Chapitre 1.3 : Sainte Aliénor

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 Les pieds nus de la prêtresse caressaient les pavés de marbre noir de la cathédrale de Sainte Aliénor sans un bruit. Ils se dissimulaient sous son ample et riche robe tissée de la soie la plus éclatante, leur couleur de nacre se confondant presque avec cette dernière lorsque parfois, ils surgissaient timidement au rythme de ses pas en chassant ce voilage immaculé. Ainsi, elle semblait presque flotter à travers la nef d’or et d’acier tel un spectre tranquille, avançant sans précipitation vers son but. Seule, elle s’installa en tailleur à même le sol, au centre de l’immense édifice. La lumière timide d’après l’orage traversait les fenêtres du tambour de la grande coupole ; là où une myriade de tesselles dorées reflétait les rayons du soleil pour scintiller comme un ciel paradisiaque.

 Elle releva le voile brodé d’or qui lui cachait le visage, puis inspira profondément tout en fermant les yeux. Son visage appartenait à une femme arrivant dans sa soixantaine, aux traits laissant paraître quelques rides encore juvéniles aux coins de son regard d’émeraude. D’ailleurs, sa crinière noire et ondulée, qui tranchait avec la couleur laiteuse de sa peau, laissait paraître de nombreuses mèches grisées et éparses.

 À l’évidence, son statut de matriarche de la foi impériale n’était pas sans causer un certain stress que les soins les plus performants ne pouvaient dissimuler entièrement. Cela faisait maintenant une quinzaine d’années qu’elle guidait les foules sur le chemin de la clarté. Elle leur apportait la parole de l’Empereur-Dieu, afin de les aider à traverser leur existence au mieux. Elle songea un instant à ce qu’elle avait déjà accompli, à tout ce qui serait encore à faire, puis entama sa méditation quotidienne.

 Ce jour elle interdit l’accès au cœur de la cathédrale à toutes les sœurs et à tous les frères du Culte. Elle se réserva ainsi le centre de l’imposant édifice, masqué aux profanes par une série de murs de bronze sculptés, formant un vrai labyrinthe jusqu’au saint des saints.

 La cathédrale de Sainte Aliénor était un joyau. Elle émergea des temps de renaissances suivant la chute d’une ville ravagée sur laquelle s’édifiait Éminence. Au plus haut du deuxième arrondissement, et ainsi au plus proche du palais impérial lui-même, avait été bâtit ce lieu de prière coulé dans l’or, l’acier, le bronze, agrémenté de marbre et autres joyaux resplendissants. Son architecture se voulait novatrice à l’époque, inspirée de l’architecture romane des temps anciens. Elle était cependant réhaussé d’une folie des grandeurs titanesque et opulente propre aux périodes d’après-guerre, alors que le monde faisait table rase. Mais quelque part, sur la route du dit progrès, le caractère inflexible du l’acier et le béton avaient détrôné la noblesse simple du bois et de la pierre dans le cœur des hommes.

 Mais si les édifices des temps anciens avaient pour leur part abrité en leurs entrailles nombres de tombeaux mornes et froids, la panse de Sainte Aliénor était emplie de bruits et de chaleur. Sous les métaux et le marbre, d’immenses chapelles et galeries abritaient rouages complexes, artères de câblages et autres machineries s’évertuant à alimenter la cathédrale en énergie afin de pouvoir diffuser de là la sainte parole à travers la cité. Mais elle la diffusait également à travers tout l’Empire, qui s’étendait jusqu’au lointains territoires sibériens mais aussi bien au-delà du bleu du ciel. Se trouvaient également dans le ventre de ce monument quantité de données, anciennes ou plus récentes. D’immenses salles d’archives numériques compilant les derniers siècles de foi de milliards d’âmes.

 C’était pour ainsi dire une véritable cité dans la cité. Là où s’agitaient aussi bien les technomanciens et leurs sbires technoslaves, chargés de veiller au bon entretient de l’édifice et de son fonctionnement, que les servants et servantes du Culte, occupés à répandre la sainte parole à travers le Réseau, et ce jusque dans l’Alterworld. Mais de tout ça, rien ne paressait à la surface paisible du marbre qui constituait le sol du premier niveau de la titanesque et vénérable Sainte Aliénor.

 La matriarche attendit en tailleur durant une bonne heure, méditant avec sérénité. Quand finalement un grondement sourd se fit entendre, émergeant de toutes parts. Les mille haut-parleurs présents dans la cathédrale s’ouvrirent en chœur tels les mille bouches d’un ange descendant des cieux. Des holoprojecteurs de la coupole jaillit la silhouette colossale d’un homme encapuchonné. Un sombre géant vaporeux, traversé de parasites électriques, se tenait devant la première prêtresse du Culte. Il reflétait sa luminosité orageuse sur les multitudes de tesselles de la coupole qui se teinta de son atmosphère divine et oppressante. Sans afficher la moindre surprise, la prêtresse rouvrit un œil afin de contempler la projection holographique. Elle se redressa avec lenteur, lui adressant toute son attention.

 – Je savais que vous viendriez à moi aujourd’hui.

 – Une fois de plus, j’ai parcouru mon cauchemar. Comme tu as dû le ressentir.

 – Je sais. Mais vous semblez plus préoccupé que d’habitude. Tout va bien ?

 – Je n’ai pas besoin de tes inquiétudes à mon sujet.

 La prêtresse soupira en affichant une moue anxieuse devant le grand hologramme dont le visage restait irrémédiablement dissimulé sous une ample capuche.

 – Dans mes songes, j’ai entendu dire que tu l’avais enfin localisé.

 – C’est possible, reprit-elle. Je ne voulais pas en parler avant d’en être certaine.

 – Espérons que cette fois-ci sera la bonne. Je les traquerai pour l’éternité s’il le faut.

 – C’est un peu trop long pour moi, conclue-t-elle. Alors asseyons de mettre fin à cette histoire rapidement.

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