nos études.

— Bien professeur, nous ferons notre possible.

Sur les écrans, le rythme cardiaque ralentit dangereusement. Le professeur se saisit d’un défibrillateur et le choc à plusieurs reprises. Le corps inerte se soulève pour revenir s’écraser sur la table. Un peu partout, des bandages rougis de sang s’entassent sur le sol. Les infirmiers tournent autour, essayant de limiter l’hémorragie. L’heure est grave, l’homme blessé, semble donner son dernier souffle. Alors, le professeur lui pose l’insufflateur, pompe de nombreuses fois puis se redresse, entrelace ses doigts et frappe de toutes ses forces sur le cœur qui ne veut plus repartir. Après de nombreuses tentatives, un bip résonne, le cœur repart.

Le sourire aux lèvres, le professeur pousse le chariot dans une autre pièce. Les infirmiers suivent au pas de course, il faut faire vite.

Après un long moment d’examen au scanner, le professeur est dubitatif, mais il n’a pas le droit d’abandonner. Il se lève et s’appuie sur le montant du chariot. Tous les appareils enregistrent le moindre mouvement d’une activité cérébrale qui s’éteint au fur et à mesure des minutes qui s’écoulent. Le médecin-chef retire toutes les électrodes posées sur le crâne puis empoigne deux tiges et les place sur les tempes. Il recule, jette un dernier regard sur le blessé et appui sur le bouton. Le visage de l’homme se crispe, il redonne une charge, puis encore une autre, il le veut vivant.

L’autre médecin entre et découvre toute l’horreur de la scène, elle recule en laissant tomber au sol ses dossiers. Là, sur la table, le jeune homme entrouvre les yeux. Le vert de ses pupilles brille sous le puissant éclairage. Il regarde autour de lui et fixe le professeur. Des spasmes s’emparent de lui, les mâchoires contractées et maintenues par un casque en fer, il essaie de parler en tirant sur les sangles qui le maintiennent solidement.

— Là, ça va aller, Eddy. Tu es enfin à la maison et je vais bien m’occuper de toi. Dit le professeur en le tenant plaqué pour qu’il ne bouge pas. Tu seras en un rien de temps sur pied.

Le jeune homme laisse échapper un râle en apercevant une seringue se diriger vers le cathéter. En quelques minutes, il perçoit cette chaleur qui lui envahit les veines. Il cligne plusieurs fois des yeux, lance un regard éploré vers l’autre médecin, un regard empreint de supplications et de tristesse. Il gémit, tire davantage sur les sangles, puis s’écrase lourdement sur l’inox froid.

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