J’ai un certain âge et un âge certain. Ma vie est pleine, de souvenir, de rire et de joie. Je n’ai pas d’enfant. C’est une réussite. J’en suis persuadée, comme ma vie.

Quoiqu’à chaque renaissance, celle-ci soit meilleure, j’avoue avoir peur de mourir dans celle-ci. Je ne veux pas mourir. Pourrais-je être un de ces mythes d’autrefois : un vampire ? Je ne tuerais pas, promis, je me nourrirais gentiment et vivrais éternellement, cela me laisserait tellement de temps pour apprendre les différentes civilisations, et puis voir le monde évoluer, cela doit être fascinant… J'ai d'ailleurs sur ma table de nuit une pièce que j'ai trouvé étant jeune, fine rondelle d'or. On m'a dit que ça avait de la valeur, qu'elle était "historique"... Mais je ne l'ai pas vendu. Je l'ai gardé. Quand je la prends dans ma paume, c'est comme si je voyais le passé, comme si d'anciennes vies me revenaient.

Le passé, l'avenir...

Aujourd'hui...

Je ne veux pas que ma vie s’arrête. Voir un lever de soleil, courir pieds nus dans l’herbe, les odeurs de la mer… Comment peut-on mourir et se passer de tout cela ?

Autre chose m’interroge. Serait-il possible qu’il y ait un maximum de bonheur, une barrière à atteindre, telle une courbe ayant progressivement profité de son ascension pour commencer à décliner ?

Je pense en être là, à la descente. Je pense que je suis à l’apogée du meilleur de mes vies. Il me semble que la prochaine sera correcte mais pas aussi bonne. Tout est affaire de calcul.

Pollution, cataclysme, terreur…

Ma première moi ne se posait pas tant de questions. Suis-je ingrate de refuser de mourir ?

De toute façon, il n’y a rien à refuser je n’ai pas le choix mais tout de même… Il faudrait au moins se souvenir de son passé, pour ne jamais oublier ses erreurs.

Vivre éternellement dans le monde actuel… Bien sûr, il y a d’autres personnes qui n’en sont pas encore à leur point culminant mais serait-il possible que nous nous arrêtions tous lorsque nous y sommes?

Non, je le sais bien.

Mais quel intérêt alors à jouer à tout ça ?

Je ne sais pas.

Je ne sais pas ce qu’il en est de Dieu non plus mais pourtant je le prie.

Mon Dieu, faite que je m’en sorte heureuse dans chacune de mes vies…

Ou dois-je souhaiter avoir la chance d’en vivre d’autres tout simplement ?