La vasque

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Le sang de Marcheur roule sur les dalles de la salle du trône.

Le liquide coule dans les interstices, continuant sa trajectoire jusque dans les défauts de la maçonnerie.

Il s’enfonce entre les pierres, avalé par la terre et la roche.

Il continue sa trajectoire, se déverse sur les surfaces calcifiées en les érodant. Les particules se joignent à cette sève humaine, tandis qu’elle se glisse à présent dans une ouverture naturelle.

Il finit par reparaître dans un espace où l’air est chargé d’énergie. Il bulle et s’amoncelle au plafond d’une caverne gigantesque.

Cet enflement écarlate grossit jusqu’à crever et qu’une première goutte s’effondre.

Dans sa chute, elle percute et emmène avec elle des particules de braises incandescentes qui dansent dans les profondeurs.

La goutte tombe dans un bassin de pierre, et roule une dernière fois avant de se mêler à un liquide azur qui l’absorbe en dégageant un mince filet de fumée.

Au fond du bassin, un frémissement remonte sous la forme de bulles.

Lorsqu’elles arrivent en surface, elles éclatent en devenant écume.

La surface de l’eau dans la vasque est trouble. Marion plonge ses mains dedans et projette le liquide savonné sur son visage.

Elle se regarde dans le miroir de sa chambre. Le sang d’Ylius ne souille plus ses joues, mais il reste encore des gouttelettes écarlates sur sa machoîre. Elle attrape un linge qui siège à côté de la vasque et s’essuie.

Lorsqu’elle est sèche. Elle se retourne pour voir son reflet.

Elle a nettoyé le sang, et les sillons des larmes qui l’ont creusée. Elle reste devant son miroir, incapable de se reconnaître.

Incapable de reconnaître si le monde qu’il y a autour d’elle est bien réel. Cette chambre est étrange. Le lit est toujours au bon endroit, bien préparé, la table n’a pas bougé non plus, de même pour son manteau de voyage, toujours au porte-manteau.

Il n’y a que son corps qui bouge sans qu’elle ne lui commande, et que cette eau pleine de sang pour lui suggérer que ce qui s’est produit s’est – peut-être – effectivement produit.

Des bulles remontent du fond de la vasque, leur bruissement est suivi par le gargouillis des entrailles de Marion.

Elle déglutit en sentant cette chaleur dans son ventre.

La nausée.
Une remontée acide.

Elle se précipite à la vasque et rend le magma qui remonte.

Son regard embrumé, elle met plusieurs secondes à chasser leur voile. Flottant à la surface de l’eau, il n’y a qu’un peu plus de sang.

Et quelques caillots bleu brillant avec lui.

Elle redresse sa tête. Ses yeux brun clair luisent légèrement. Un anneau de bleu entoure ses iris à présents.

Le dos de sa main droite lui brûle.

Incapable de comprendre ce qui lui arrive, elle se détourne de son reflet. Marion titube en s’éloignant, se tient à l’encadrement de la porte menant hors de ses quartiers.

Là, dans le couloir, deux gardes entourent un corps enroulé dans un linceul mortuaire.

Derrière le tissu, il ressemble à n’importe qui. Marion lutte contre l’envie de croire qu’il s’agit d’un inconnu. La peur du déni doit rester plus grande que la peur de réaliser.

Les deux gardes, s’échangent des œillades coupables. Ils étaient derrière les portes de la salle du trône, ils ont obéi à l’ordre du Praedicator de ne pas le déranger, et ont laissé le mercenaire rentrer dans la salle du trône malgré l’ordre.

Marion sait qu’ils ne sont coupables de rien, sinon d’avoir désobéi à l’ordre d’un fou.

Mais elle préfère ne pas croiser leurs regards.
Prenant sa part du brancard. Elle soulève le corps avec leur aide, et leur murmure.

« Allons préparer le corps. »

Leur culpabilité les rendra dociles.

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