Chapitre 2.4 : Vaduz

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 L’imposant quadricoptère volait vers son but avec l’aisance d’une brique de plomb. Dans une vallée de montagne avait été édifié un village fortifié venant s’appuyer contre le versant ouest d’une montagne ayant vu défiler impassiblement les millénaires. La bourgade était le point de terminus d’une ligne ferroviaire visiblement ancienne mais toujours en activité, qui suivait le cours d’un fleuve serpentant paresseusement entre les monts sans âge de cette région presque hors du temps.

 Se tenait en surplomb du village un fort, très ancien, bâtit de pierres taillées ; réhaussé maintes fois au cours des siècles d’acier et de béton. Ces rajouts disgracieux assuraient le maintien de sa carcasse antique tout en l’ayant notablement agrandi. Il s’équipait également de technologies modernes, à commencer par une ruche à drones, installée dans ce qui avait dû être autrefois un donjon, et d’une large antenne ronde pointant vers les cieux. C’était l’avant-poste militaire de Vaduz, chargé de la surveillance d’une très large portion de terres montagneuses retournées à l’état sauvage après la chute de l’Ancien Monde.

 À l’intérieur de l’appareil volant, le lieutenant Novak se sentait petit, et même minuscule, face à la bande de colosses qui l’accompagnait. Les soldats de Mars était des êtres dépassant sans aucun effort les deux mètres, à la carrure imposante constituée de muscles solides comme le roc et souples comme ceux de grands fauves. Chacun d’eux était un guerrier jugé exceptionnel, fruit d’années d’entrainement extrêmement coûteux, encastré dans une armure magnifique de chevaliers spartiate de cette moitié du second millénaire.

 Elles se composaient de casques corinthiens revisités, ou mêlant encore des inspirations moyenâgeuses avec des cimiers grecs antiques. Mais aussi de plastrons infranchissables aux gorgerins martelés de bronze, d’épaulières lourdement serties de gravures et autres décorations militaires. Cuissardes, genouillères et grèves robustes n’entravaient pas le mouvement, sous des lanières métallisées rappelant le cingulum des légions de Rome. Chacune de ses forteresses de métaux était unique, et composée d’éléments choisis par chaque martien au sein d’un large éventail de personnalisation de son équipement standard. L’ensemble rendait toujours un résultat harmonieux, à la fois robuste et élancé, laissant aux guerriers une grande liberté de mouvement. Mais sous ces protections derniers cris, les surhommes portaient tous la même combinaison noire étanche, capable de résister aux effroyables conditions spatiales. Ces soldats ressemblaient ainsi à de véritables forteresses imprenables, à la fois fortes et d’une célérité étonnante pour des hommes si lourds.

 Il émanait d’eux un sentiment oppressant, une magnificence écrasante et dangereuse, mêlant chez beaucoup d’observateurs admiration et jalousie, tant ils rayonnaient d’une aura de demi-dieux guerriers des mythes antiques. C’était là le but avoué de leurs accoutrements. Ces homo supremus étaient issus de sélections génétiques poussées et s’entrainaient dans les pires conditions des déserts de Mars depuis leur création. Cette nouvelle espèce était ainsi l’aboutissement de ce que l’humanité pouvait faire de mieux sans recourir aux modifications cybernétiques. Ces êtres d’exception faisaient régulièrement les gros titres de tous les médias de l’Empire grâce à leurs actions héroïques face aux pires menaces pesant sur l’humanité de l’Ouest au-dedans et au-delà du système solaire. On y décrivait dans les moindres détails leurs faits d’armes, leur sens du devoir, ou encore leur dévotion sans borne à l’Empereur-Dieu, si bien qu’ils s’étaient hissés au statut d’être quasi-surnaturels.

 Il était de ce fait étrange pour le lieutenant de les voir discuter et plaisanter comme l’auraient fait ses propres hommes. Novak les avait-il sans doute trop idéalisés à cause de cette fascination médiatique, bien qu’il reconnût en eux des êtres supérieurs dès qu’il posa les yeux sur le silencieux général Tarkon. Ce dernier se tenait d’ailleurs en face de lui, lisant sur une holotablette sans se soucier du reste ; son visage sévère découpé entre la pâle lueur bleue de son écran et celle des faibles éclairages orangés de l’engin militaire. Finalement, ils arrivèrent à destination. L’appareil se posa alors à l’aérodrome de la base en secouant légèrement ses passagers à l’atterrissage.

 Lorsque le lourd quadricoptère s’ouvrit, Tarkon descendit en premier, tout de suite accueilli par le commandant de cet avant-poste, un homme du nom de Vel Standrech.

 – Votre Excellence, lança immédiatement Standrech tout en effectuant une révérence un peu gauche. J’espère que vous avez fait bon voyage.

 Tarkon s’arrêta devant le commandant. Il inspecta de son regard glacial vissé sur un visage de marbre l’ensemble de l’avant-poste, de la plateforme d’atterrissage aux bâtiments de la bourgade s’étalant jusqu’à la forteresse perchée sur son promontoire rocheux. Après un long instant de silence pesant, il se décida enfin à jeter un œil à cet homme visiblement tendu qui se tenait devant lui, toujours plié en deux.

 – Merci, Commandant. J’aimerais être conduit à votre centre de commandement au plus vite. Moi et mes hommes devons agir rapidement.

 – Oui, naturellement Excellence. Veuillez me suivre.

 Aussitôt, Standrech mena son intimidant supérieur vers le véhicule qui les conduirait jusqu’à la forteresse de ce modeste avant-poste. Novak ne put même pas lui adresser un mot, tant ce dernier s’éclipsa rapidement. Mais le lieutenant comprenait parfaitement le stress de son commandant face à la visite d’êtres si haut perchés dans la hiérarchie impériale.

 Les Martiens s’installèrent rapidement et prirent possession des lieux comme si ces derniers avaient toujours été leur foyer, laissant le déchargement de leur matériel aux bons soins de leur technomancien et des techniciens logistiques de la base. Dès leur arrivée l’ambiance se tendit. Leur présence en ces lieux était pour le moins inhabituelle. Ces guerriers surhumains n’étaient habituellement appelés à apparaître que dans les pires conflits, ou les missions de colonisation extrasolaire les plus périlleuses.

 En réalité, ils étaient souvent perçus par les populations comme les protecteurs de l’Empire et de ses colonies, veillant depuis leur légendaire forteresse d’Ultora perdue dans les déserts rouges de Mars. Ils faisaient même l’objet de quelques prières à travers les territoires impériaux. Recevoir de tels visiteurs ne signifiait qu’une chose : une terrible menace se tapissait non loin. C’était cette évidence, alliée à l’aura charismatique de ces derniers, qui permis aux Martiens de prendre le contrôle total des lieux en un temps record avec l’aide d’un personnel militaire zélé. Cependant, jamais Tarkon ne révéla ses plans clairement. Ni à Novak, ni même à Standrech, qui en savait peut-être encore moins que son lieutenant qui pour l’heure se faisait une joie de rentrer chez lui.

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